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René Frégni - Les vivants au prix des morts - Folio - Lu en juillet 2019.

Dédicace : "Pour tous les libraires qui me soutiennent depuis mon premier livre et me permettent d'écrire et de vivre librement".

Les vivants au prix des morts raconte une tranche de vie entre le 1er janvier 2016 et le 25 décembre 2016.

La vie se déroule, paisible, René partage la vie d'Isabelle la si jolie institutrice qu'il a connue 18 ans plus tôt (La fiancée des corbeaux), il écrit dans son cahier rouge. "Isabelle est partie pour l'école... elle va préparer un gâteau aux pommes avec ses vingt- huit enfants de 4 ans... des gâteaux aux pommes, voilà ce que devraient faire nos hommes politiques... ils oublieraient un instant de détruire tous ceux qui les entourent et menacent leur carrière" pge 14.
René part presque chaque jour marcher dans les collines de sa Provence aux mille lumières, aux mille couleurs, aux mille senteurs, il s'occupe du jardin d'Isabelle, il s'interroge sur la violence du monde "la planète est si vaste, si barbare est l'homme... Des mots sont apparus et roulent sur toutes les ondes, dès l'aube. "Kalachnikov", "hachoir", "ceinture d'explosifs", "tueries", "massacre", "viol collectif"... pge 23.

Le 22 janvier, un coup de téléphone va faire voler en éclat ce bel équilibre qu'il avait réussi à trouver auprès d'Isabelle.
Kader, un détenu des Baumettes que René avait connu lors de ses ateliers d'écriture, s'est évadé, il fait appel à René pour le cacher.
Et l'enfer fait à nouveau partie de sa vie, pris dans un engrenage qu'il n'a pas voulu, faisant de lui le complice de Kader.
Il cache tout à Isabelle, mais elle sent bien que quelque chose se passe, elle reste discrète Isabelle, ne demande rien, ne pose pas de questions, elle est là tout simplement, mais elle ressent tout le mal-être de René.
René vit dans la peur, ne dort plus, ne mange plus, se tue au travail dans le jardin, il voit la mort rôder, la P.J., peut-être la prison. Il n'écrit plus, les mots ne sortent plus de sa plume. Il se sent poursuivi, et reste sur ses gardes 24 heures sur 24.

Alors, il décide de partir, il laisse là son Isabelle si douce, désemparée, apeurée, malheureuse.
Que va-t-il advenir d'elle, que va-t-il advenir d'eux ?

René est un homme libre dans sa tête, mais cette liberté vaut-elle le chagrin et la peur qu'il laisse en Isabelle en partant pour fuir ses cauchemars ?
Elle ne sait pas où il est ni ce qu'il fait. Elle reçoit seulement un coup de téléphone d'une cabine une fois par semaine à l'école où elle travaille.

J'espère qu'un autre livre nous ramènera vers la lumière et que nous connaîtrons la suite.

Dans la noirceur de cette histoire transparaît toujours la beauté de l'écriture de René Frégni, les descriptions sublimes de la nature provençale, de la beauté des femmes, de la vie des gens simples.

Toujours accro, je vais continuer à vous lire Monsieur Frégni avec ce 11 ème livre : On ne s'endort jamais seul.





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« Chacun de nous devrait commencer sa journée par un café et quelques mots dessinés sur un cahier rouge », par lever les yeux au ciel pour accueillir les premiers rayons de soleil perçant la coquille noire de l'obscurité, déguster le breuvage ancestral, emmitouflé.e de l'écharpe rose orangée de l'aube, comme si la nuit était venue se réfugier dans la tasse ; observer à l'heure bleue le rosier aux fleurs fanées découpé en ombre chinoise qui n'apprécie guère notre procrastination pour enfin le tailler, les branches de l'albizia dont les éphémères fleurs à pompons roses virevoltent dans une dernière danse, tout en ayant dans le noir de l'iris le reflet de la blancheur immaculée de la page vierge bientôt remplie de signes, telles de faibles pattes d'oiseaux impatients sur la neige fraichement tombée.

Du mercure au coeur
Cette nostalgie d'alcôve
A l'automne roux
Odeur du chocolat chaud
Toute embrumée de silence

Chacun de nous devrait commencer sa journée par se dire - Je suis vivant, profitons-en ! -, avaler toute la beauté, celle d'un corps nu niché chaudement contre nous en position foetale, celle d'un sein palpitant qui tient dans la paume comme une pomme sacrée, celle d'une nature en éveil, d'un écureuil furtif venu sauter de branches en branches, avaler cette beauté « jusqu'à la pointe éblouie de chacun de nos nerfs », et avoir pour seule volonté, dans les heures qui viennent, de se contenter des joies paisibles que nous offre la vie : « marcher, écrire, dormir, aimer une femme, entrer l'été dans l'eau fraîche d'une rivière, m'étendre nu sur des galets blancs de lumière, manger le plat du jour dans le premier bistrot d'un village, demander une paire de boules et me joindre à ces hommes qui ne semblent pas avoir d'ombre, même au soleil, ils s'interpellent, rient, balaient le sol du plat de la main, font trois pas et lèvent les bras au ciel. Reprendre la route et regarder tout ce qui bouge, détale, embaume, étincelle, pousse, s'envole, rampe, frémit, hurle, s'émerveille, s'enfuit, surgit, se décompose, renaît ».

La vieillesse cogne
De ses impatientes mains
A l'huis de ma vie
Consciente de n'être pas plus
Qu'une goutte sur la vitre

Chacun de nous devrait commencer sa journée par accepter sa part incompréhensible, sa part de sauvagerie, ses ombres barbares qui poussent parfois à prendre des décisions nous mettant en danger, voire en grand danger, qui nous empêchent de laisser tranquillement couler sa vie, paisiblement. Parfois par simple amitié, par générosité, par empathie. Cette inconscience qui nous pousse au rebord de la société, acculé aux lisières. Transformer cette obscurité, y voir de la lumière et de la joie. Savoir rire et être touché.e dans les moments graves même si nous en sommes la cause. Puiser dans le travail la ressource nécessaire pour passer les étapes les plus sombres et passer de la rive tumultueuse des eaux sombres et déchainées pour celle, verte, du lac calme du quotidien. Assumer. Savoir partir pour protéger ceux que l'on aime. Disparaitre. Et écrire inlassablement car « Dès que j'écris quelques mots, un peu de calme revient, un peu de sagesse, d'équilibre. Écarter la tempête de la pointe de mon stylo. Me raccrocher à la blancheur des pages, aux fines lignes violettes, si rassurantes, si immuables ».

Parfum de dragée
Le ciel est d'un blanc d'acier
Qui blesse les yeux
Enrobant d'un silence rond
Mes rêveries les plus noires

Chacun de nous devrait commencer sa journée en plaçant la sensualité et la poésie au coeur de tout, malgré tout, oser l'extase des aubes rosées, ne jamais perdre son âme d'enfant, s'émerveiller, voir en lieu et place des nuages des formes animalières : « du hangar, j'observe le mouvement de ces forteresses de nuages, elles sont arrivées en un instant, en un instant elles entrouvrent une porte massive, derrière d'épaisses murailles apparaît un ciel couleur de gentiane ».

Le kimono rouge
Dans la tiédeur de la pièce
Effleuré d'un doigt
Sur la soie coquelicot
Fleurissent de noirs pavots

Chacun de nous devrait commencer sa journée par lire quelques pages de René Frégni pour sentir sa sensibilité et surtout sa poésie éclore à fleur de peau, pour aimer davantage la vie, malgré les coups durs, aimer les mots et l'écriture, pour être réellement dans une attitude de pleine conscience toute la journée. Savourer l'ici et le maintenant. Pour être davantage humain. Pour sentir le soleil du sud caresser sa peau, sentir les effluves moelleuses d'un risotto aux artichauts, imaginer le croquant d'un nougat aux amandes de Provence ou d'une navette de Saint-Victor, l'amertume du génépi ou du pastis, l'onctuosité d'un gratin de ravioles ; écouter le bruit des petits verres de blancs dans les bistrots, ainsi que celui des boules qui s'entrechoquent ; sentir le mistral à senteur de lavande, de résine tiède et de thym, parfois de pétrole, s'infiltrer et purifier tous les interstices de notre être, fouler d'un pied léger un tapis scintillant de myosotis sous une guirlande de chardonnerets, se fondre dans l'élégant argenté des oliviers…

D'autant plus qu'en ce mois de septembre, en ce jour si particulier, dehors il faut mauve et, déjà, la vie hésite.

Cueillir des dahlias
Pieds nus dans la brume
A l'aube automnale
Savourer ce qui ne change pas
Depuis la nuit des temps



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Depuis que les lecteurs et amis (merci Babelio) m'ont initié à René Frégni, dès que j'ai besoin de soleil, j'ouvre l'un de ses romans en me versant un pastis et j'entends les grillons, respire la lavande et retrouve la Provence décrite par Daudet et Mistral, dans son éternelle quiétude, loin de la précipitation parisienne.

Le romancier berce le lecteur avec les charmes d'Isabelle et les trésors de sa bibliothèque, et brutalement nous réveille en sortant un cadavre du placard. Mais cette noire galéjade, aussi épique et incroyable que la légende de la sardine qui bouche le port de Marseille, est une parabole qui valorise l'amitié, la fidélité et l'attention aux « paumés » que René Frégni ne cesse de côtoyer.

Pour lui un ami, c'est quelqu'un à qui on peut téléphoner à trois heures du matin en disant qu'on vient de commettre un crime et qui vous répond seulement : "Où est le corps ? ». Et Dieu s'il est précieux de pouvoir compter sur de tels amis !

J'ai apprécié « Les vivants et les morts » qui s'inscrit dans la même veine que « Dernier arrêt avant l'automne » et « Je mes souviens de tous vos rêves » et vais me plonger dans les autres romans de cet auteur profondément attachant et humain.
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Voilà, ça y est j'ai lu mon premier Frégni. Une rencontre que je ne regrette pas, embarquée moi aussi par la magie des mots de René Frégni, qui dans Marseille, et sur les chemins lumineux et bruissants de son arrière pays, nous fait connaître un monde d'hommes perdus. Tel Kader, un braqueur multirécidiviste évadé que René va aider pour son malheur. Car il est comme cela René, il ne peut s'empêcher d'avoir de l'affection pour les mauvais garçons. Même de leur trouver des excuses, là où ils n'en n'ont pas. Une vision du monde des voyous pas toujours réaliste, à vrai dire, mais tellement poétique. Et finalement n'est-ce pas de cela dont nous avons besoin, d'un peu de poésie à opposer à la violence du monde ?
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Petit à petit, l'air de rien, bien loin des têtes de gondole, René Frégni vient s'immiscer dans des pal surchargées de lecteurs babelioteurs. Heureux ont l'air ceux ayant pistonné un titre ou l'autre au détriment de livres qui voyaient approcher le bout du tunnel, de bouquins qui allaient enfin être caressés par un regard empli de désir, d'attente, d'espoir.
Un Frégni, c'est simple. On aime ou… on aime. C'est une drogue dure en intra veineuse, de celles qui vous fait sentir circuler le sang jusque dans les capillaires. Une came où l'héroïne, c'est la vie.

♫ Aux enfants d'la chance♫
♪qui ont déjà connu les transes♪
♫ des lignes de Frégni ♪

Au début tu n'y prends pas garde, t'es bien, tu t'absentes momentanément des tracas du quotidien. Tu suis les rails, une sorte de ligne blanche continue qui te mène ailleurs, loin, haut. Tu te sens léger, presque en apesanteur. Forcément quand tu fermes ton premier Frégni, très vite tu ne penses plus qu'à une chose, le rouvrir. Alors tu le reprends avant de l'avoir reposé et tu t'aperçois que tu t'es fait toute la barrette en un seul bédo. Première sensation de manque. T'en a vu d'autres, t'es «un bonhomme» merde, un crack, tu vas gérer tranquilou. Alors t'essayes autre chose. Histoire de briser la glace tu demandes à ton pote Antoine deux cônes, le temps de lire une bonne histoire en te roulant de... en te roulant dans l'herbe. Tu rencontres du bon, de l'excellent, du moins bon, de la daube. T'es un aventurier avide de nouvelles sensations, de nouvelles expériences mais au fond de toi tu sais qu'il est déjà trop tard. Chaque cellule de ton être a en mémoire ton premier Frégni. Alors tu vas en recommander un ou deux puis trois, quatre en te disant que ça sera pour les grandes occasions, tu fais ta fourmi genre coke en stock. Tintin oui, tu te les enfiles direct, t'es foutu, il n'y a pas d'issue de secours. T'aimes pas la poésie, t'as le policier qui t'attrape au détour d'une page. T'aimes pas le policier, c'est la nature qui t'envoute entre deux règlements de compte. T'aimes pas la nature, t'as du psychotruc. T'es pas branché psychopathe, y a de la tendresse à revendre. T'es un dur, y en a aussi. T'aimes pas les durs, les Frégni sont pleins de poésie. Et puis les femmes. Tu connais pas Isabelle? Commence par « les corbeaux », mon premier.
Tu peux tourner dans tous les sens que tu veux, quand t'es chopé, c'est fini, t'es coincé. Là le dealer m'a filé du « vivants au prix des morts » mais mort fine alors.
Un Frégni ça se garde pas pour soi, faut faire tourner le spliff, c'est trop d'la bonne..
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Depuis longtemps , longtemps je lis des critiques de mes amies et amis babeliotes à propos d'un auteur que je n'ai jamais lu , René Fégni...Et ces critiques , nombreuses , si elles ne sont pas forcément toutes dithyrambiques , n'en sont pas moins unanimement excellentes , séduisantes , aguichantes , racoleuses...Comment résister et surtout , pourquoi résister ? Oui , pourquoi ? Et voilà. C'est fait . Je viens de tourner la dernière page d'un roman assez fascinant , " les vivants au prix des morts " . Superbement écrit ( je pèse mes mots ) d'une plume magique , poétique, aérienne, une plume virevoltante qui joue avec les mots , avec leur sens , avec leur musicalité. Vraiment , comment ne pas se sentir amoureux des mots quand ils vous offrent la description d'un monde édenique , d'un printemps éclatant de couleurs , d'odeurs , de lumiéres dans lesquelles se " vautre " le narrateur , par ailleurs auteur de romans à succès et heureux compagnon d'une institutrice douce , belle , discrète, amoureuse ....des phrases et de leur auteur , amoureuse , amoureux , tout simplement se " gavant " des nourritures terrestres que leur offre ce paradis ...Et puis , Kader ...évadé en cavale , connu auparavant dans des conditions ...... Une rencontre . Des souvenirs .La générosité .... La main tendue , et ....le monde qui vacille, se fissure , le cauchemar qui s'insinue la nuit , qui s'insinue le jour , qui " mange" , qui " broie " , qui détruit......Il y a dans ce roman une inexorable descente ....de l'Eden à l'enfer. Des passages de toute beauté , d'une force incroyable , un homme face à un désordre qui va le perturber au plus profond de ses entrailles....et un dénouement juste " pas possible ", comme on dit familièrement , un dénouement qui interpelle .
Je n'en dirai pas plus , si ce n'est que j'adresse à ceux et celles qui , par leurs commentaires , m'ont conduit vers cet auteur , mes bien sincères remerciements . Et une dernière demande : m'accepter gentiment dans leur fan - club déjà bien fourni . Je viens de terminer un superbe roman et René Fregni n'en a pas fini avec moi , et moi avec lui . Et oui , la "Frégnitude" , un virus bien résistant , parait - il, tenace à un point ... ...."C'est de votre faute, aussi , fallait pas me chercher ." Quant à la PAL.... no comment .
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Ça démarre comme un journal poétique et sensuel, lumineux comme le soleil sur la Méditerranée. Des bribes de hasard et be bonheur, une écriture sensible et visuelle qui m'ont immédiatement touchée - voilà bien les prémisses prometteuses d'une rencontre avec un nouvel auteur après être tombée par hasard sur ce bouquin à ma médiathèque.

Puis ça bouscule. Le récit accélère, s'emballe avec l'évasion d'un truand , Kader, que René, le narrateur-auteur, a connu quand il animait des ateliers d'écriture à la prison des Baumettes. Il cherche une planque et René va l'aider, précipitant sa vie sédentaire et calme du moment dans une spirale de violence et d'angoisse, entrainant avec lui le lecteur dans un roman noir. L'écriture élégante devient acérée et son extrême précision sert efficacement la montée du suspense.
La tension du récit m'a tenue en haleine jusqu'au bout du chemin, gage de réussite et d'intérêt.

Et pour finir, ça dérange, surtout quand on découvre que René Frégni a réellement reçu cet appel, qu'il met donc le lecteur face à un fait divers, certes romancé, mais où violence, meurtre, complicité d'évasion sonnent bien réels. Il entraîne le lecteur dans la cavale et ses conséquences. Pas étonnant alors que j'ai souvent eu l'impression d'être une funambule sur le fil de cette intrigue et c'est probablement un des buts de l'auteur : nous déstabiliser et mine de rien nous poussez à réfléchir. Pari gagné. Sa bienveillance à l'égard de Kader ne fait aucun doute, sans tout excuser pour autant, surtout pas le crime. Au final, je me suis souvent posé la question : qu'aurais-je fait à sa place ?

Deux extraits parlant puisés à l'encre de Frégni qui anime depuis vingt-cinq ans des ateliers d'écriture dans les prisons :
« Voilà ce que je vais faire depuis vingt ans dans les prisons, j'apporte les clés et personne ne s'évade...Personne ne naît monstrueux, ce sont certains quartiers et les prisons qui nous rendent monstrueux. Je ne leur apporte aucune arme, je leur apporte des mots. Je leur apporte ce qu'ils n'ont jamais eu. »

« La prison c'est rien d'autre qu'une cité avec des barreaux. »
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Quand on mange avec le diable, il faut une longue cuiller...

René Fregni, pour ne pas avoir tenu compte de cet adage de la sagesse populaire, ....m'a fait mourir d'angoisse!

Son récit commençait en douceur, on retrouvait le doux chroniqueur des saisons et des rencontres amicales, l'amoureux d'Isabelle, le papa de Marilou, les collines fleuries, les toits de tuiles romaines craquelées de soleil. Bref, on  était chez nous. Chez lui.

Et puis voilà que dans ce paisible journal, retentit l'appel de Kader, un taulard .

 On ne s'alarme pas: on a déjà rencontré Toni, un vieux pote, rangé des voitures et sorti des Baumettes. Il a surtout envie d'écrire et lui, quand il appelle, c'est pour des questions de syntaxe ou de stylistique.

Alors Kader... un fidèle de l'atelier d'écriture, lui aussi, ça paraît presque normal...sauf qu' il y venait comme en récréation, sans jamais lire ou écrire la moindre ligne, aux ateliers d'écriture . 

Et là , il est dehors. Il n'a pas purgé sa peine, non, il est en cavale.

Il fait appel au soutien le plus improbable aux yeux des flics, et le plus sûr à ses yeux: René,  l'anar' tendre, l'ami des paumés,  le naïf au coeur pur...

Quand on mange avec le diable, il faut une longue cuiller...

Et quand on lit cette séquence périlleuse du paisible journal de René,  on s'affole.

Non, c'est pas vrai! Il est fou, René,  il se fait embarquer dans un truc bien méchant, qui ne sent pas bon du tout...semant derrière lui les indices comme le Petit Poucet ses cailloux, il prend tous les risques avec une ingenuité insensée...

Car derrière Kader , il y a les policiers et les juges, mais aussi le milieu qui a l'air d'avoir quelques comptes à lui régler.. Faudrait pas qu'une balle aille s'égarer du côté du cabanon dans les vignes. Ni qu'un indice malencontreux mette la police sur la trace du "complice" inconnu  qui a permis cette évasion spectaculaire.

C'est là où le lecteur cherche fébrilement à quel genre il a affaire: récit autobiographique? fiction habilement déguisée en journal de bord?

Ceux qui connaissent un peu René et son univers border line ne sont pas rassurés !  C'est qu'il serait bien capable d'une générosité aussi irresponsable, d'une fraternité aussi naïve, le bougre !

 La panique est faite d'une empathie alarmée qui fait le sel de la lecture...

Bref on passe un vilain quart d'heure, et ce journal d'un athée de campagne a bientôt des airs de Touchez  pas au grisby ! 
 
Très réussi!

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Le parcours de l'écrivain René Frégni mérite qu'on s'y arrête. Issu d'une famille modeste de Marseille, il décroche à l'école et n'achève pas ses études. Plus tard, à l'armée, il déserte, ce qui lui vaut quelques mois d'emprisonnement. Là, un aumônier bienveillant lui apporte des livres. La lecture est alors une nouvelle naissance pour le jeune homme. Il découvre l'écriture et la magie des mots qui, dit-il, faisaient entrer dans la grisaille sinistre de sa cellule, les couleurs d'une fleur, les senteurs d'une forêt, le chant d'un oiseau.

Pour transmettre cette ouverture sur la vie à des détenus n'ayant jamais connu que le béton des cités et des établissements pénitentiaires, il animera plus tard des ateliers d'écriture dans les prisons.

Après des expériences professionnelles qui ne le satisfont pas, René Frégni se consacre à l'écriture. Ses premiers écrits ressemblent à des récits de promenades, des odes à la beauté de la Provence, sa Provence, dont il excelle à invoquer le bleu du ciel, la blancheur incandescente du soleil et les couleurs changeantes des collines. Il se lance dans l'écriture de romans policiers, où il s'inspire de sa fréquentation des truands. Ses polars mettent régulièrement en scène un brave type un peu naïf et un malfrat profitant de sa bienveillance au risque de l'entraîner sur des chemins noirs. Fidèle à ses enthousiasmes, Frégni ne manque jamais d'imprégner ses polars de son amour contemplatif pour la Provence.

Mais pourquoi me suis-je mis à raconter – très sommairement – la vie de cet homme aujourd'hui septuagénaire, au lieu de parler de son dernier roman, Les vivants au prix des morts ? C'est parce que dans ce livre, il va encore plus loin que dans ses polars précédents : le narrateur et personnage principal s'appelle … René Frégni.

Le René Frégni du roman vit à Manosque. Il a atteint une sorte de plénitude et vit en osmose avec la nature de sa Provence chérie. Il s'émerveille chaque jour du bonheur qu'il a construit avec Isabelle, une enseignante auprès de qui il s'endort le soir, le nez dans ses cheveux, la main fermée sur un joli sein rond, souple et chaud. le jour, pendant qu'elle travaille à l'école, il transcrit dans un petit cahier rouge les couleurs du paysage qu'il contemple de sa fenêtre ou ce qu'il a ressenti en marchant sur les chemins qui serpentent dans les collines.

Quand il est stressé, il lui faut de l'activité. Alors il bêche le jardin, taille les arbres fruitiers ou coupe du bois pour l'hiver prochain. Et du stress, justement, il ne va pas en manquer. Kader, un dangereux taulard, vient de s'évader des Baumettes, à Marseille. Ce malfaiteur récidiviste, qui avait suivi ses ateliers d'écriture, vient solliciter son aide pour échapper à la police et, pire encore, à d'anciens complices ayant des comptes à régler.

Pas le genre balance ou lanceur d'alerte, le René. Au contraire, sens extrême de la solidarité ou incapacité à dire non, le voilà qui devient complice du brigand en cavale, au risque de tout sacrifier : sa liberté, sa quiétude, son amour. Car une fois le doigt mis dans l'engrenage… Une véritable angoisse !

Étonnante, la conception de ce roman. Car le René Frégni des premières pages est bien le vrai René Frégni, l'écrivain dont j'ai évoqué le parcours. Mais ce vrai René Frégni, l'écrivain, a-t-il vraiment vécu les aventures du René Frégni personnage du roman ? Et comment s'en est-il sorti ? Un sujet sur lequel l'écrivain m'a tenu en haleine jusqu'à la dernière page, et même au-delà, car il m'a laissé sans réponse. « Ni vérité, ni réalité, ni histoire » prévient-il, énigmatique, au début du livre. « C'est une histoire vraie, puisque j'en ai écrit les mots » a-t-il déclaré, tout aussi énigmatique, lors d'une interview.

René Frégni maîtrise parfaitement les codes du roman noir. Il a aussi une très belle plume, très lyrique. Il le sait et en abuse un peu. Sa Provence est belle, son Isabelle aussi, on finit par le savoir. Il n'est pas non plus avare de bons sentiments. Pauvres gangsters et pauvres djihadistes qui n'ont eu que la malchance de passer trop tôt des ghettos à la case prison !

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Voilà je continue ma balade Frégnienne avec plaisir...toujours entre Marseille et Manosque, toujours cet univers carcéral mais cette fois nous partons en cavale avec Kader! Truand multirécidiviste aux évasions spectaculaires...Au prix de sa liberté, il va impliquer sans concession, l'animateur des ateliers d'écriture qui l'a fréquenté lors de son incarcération ...un homme simple aimant une femme superbe à la vie quotidienne douce et tranquille..
Un super road movie..l'animateur persuadé de l'humanité du truand, sans avoir pris conscience que de l'avoir aidé spontanément en lui prêtant son appartement , pourrait avoir de lourdes conséquences sur le cours de sa vie.. tout part de "bons sentiments " mais l'engrenage est en route..une étrange amitié! .presque un enfant de coeur ce truand!... Attachant même sauf quand il tue de sang froid!

Cette histoire est crédible, un bon scénario de polar..tout au long de ma lecture ceci : existe-t-il vraiment du déterminisme dans toute trajectoire de vie ?
. Une rencontre entre deux hommes, dont l'un du mauvais côté de la barrière dans une solitude extrême, avide de liberté et de l'autre.. une autre solitude : celle de l'écrivain.. avec ses doutes, sa liberté.

L'écriture est toujours aussi envoûtante, les phrases pleines de poésie, de lumière., la Povence sublimée par les couleurs de la plume de l'auteur...Je continue de vous lire avec bonheur Monsieur René Frégni !
Je vous invite à faire de même...





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