0 - Intro. (Prémisse)
Suite à la troisième révolution industrielle (la micro-informatique), le travail est mort, car : 1. "l'innovation de procédés va plus vite que l'innovation de produits" ; 2. "on supprime davantage de travail qu'on ne peut en réabsorber par l'extension des marchés".
1 - "La domination du travail mort"
"Mais, dans cette société, celui qui ne peut vendre sa force de travail est 'superflu' et se trouve jeté à la décharge sociale" (p. 14)
"Et le mot selon lequel il vaut mieux avoir 'n'importe quel' travail que pas de travail du tout est devenu la profession de foi exigée de tous". (p. 15)
2 - "La société d'apartheid néolibérale"
"Elles [les fractions du camp du travail] ne s'affrontent plus pour savoir SI une part toujours plus grande de la population sera ou non laissée sur le bord de la route et exclue de cette participation sociale, mais seulement COMMENT faire passer, bon gré mal gré, cette sélection. La fraction néolibérale abandonne en toute tranquillité la sale besogne du darwinisme social à la 'main invisible' du marché". (p. 17-18)
3 - "L'apartheid du néo-Etat social"
"Aujourd'hui, l'Etat ne regarde pas à la dépense pour que des centaines de milliers d'hommes et de femmes simulent le travail disparu, dans d'étranges 'ateliers de formation', ou 'entreprises d'insertion' afin de garder la forme par des 'emplois' qu'ils n'auront jamais. On invente toujours des 'mesures' nouvelles et encore plus stupides simplement pour maintenir l'illusion que la machine sociale, qui tourne à vide, peut continuer à fonctionner indéfiniment." (p. 24)
4 - "Aggravation et démenti de la religion du travail"
Sur l'imposture du travail comme 'loi naturelle'. "Comment expliquer[...] qu'aujourd'hui les trois quarts de l'humanité sombrent dans la misère précisément parce que la société du travail n'a plus besoin de leur travail ?". (p. 30)
5 - "Le travail, principe social coercitif"
"Dans la sphère du travail, ce qui compte n'est pas tant CE QUI est fait, mais LE FAIT QUE telle ou telle chose soit faite en tant que telle, car le travail est une fin en soi dans la mesure même où il sert de vecteur à la valorisation du capital-argent, à l'augmentation infinie de l'argent pour l'argent". (p. 33)
6 - "Travail et capital : les deux faces de la même médaille"
"Mais si la classe ouvrière [...] n'a jamais été l'antagoniste du capital et le sujet de l'émancipation humaine, réciproquement les capitalistes et les managers ne dirigent pas la société selon la malignité d'une volonté subjective d'exploiteurs". (p. 37)
7 - "Le travail, domination patriarcale"
Le travail, broyant l'espace social en sphère du produit et sphère du foyer, crée également les stéréotypes sexuels.
8 - "Le travail, activité des hommes asservis"
Sur les liens sémantiques et étymologiques entre 'travail' et asservissement.
9 - "L'histoire sanglante de l'instauration du travail"
Extension des conditions du marché et ingérence de l'Etat dans l'économique à partir de l'époque de l'absolutisme, pour assouvir les insatiables besoins financiers de la machine de guerre de la modernité naissante.
10 - "Le mouvement ouvrier : un mouvement pour le travail"
Le mouvement ouvrier est l'héritier de l'absolutisme, du protestantisme et des Lumières. "Les ilotes domestiqués du travail ont inversé pour ainsi dire les rôles idéologiques et ont fait preuve d'un zèle de missionnaires, d'une part en exigeant le 'droit au travail' et, d'autre part, en invoquant le 'devoir de travail pour tous'". (p. 54)
11 - "La crise du travail"
Sur les conséquences de la troisième révolution industrielle (cf. Intro) sur le travail.
12 - "La fin de la politique"
Au XXe siècle, l'Etat a dû assumer de plus en plus de tâches socio-économiques. Mais "Il doit puiser l'argent dans le procès réel de valorisation pour financer ses tâches. Quand la valorisation se tarit, les finances de l'Etat se tarissent aussi". (p. 66)
13 - "La simulation de la société du travail par le capitalisme de casino"
"[...] ce n'est pas la spéculation qui a causé l'arrêt des investissements réels, mais [...] ceux-ci étaient déjà devenus non rentables à cause de la troisième révolution industrielle et [...] l'envolée spéculative n'en est qu'un symptôme". (p. 74)
14 - "Le travail ne se laisse pas redéfinir"
"Après des siècles de dressage, l'homme moderne est tout simplement devenu incapable de concevoir une vie au-delà du travail. En tant que principe tout-puissant, le travail domine non seulement la sphère de l'économie [...] mais pénètre l'existence sociale jusque dans les pores de la vie quotidienne et de l'existence privée". (p. 78)
15 - "La crise de la lutte d'intérêts"
"[...] l'individualisation tant invoquée n'est qu'un autre symptôme de la crise dans laquelle se trouve la société du travail. Pour autant que des intérêts puissent encore être agrégés, cela ne se produit qu'à l'échelle micro-économique". (p. 84-85)
16 - "Le dépassement du travail"
"La discussion directe, l'accord et la décision commune des membres de la société sur l'utilisation judicieuse des ressources remplaceront la production marchande, tandis que se réalisera l'identité socio-institutionnelle entre producteurs et consommateurs (impensable sous le joug de la fin en soi du marché capitaliste)". (p. 94)
17 - "Contre les partisans du travail : un programme des abolitions"
Prise en compte du gaspillage de ressources nécessaire à entretenir le 'travail mort' dans tout ce qu'il a de coercitif.
18 - "La lutte contre le travail est une lutte anti-politique"
Du fait que cette lutte soit un mouvement d'appropriation à mener à l'encontre de l'appareil d'Etat, et ne visant pas à s'emparer des commandes du pouvoir.
Mes commentaires :
Si j'ai pris le temps de transcrire autant de texte pour un ouvrage si court, presque une plaquette, c'est qu'il s'agit précisément d'un manifeste, fort influencé dans son style par celui de Marx-Engels. Il est plein de phrases percutantes aptes à être citées (que j'avais choisies dans une première lecture), mais qui sembleraient d'abord décousues, insuffisamment développées et quasi non démontrées. En réalité, une seconde lecture rapide m'a permis de comprendre que : le plan existe et il est très rigoureux ; chacun des courts chapitres pourrait être développé mais cela ferait du livre un véritable traité ; que les citations à retenir n'étaient pas les plus percutantes mais d'autres, que j'ai considérées comme plus juteuses et substantifiques, et qu'elles méritaient d'être donc toutes retenues.
La faille principale du Manifeste, cependant, est sa partie propositive, contenue dans les trois derniers chapitres (surtout le 16 et le 18), qui peut vraiment sembler trop utopique ou alors vraiment insuffisamment précisée : mes cit. contribuent certes à témoigner de ma perplexité.
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Sont justes exposées ici, parfois assez maladroitement, quelquefois fort pertinemment, les lois du marché désormais totalement mondialisé. Et principalement, pour ce qui concerne la très grande majorité de la population, la nécessité de trouver un travail salarié pour assurer sa survie.
Dans un monde où, effectivement, " la vente de la marchandise-force de travail est assurée d'avoir autant de succès qu'en a eu la vente de diligence au XXème siècle." alors que dans le même temps, "celui qui ne peut pas vendre sa force de travail est "superflu" et se trouve jeté à la décharge sociale."
Et donc : "Si, à l'avenir, les exclus ne veulent pas vivre de charité chrétienne et d'eau fraîche, ils devront accepter n'importe quel sale boulot, n'importe quel travail d'esclave, ou n'importe quel " contrat de réinsertion ", si absurde soit-il, pour prouver leur inconditionnelle disponibilité au travail."
avec aussi une explication de ce que nous voyons à l'oeuvre sous nos yeux :
"Une société centrée sur l'abstraction irrationnelle du travail développe nécessairement une tendance à l'apartheid social, dès lors que la vente réussie de la marchandise-force de travail, de règle devient exception. Depuis longtemps, toutes les fractions du camp du travail, qui englobe tous les partis, ont subrepticement accepté cette logique et poussent elles-mêmes à la roue. Elles ne s'affrontent plus pour savoir si une part toujours plus grande de la population sera ou non laissée sur le bord de la route et exclue de cette participation sociale, mais seulement comment faire passer, bon gré mal gré, cette sélection. "
"La transformation idéologique du " travail devenu rare " en premier droit du citoyen exclut par le fait même tous ceux qui n'ont pas le bon passeport. La logique de la sélection sociale n'est pas mise en cause, mais simplement définie d'une autre manière : les critères ethniques et nationalistes sont censés désamorcer la lutte pour la survie individuelle. " Les turbins nationaux aux nationaux ", crie la vox populi qui, dans l'amour pervers du travail, retrouve encore une fois le chemin de la Nation. C'est l'option du populisme de droite, et il ne s'en cache pas. Sa critique de la société de concurrence ne vise qu'au nettoyage ethnique des zones de richesse capitaliste qui se réduisent comme peau de chagrin. "
On comprend beaucoup mieux alors l'intérêt pour la domination spectaculaire-marchande et ses nombreux porte-voix médiatiques, de nous inventer une "guerre des civilisations".
Rien de tel en effet, devant le risque grandissant d'une révolte des pauvres toujours plus nombreux et toujours plus acculés à la précarité et à une vie sans aucunes perspectives, que de les opposer selon des catégories qui leur font oublier leur réalité commune d'esclaves du marché : catégorisations ethniques, culturelles, religieuses et communautaristes.
Diviser pour pouvoir continuer à régner, c'est plus que jamais le mot d'ordre de la domination.
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Je ne vais pas me lancer dans une analyse économique et sociale de ce document, je ne suis pas un spécialiste, mais j'ai trouvé ce petit livre jubilatoire : qui prétend ne pas se faire chier au travail, qui ne s'est jamais posé la question de l'absurdité du modèle de vie qui s'impose à tous. Ça rue dans les brancards, ça enfonce des portes et ça fait du bien.
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Au XXIème siècle, la vente de la marchandise-force de travail est assurée d'avoir autant de succès qu'en a eu la vente de diligence au XXème siècle.
Mais dans cette société, celui qui ne peut pas vendre sa force de travail est "superflu" et se trouve jeté à la décharge sociale. Qui ne travaille pas, ne mange pas ! Ce principe cynique est toujours valable - et aujourd'hui plus que jamais, justement parce qu'il devient désespérément obsolète.
Une société centrée sur l’abstraction irrationnelle du travail développe nécessairement une tendance à l’apartheid social, dès lors que la vente réussie de la marchandise-force de travail, de règle devient exception. Depuis longtemps, toutes les fractions du camp du travail, qui englobe tous les partis, ont subrepticement accepté cette logique et poussent elles-mêmes à la roue. Elles ne s’affrontent plus pour savoir si une part toujours plus grande de la population sera ou non laissée sur le bord de la route et exclue de cette participation sociale, mais seulement comment faire passer, bon gré mal gré, cette sélection.
La transformation idéologique du " travail devenu rare " en premier droit du citoyen exclut par le fait même tous ceux qui n’ont pas le bon passeport. La logique de la sélection sociale n’est pas mise en cause, mais simplement définie d’une autre manière : les critères ethniques et nationalistes sont censés désamorcer la lutte pour la survie individuelle. " Les turbins nationaux aux nationaux ", crie la vox populi qui, dans l’amour pervers du travail, retrouve encore une fois le chemin de la Nation. C’est l’option du populisme de droite, et il ne s’en cache pas. Sa critique de la société de concurrence ne vise qu’au nettoyage ethnique des zones de richesse capitaliste qui se réduisent comme peau de chagrin.
Si, à l’avenir, les exclus ne veulent pas vivre de charité chrétienne et d’eau fraîche, ils devront accepter n’importe quel sale boulot, n’importe quel travail d’esclave, ou n’importe quel " contrat de réinsertion ", si absurde soit-il, pour prouver leur inconditionnelle disponibilité au travail.
La machine capitaliste, qui n'a d'autre finalité qu'elle-même, accapare naturellement toutes les ressources de la planète.. Dès que celles-ci ne peuvent plus être mobilisées de manière rentable, elles doivent être mises en friche, même si, juste à côté, des populations entières meurent de faim.