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Critique de Afleurdelivres


💕René Fregni💕Je découvre enfin la plume poétique de cet écrivain attachant qui m'a emportée dès les premières lignes. Un roman magistral sur le pouvoir de la littérature et la rédemption par les mots. Ode à la fois à la littérature, à la liberté mais aussi au voyage.
L'auteur anime depuis des années des ateliers d'écriture en prison et vit désormais retiré du monde, dans une maison au bord de la forêt à Manosque. Sa vie n'a pourtant pas toujours été paisible. Ce cancre rêveur, à la limite de la phobie scolaire, celui dont les écoles et institutions ne voulaient pas, celui qui rêvait d'escapade au dehors loin des salles de classe, devient très tôt une graine de voyou traînant dans les quartiers pauvres de Marseille avec des petites frappes, commettant des larcins ou dansant le be-bop, revendiquant une jeunesse « insouciante, libre et amorale ». Au grand dam de sa mère très inquiète et en dépit de leur relation fusionnelle. Sa voix qui « écartait de mon corps les odeurs grises des livres de grammaire..de la peur » imprègne le roman. Cette voix rassurante qui lui contait les aventures de Jean Valjean, d'Edmond Dantès ou encore du petit Rémi de Sans famille.
Écrivain autodidacte, il nous raconte comment sa passion pour la littérature et l'écriture l'ont sauvé.  
« Je suis né déserteur ». A 19 ans il déserte l'armée et sera incarcéré dans une prison militaire avant une vie d'errances devenue parcours initiatique.
Dans cette geôle il retrouve une figure du Banditisme Ange-Marie Santucci et découvre grâce à lui le pouvoir des mots « lis, René, tu leur feras peur! …J'ai beaucoup mieux qu'un calibre aujourd'hui, j'ai des mots, j'ai leurs mots ! » et grâce à l'aumônier qui les fournit en livres, René Frégni lit Jean Giono et se trouve propulsé dans le Sud brûlant où il a grandi retrouvant les odeurs du maquis et de la garrigue, thym, oliviers, genêts, pierres calcinées et bruits de son enfance « … Je compris soudain ce qu'était la lecture, la puissance colossale des mots. Cette journée allait déterminer le reste de ma vie, ce voyage infini vers les mots. Au fond de ce puits d'ombre, j'étais un évadé ».
D'abord « machines de torture » les livres deviennent des « machines d'évasion » écartant les barreaux, faisant éclater les verrous d'acier, raccourcissant le temps et peuplant sa cellule de personnages.
Avec une infinie délicatesse Frégni parle de son amour des livres. A chaque ville ou pays qu'il visite lors de sa cavale correspondent un livre et un auteur, de l'Italie à la Grèce en passant par Istanbul ou Londres, d'Almeria à Ankara en passant par la Corse…
Son séjour à Bastia (ma ville qu'il décrit si bien ) restera inoubliable « une ville à flanc de montagne, qui de tous ses yeux, regarde la mer et l'Italie … Bastia est un amphithéâtre dont l'immense scène est la mer. Vous grimpez entre deux falaises de maisons et vous débouchez tout en haut, sur le ciel et la mer. Chaque venelle obscure plonge dans le bleu. Partout, c'est un combat aphrodisiaque, entre l'odeur sauvage du maquis et celle des embruns. »
« J'étais un arbre qui lit…Je n'étais qu'un morceau vivant du maquis et je partais dans des voyages de mots qui m'emmenaient de l'autre côté du monde ». Un peu plus tard travaillant en tant qu'auxiliaire en psychiatrie tout en préparant un diplôme d'infirmier, il commence à se familiariser avec l'écrit. Comment devient-on écrivain quand rien ne nous prédestinait à écrire?
On suit ce délicat « vagabond de mots dans un voyage de songes » de ses échecs jusqu'à sa première publication.
Terriblement beau, immensément touchant.
Merci à @HordeDuContrevent de m'avoir convaincue de le lire avec sa magnifique chronique
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