Mon impression
Dans ce récit, on ne suit pas l'enquête de l'inspecteur Antoinette Conway, inspectrice à la brigade criminelle depuis deux ans. On EST Antoinette Conway. Ses yeux, ses pensées, ses doutes, ses humeurs. Et pourtant, A.Conway, victime de discrimination tant sexiste que raciale, ce qui l'a endurcie, est solitaire, ombrageuse, antipathique, à la limite antisociale. Paranoïaque, on en vient à se le demander, tant elle exècre le genre humain. "On n'est pas dans une série télé...je n'éprouve aucune loyauté envers mes collègues... Je bosse juste sur mon enquête. Quiconque se met en travers de mon chemin, je l'écrase et je n'ai aucun problème avec ça". On ne peut pas être plus explicite.
Et pourtant je n'ai pu m'empêcher de la trouver sympathique de par des répliques succulentes non dénuées d'humour "pince sans rire".
Outre les dialogues l'auteur met un soin particulier dans des détails physionomiques, qui loin d'être rébarbatifs, relancent le sujet et rendent vivant, humain dirais-je, le récit.
J'ai juste été gêné par l'emploi continu du temps grammatical employé. Toujours le même ("proposé-je..."L'informé-je"..."Déclaré-je").
Après, de guerre lasse, je ne l'ai plus relevé.
Un récit donc, qui commence lentement, au rythme d'une enquête bien ordinaire. Comme il n'y a rien d'extra dans cet ordinaire pourquoi se presser ?
Mais une fois qu'on entre dans l'enquête et les interrogatoires, le lecteur bascule dans un récit hyper psychologique où le doute devient rapidement la pierre angulaire de la narration. Et on se laisse prendre au jeu. On est dans l'enquête et celle-ci nous tient alors en haleine et tout est bien ficelé.
Un coupable presque parfait, avec des indices à charge contre lui tellement nombreux que cela en devient suspect... Antoinette et Steve, son adjoint, vont devoir se battre pour continuer à chercher la vérité, et quand on pense que le dossier est bouclé...ça repart d'autant plus que leur quête les mène sur des terrains mouvants et de sales petits secrets...
Tana French nous livre une excellente intrigue bien mise en place, une construction magistrale, un suspense redoutable, et surtout des personnages complexes unis par des relations tordues qui donnent tout son dynamisme à une action qui ne se relâche jamais. "
L'invité sans visage" ne laisse pas un moment de répit. le lecteur est partie prenante à l'enquête et l'auteur l'amène sur diverses pistes sans tout dévoiler !
Après des polars d'action ("
Sans Raison" de
Mehdy Brunet étant ma dernière lecture ), j'ai aimé le rythme lent de celui-ci alors que l'action ne déborde que rarement des salles d'interrogatoire du commissariat. Nous sommes totalement immergés dans la vie quotidienne des flics de la Crim' au cours d'une enquête, dans leur « intimité » professionnelle au coeur de la brigade et de leur vie quotidienne. Nous découvrons les petites mains des investigations, ceux qui sont chargés de toutes les basses besognes, de toutes les tâches ingrates. Nous sont révélées les rivalités, les croche-pieds, bref, une absence de solidarité. Cependant, la perpétuelle animosité d'Antoinette à l'égard de tous peut s'avérer (très vite) lassante.
Le dénouement très finement mené rattrape le sentiment de longueur que j'ai pu ressentir à certains moments de ma lecture.
Alors certes ce roman déplaira peut être à celles et ceux qui recherchent de l'action à chaque page.
Un roman de 550 pages qui aurait pu devenir rébarbatif sans le talent de l'auteur et la psychologie fouillée et incisive de chacun de ses personnages.
"C'est comme un film de série B : le genre dont on devine la fin au détail près dès la moitié...et alors, on vous emporte dans un autre film, différent, plus vif. Et tout peut arriver"
Prenez le temps de le lire si vous aimez les romans policiers... qui prennent leur temps.
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