Les chemins noirs - René Frégny - Lu en avril 2019.
C'est ma cinquième lecture René Frégni, mais le premier livre qu'il a écrit.
Le livre le plus noir de l'auteur que j'ai lu jusqu'à présent. Il porte bien son titre.
René Brandoli est jeune, tout jeune, il déserte l'armée, pour cela, il est incarcéré à la prison de Verdun .Il s'enfuit, il commet sans le vouloir l'irréparable, il est poursuivi, recherché par toute la police de France. Marseille, la Corse, l'Italie, le Montenegro, la Turquie puis, retour à Marseille en passant par la Grèce. René nous conte avec ses mots ce long et douloureux parcours. Il change de nom, il rencontre l'horreur, l'amitié, les filles de tout bord, les SDF, les drogués, il vole, il rencontre aussi Béatrice, les moines et... Lydia, Lydia qui va le planter là un beau matin en lui laissant leur toute petite fille Charlotte. Charlotte qu'il emmènera avec lui partout. De retour à Marseille, il trouve du travail dans un asile psychiatrique, il découvre l'univers des fous, de leurs délires. Comme dans tous les romans de René Frégni, il y a une part de romance et une part de vérité.
Son style poétique, la force de ses mots, sa virulence parfois, nous entraînent dans une longue descente dans les profondeurs de l'ombre, c'est la petite Charlotte qui le fait tenir. La fin est tout à fait poignante, on a bien envie de hurler avec lui quand il s'adresse à Charlotte : "A bientôt mon bébé rentre vite il fait froid... Et je suis parti en courant me noyer dans la nuit. J'ai senti qu'elle entrait en moi, pour toujours, comme la mer dans une épave. quand j'ai été assez loin, j'ai beuglé dans le noir pour que reste à jamais, malgré toute ma haine, sur mon chemin une trace d'amour.
En larmes je suis entré au royaume des loups".
Si j'ai aimé ? Oui, trois fois oui, autant que les 4 autres, en le lisant, j'ai aussi mieux compris les allusions de certains passages dans ses autres livres.
Je suis frégnitiquement et définitivement une admiratrice de l'écriture de R. Frégni.
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« Ma foi, puisque j'étais nourri , logé, protégé , pourquoi ne pas tirer là un bout d'hiver? Pour une fois que les gens ne me couraient pas après .
Tant que je les ferai rire, ils ne penseraient pas à m'égorger. »
« Là, le soleil ne jetait jamais un coup d'oeil .Et les fûts de glace là-haut suspendus , trempant leurs pointes tranchantes dans l'encre de la nuit , semblaient au bord du ciel d'immenses orgues bleus.. »
Voici deux extraits significatifs de cet ouvrage remarquable lu d'une traite qui allient , à mon sens , un style solaire traversé de vibrants éclats poétiques, une fulgurance de toute beauté , entremêlée à une langue brute, surréaliste, truculente, sans détour , familière, une suite échevelée , inquiète , éperdue, frénétique , angoissante ...un instinct de survie très puissant ....une fuite en avant pour un familier de la route, du bateau , du stop éperdu....
.Le lecteur a faim, grelotte, tremble, s'enflamme et transpire , aime, prend son plaisir , s'affole , rit au rythme de l'errance, de la fuite de ce héros poursuivi : de Verdun à Paris, de Paris à Marseille, de Corse en Italie, du Monténégro en Turquie, De Grèce à Marseille en plein mai 1968...au rythme de la cavalcade d'aventures qui coupent le souffle, ce jeune soldat épris de grands espaces côtoiera des individus peu orthodoxes, fera des rencontres épouvantables , parfois salutaires, toujours inquiétantes au coeur d'une errance hasardeuse, que l'on croit sans issue,.
Au delà de la noirceur de cette histoire l'auteur connaîtra le bonheur de la lecture à travers la rencontre d'auteurs tels que Jean-Giono, Céline et Alain-Fournier.
Les ébats croustillants décrits passionnément , dévoilés sans fard , ajouteront à la trame picaresque de cette première oeuvre, mi- populaire, mi- populiste, une langue familière, très poétique, un récit fondateur ( on comprend mieux son oeuvre en lisant cet ouvrage ) .
René , candide et plein de rêves, sensible et attachant conservera toujours une belle part d'humanité en toute circonstance ....
Il révèle des faits concrets au quotidien, le Héros deviendra« Carne » à rouler sa bosse partout dans les chemins ....
Quelle cavale , on en reste étourdi ! .
« Des mastodontes rocheux étranglaient des vallées sans cesse plus profondes. Tout là- haut , sur ma tête , la fuite morose du ciel comme une ombre rapace . Accrochées au vertige des pentes , trois cahutes de guingois semblaient attendre le dernier flocon pour plonger la tête la première dans le ravin .
Où m'étais je trompé de route?
Si moche, celle- là ne pouvait pas bien loin me mener , si ce n'est un peu devant , au fond du dernier gouffre. »
C'est mon septième livre de Rene-Fregni, ,son premier , écrit en 1989 , le plus noir,dur, parfois violent , brute , qui relate ——moitié autobiographique moitié onirique——Mélange de Fiction et de Réalité ——une fuite éperdue, une cavalcade effrénée, des aventures picaresques, des hasards indicibles et une volonté de vivre ou de survivre à tout prix....
Jeune , tout jeune , auteur d'une grosse bêtise , à la suite de malentendus et de circonstances incroyables , il rencontrera l'horreur, changera de nom....
Toujours en fuite, il fera de la prison, pour désertion....Ensuite deviendra visiteur de prison. La partie consacrée à son service auxiliaire , au sein d’un hôpital psychiatrique, j’ai eu un peu de mal.....
Mais ce n'est que mon avis, il peut ne pas plaire à tout le monde.
Remarquable : qu’il faut lire d’une traite , un jour entier de pluie!
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Les chemins noirs, c'est le premier roman de René Frégni. Je l'ai lu après avoir lu plusieurs livres de son oeuvre et j'ai ainsi mieux compris en quoi ce premier récit était fondateur de son oeuvre à plus d'un titre.
Il y a une grande part d'autobiographie dans ce récit, mais aussi une grande part de romanesque. Tout commence par une évasion, un acte de désertion, une cavale qui tourne mal. D'emblée, René Frégni jeune écrivain alors nous offre cet élan sublime et généreux de l'homme rebelle, qui dit non, qui est sans concession, qui fuit.
C'est en effet une fuite, une cavale... Vers la Corse, puis l'Italie, le Monténégro, la Turquie et enfin le retour vers la France, Marseille, la réinsertion sociale comme infirmier en milieu psychiatrique...
C'est un roman qui sent la route, la terre et les cailloux des chemins, le sang qui bat dans la poitrine, la traque sans cesse. C'est un roman qui sent l'amour aussi, ses odeurs, ses lumières, ses vertiges. Sans oublier ses dangers... Le soleil est au rendez-vous, dans sa trajectoire oblique et brûlante.
On dirait qu'être libre, vouloir être libre est insupportable aux yeux de certains, aux yeux des autres. J'ai aimé ce rêve échevelé, cette liberté de partir, de se reconstruire, prendre son envol, exister enfin...
Le rythme est sans répit, nos pas ont parfois du mal à suivre le narrateur, tant tout va de manière trépidante et parfois très violente.
Ayant lu plusieurs livres de cet auteur, je découvre un style davantage picaresque et emporté que ces derniers récits où le verbe est désormais plus taiseux, j'ai senti la générosité et l'élan d'un récit de jeunesse, la violence qui emporte dans son flot et ses bras, toute cette jeunesse qui veut vivre, survivre, fuir coûte que coûte, fuir les jours ordinaires, les murs, l'ordre, les certitudes trop bien apprises, fuir les lignes droites, rectilignes, s'éprendre du mouvement et du bruit des coeurs qui palpitent.
La part autobiographique est assumée par l'auteur. René Frégni a écrit ce livre en souvenir de ce temps où il fit six mois de prison pour désertion de l'armée. La prison lui a fait découvrir le milieu carcéral qui est très présent dans ses livres. Mais il dit aussi que ce fut cette expérience qui lui donna le goût de la lecture grâce à l'aumônier de la prison, la rencontre avec des auteurs comme Giono, Céline, Alain-Fournier... Et aussi sans doute plus tard dans d'autres prisons l'envie d'accompagner des prisonniers vers une autre façon de s'évader plutôt qu'en sciant les barreaux d'une cellule : lire, écrire et aussi parler de cela, ce qui est dans le coeur, qui palpite, qui fait mal, le poser sur la page d'un cahier...
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Calmement, sur le sol, le soleil allongeait les façades. Je suis allé au bout de la jetée parce qu'un bateau tout blanc passait lentement près du phare, sans corner, comme un promeneur qui frôle une maison évite les graviers afin que le silence jusqu'au bout du chemin le protège. Bientôt il ne fut plus sur la mer qu'une mouette en repos qui doucement balance. Bastia sous le dernier soleil était un abricot.
p.117
J’aurais bien aimé à ce moment qu’on s’assoie ensemble à une jolie terrasse et lui payer la plus grosse glace de tout Bastia. Je lui aurais payé n’importe quoi d’ailleurs pour rester avec lui un bout d’après-midi. Il me donnait son amitié, comme ça, simplement, comme on donnerait l’heure et puis il poursuivait souriant vers ses occupations.
Ce recoin de temps qui tourne les années comme bat un volet dans le vent sur une ferme abandonnée. Grincement inutile des jours.
Lentement ils se mirent à passer les jours...
Comme toujours.
Sous le soleil ou dans le pluie, il file le temps.
Et nous, qu'est-ce qu'on y peut ?
Même quand on s'assoit et qu'on ne bouge plus lui il file le temps. Noël est arrivé une fois de plus.....
« Le brouillard avait profité de la nuit pour s’installer partout dans la caserne. Il n’y avait plus ni murs, ni massifs de gazon, ni clairon. On se voyait en troupeau de fantômes égarés dans une lingerie. L’air sentait l’herbe coupée et la brume. »
« L’eau s’en allait doucement se baigner quelque part dans la mer.
Seul, là-bas, derrière la jetée, le ciel bleu resplendissait de calme tolérance .
J’ai toujours aimé les ciels bleus du matin sur la mer.
Rien n’apaise mieux ... »
« Le blanc du paquebot m’appelait . Désert ...Soudain il avait pris au ciel toute sa tolérance . »
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Quand cessent les combats de Pierre Bisbal dit Gourdan aux éditions L'Harmattan
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Minuit dans la villes des songes de René Frégni aux éditions Gallimard
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Il n'y a pas de Ajar : Monologue contre l'Identité de Delphine Horvilleur aux éditions Grasset
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Vivre avec nos morts: Petit traité de consolation de Delphine Horvilleur aux éditions Livre de Poche
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Féminin de Claire Touzard aux éditions Flammarion
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La Trilogie royale (François 1er, Henri IV, Louis XIV) de Gonzague Saint Bris et Jean-Marie Rouart aux éditions Télémaque
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Gonzague Saint Bris, le dernier dandy de Jean-Claude Lamy aux éditions L'Archipel
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Super bande de potes de Smriti Halls, Steve Small aux éditions Sarbacane
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