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Critique de Alexein


Ce roman, qui ressemble plus à un journal, relate un jour comme un autre de la vie d'une jeune femme travaillant dans une boutique de la marque à la pomme croquée à Paris, après les attentats de novembre 2015. La suspicion dans le métro et la rue, de toute attitude, de tout comportement sortant de l'ordinaire, les efforts déployés pour éviter de céder à la paranoïa ; et cette description clinique, frôlant parfois le cynisme, des images tournant en boucle sur les chaînes d'information, l'avidité maladive à convoiter les vidéos choquantes de scènes d'exécution et de suicide en ligne.

Elle montre l'inhumanité avec laquelle l'être humain, et notamment les jeunes, perd pied et succombe à la fascination de l'horreur véhiculée par des écrans et qui le révulserait s'il la voyait de visu. L'écran est le nouveau fétiche de l'humanité civilisée. Elle pousse hors sol, renie le passé et ses racines, tend à sombrer dans le nihilisme.

La réflexion de l'auteur suit son cheminement à travers Paris tout au long de cette journée. J'apprécie la mise en parallèle de sa vision de la société avec sa propre vie : sa soeur aveugle mais plus lucide que bien des gens exempts de déficits sensoriels, elle n'est pas intoxiquée par les écrans. La perte de la vue est souvent traitée en littérature comme l'ouverture de l'esprit et le gain d'une bien meilleure acuité.

Certains passages m'ont franchement étonné : « Il n'y a rien de plus dangereux que le doute, j'en sais malheureusement quelque chose. le doute a failli me perdre : j'ai failli m'ensevelir dans la spirale de sa folie. Faites attention avec ça : le doute est un cancer, il se répand invisiblement dans votre corps jusqu'à exterminer les rêves les plus modestes. » En quoi le doute est-il un danger, sauf à tout remettre en question ?

Et cette volonté d'apprendre par coeur des listes de noms de victimes, d'imprimer leurs photos et d'en tapisser les murs de sa chambre. N'est-ce pas là une fascination malsaine ? Les descriptions sont très saisissantes : on s'y croirait. Elle transmet très efficacement le sentiment de malaise. Elle affirme clairement que les jeux vidéo nous ont amenés à ça : GTA est une horreur excellemment décrite dans une mise en parallèle habile.

Elle collectionne les photos de morts qu'elle ne connaît pas mais ne peut se décider à se rendre à l'enterrement de sa grand-mère. La fascination du virtuel semble avoir raison de la réalité au point de tendre à la supplanter car elle est plus supportable.

Nous subissons une forme d'hypnose qui rend tout supportable et l'horreur devient ainsi acceptable. Pour en sortir, il faut s'administrer un grand coup de pied au *** et renouer avec ses racines, honorer nos morts, reprendre pied dans la vie réelle.

Ce livre est un coup de poing qui analyse assez bien l'horreur née du désenchantement de notre époque. Son cheminement est une prise de conscience progressive.
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