Ian Frazier :
Grandes Plaines, traduit par
Alexandra Maillard. Hoëbeke, 2018 (Etonnants voyageurs)
Résumé de l'éditeur : L'Ouest ? le mythe américain par excellence, nimbé du halo doré des légendes, magnifié par le western. Certes. Mais aussi, aujourd'hui, un vaste «nulle part» à l'abandon, que l'on survole en allant d'un point à un autre. Et où l'on stocke l'arsenal nucléaire. Rien que cela, vraiment? Que nous dit encore, et dit de nous, l'Ouest américain? Pour en avoir le coeur net,
Ian Frazier, journaliste star du New Yorker, homme de l'Est par excellence, à l'oeil aigu et à l'humour ravageur, fasciné enfant par les «shows» télévisés, décide à trente et un ans de s'installer dans le Montana. Début d'un immense voyage dans les archives et par les routes, de la maison abandonnée de Bonnie et Clyde, dernier témoin de leur cavale, à la cabane de Sitting Bull, en passant par les lieux des crimes chroniqués par
Truman Capote dans
de sang-froid – 25 000 miles d'une exploration, entre légendes et réalité, d'un territoire hors norme où les étendues sauvages et anonymes disent tour à tour la force et la fragilité du rêve américain.
Mon avis :
Ian Frazier nous offre ici un extraordinaire voyage à travers les
Grandes Plaines. Il brosse par petites touches un tableau assez complet de ces régions mythiques, parlant de leur histoire, des populations d'hier et d'aujourd'hui, de la flore, des animaux qu'il croise. L'histoire tient une part importante, car l'auteur la considère comme indispensable à la compréhension du présent. Il évoque souvent l'histoire des tribus indiennes qui peuplaient autrefois les Plaines ; il raconte dans un très beau chapitre la fin de Crazy Horse, en montrant toute son admiration pour l'homme, libre jusqu'au bout.
On apprend des choses intéressantes sur l'histoire de la flore des
Grandes Plaines, comme l'origine des fameux Tumbleweeds : il s'agit d'amarante, venue de Sibérie au 19è siècle. Car dans les
Grandes Plaines ou dans les steppes russes, « Les mêmes essences de plantes (y) fleurissent également. En fait, certaines des herbes les plus luxuriantes des
Grandes Plaines ont été rapportées de Russie eurasienne par des colons du XIXè siècle ». C'est le cas également du blé dur, importé par les colons Russes.
A la lecture de ce récit, on a très envie de sauter dans un van afin de faire ce voyage à travers les
Grandes Plaines, afin de découvrir leur beauté : « La beauté des Plaines tient dans leur ciel, dans ce à quoi elles vous font penser lorsque vous les contemplez, et dans ce qu'elles ne sont pas ».
Ian Frazier conte de jolies anecdotes, issues de ses rencontres avec les habitants des Plaines, parfois touchantes, parfois très drôles.
Mais son constat final sur l'activité des Blancs hier et aujourd'hui est assez amer :
« Au final, cette histoire est celle de la chute des
Grandes Plaines sur deux siècles : nous avons piégé le castor (…), infecté les Pieds Noirs, les Hidatsas et les Assiniboines (…), effacé le bison de la surface de la planète, avec les os et tout (…), massacré les Sioux, Cheyennes, Arapahos, Crows, Kiowas et Comanches ; tué Crazy Horse ; tué Sitting Bull (…). Congédié les petits fermiers, vidé les petites villes ; extrait le pétrole et le gaz pour les envoyer ailleurs ; asséché les rivières et les sources, percé de plus profondément afin de trouver de l'eau alors que l'aquifère se vide. Et réduit des montants colossaux de trésors dans le but de financer des armes enfouies sous une terre qui nous a donné tant de trésors. »
Un grand bravo à
Alexandra Maillard, qui a très bien fait passer en français les variations de ton de l'auteur, et la beauté des descriptions.
Une lecture que je recommande vivement aux membres du #PicaboRiverBookClub !