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Critique de berni_29


Les vivants au prix des morts est un roman qui m'a pris au coeur. Je ne suis pas prêt de l'oublier. Nous sommes ici en dehors des sentiers battus. L'auteur d'ailleurs est atypique, il écrit sur ce qu'il connaît : la prison pour être intervenu en milieu carcéral dans l'animation d'ateliers d'écriture, l'écriture qui peut sauver des hommes, les aider à tendre les bras à travers les barreaux de leurs prisons.
Ici le narrateur s'appelle René, comme l'écrivain, René Frégni. Les deux personnes d'ailleurs se confondent, sans ambiguïté.
Nous démarrons la lecture de son journal, nous sommes au plus près de lui, dans des phrases qui cueillent le jour, l'instant présent, un vol de ramiers, la neige qui est là accrochée aux branches, des dames qui traversent la rue d'en face, Isabelle son amour qui va qui vient de l'école où elle enseigne auprès de tous petits, les seins d'Isabelle pour lesquels l'auteur porte une fascination irrésistible. Il écrit cela dans son journal qui commence.
Un jour, plus tard, le téléphone sonne, c'est Kader à l'autre bout du fil. Ils se sont connus il y a quelques années à la prison des Baumettes, René animait un atelier d'écriture où Kader était présent. Kader vient de s'échapper de prison. Il est en détresse. Il veut que René l'aide. Dès lors, tout va basculer...
Plus tard, après ce qui va suivre de cette rencontre, les nuits du narrateur se succèdent, faites de cauchemars. C'est comme une traque immobile.
Kader, c'est la cavale d'un homme qui ne veut plus retourner en prison, finir ses jours là-bas.
Ce livre est une ode à l'écriture, mais aussi une révolte à l'incarcération. Kader sait d'avance qu'il sera rattrapé, retournera en prison. La rencontre avec René, le narrateur est juste une pause, une parenthèse de liberté, une manière aussi de revoir son fils Bryan qui a seize ans.
C'est un roman où se côtoient la peur et la douceur de l'amour. Tout cela oscille dans le fracas du temps.
Le narrareur y apporte ses mots, sa parole et des voyages imaginaires. Il apporte de la lumière et des gestes qui apaisent. Il ne cesse de parler d'Isabelle, son aimée, comme s'il devait sans cesse la perdre au lendemain, dans cette histoire improbable.
Il nous parle de l'hiver, il nous parle du printemps qui soulève la terre, du désir qui surgit des ruines de l'hiver, des pierres vertes des rivières où il fait bon marcher pieds nus. Lorsque le printemps surgit, il nous parle aussi avec merveille d'un vol de mésanges bleues. La sagesse des oiseaux est sa manière de tenir debout.
Il nous parle de l'incarcération. Les prisons sont des labyrinthes peuplés de prédateurs. Entre les murs des prisons, y-a-t-il autre chose que la misère et l'ignorance ? L'auteur nous dit que la lecture peut agrandir la cellule d'un détenu.
À un moment, l'ancien détenu que fut Kader parle de la lecture comme quelque chose qui permettrait de s'évader, une sorte d'escalier de cordes tissé de mots, accroché aux barreaux d'une fenêtre, suspendu au-dessus du vide...
Ici j'ai perçu le désir de l'écrivain : écrire l'autre côté de la vie, l'autre côté du versant, celui qu'on devine du bout des doigts, qu'on rêve d'atteindre un jour.
C'est aussi un livre sur l'amitié. Il est dit qu'un ami, c'est celui qui prend la bêche, creuse le trou pour enterrer le cadavre de l'homme que l'autre vient d'assassiner.
Ce roman est un endroit de poésie où l'on côtoie aussi les loups. Il est magnifique pour cela.
Dans cette lecture, j'ai été embrasé.
Merci à Blandine, à qui je dédie ce billet, pour m'avoir donné envie de lire ce livre très beau.
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