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Citations sur Mantra (21)

"Le récitant est mon tuteur. Un poète chilien qui se prénommait Arturo ou Roberto. Je ne me rappelle même pas son visage, alors son nom... Je l'ai enregistré par un après-midi très chaud. Il n'a pas tenu longtemps dans cette maison. Il se mettait à déclamer des vers au milieu des réunions, montait sur les tables, disparaissait des journées entières. Il rentrait toujours de nuit", m'a dit Martin Mantra tandis que la voix du poète invisible flottait sur la carte sans nom d'une ville sans plan, laissant choir ses vers comme étaient tombées des bombes sur d'autres villes.

"DANS LE SALON DE LECTURE DE L'ENFER" (...)
Dans le salon de lecture de l'enfer
Dans le club des passionnés de science-fiction
Dans les cours blanches de givre
Dans les chambres de transit
Sur les chemins gelés
Quand tout semble plus clair
Quand chaque instant est plus beau et compte moins
Une cigarette entre les lèvres et la peur au ventre
Parfois les yeux verts
A vingt-six ans
Un serviteur.

"GODZILLA A MEXICO" (...)
Ecoute ceci, mon garçon : les bombes tombaient
sur la ville de Mexico
mais personne ne s'en apercevait.
L'air transportait le poison
dans les rues, par les fenêtres ouvertes.
Toi, après dîner, tu regardais à la télé
les dessins animés.
Moi, je lisais dans la pièce voisine
quand j'ai compris que nous allions mourir.
Malgré le vertige et les nausées je me suis traîné
jusque dans la salle à manger et je t'ai trouvé par terre.
Nous nous sommes enlacés. Tu m'as demandé ce qui arrivait
et je ne t'ai pas dit que nous étions au programme de la mort
mais que nous allions faire un voyage,
un de plus, ensemble, et que tu ne devais pas avoir peur.
En partant, la mort ne s'est même pas donné la peine
de nous fermer les yeux.
Qui sommes-nous ? m'as tu demandé une semaine ou un an après,
des fourmis, des abeilles, des chiffres erronés
dans la grande soupe du hasard ?
Nous sommes des êtres humains, mon garçon, presque des oiseaux,
des héros publics et secrets.
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L'idée que nos enfants puissent disposer d'ordinateurs domestiques (qui étaient à l'époque de puissants engins cachés dans les sous-sols top secret de bâtiments gouvernementaux toujours étrangers) ou avoir des poussées psychotiques à force de vivre constamment dans la réalité virtuelle n'entrait même pas dans les larges limites de notre imagination, plus prompte à concevoir l'avenir d'après nos vieilles lectures de Jules Verne ou de H.G. Wells que comme un territoire que nous occuperions un jour.
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Nous vivions une époque où l'on se tuait, où l'on mourait pour rendre le monde meilleur. C'est en tout cas ce que pensaient le Père de la Patrie, mes parents et leurs amis, qui le lisaient dans des best-sellers fort éloignés de la non-fiction, et s'étonnaient des années plus tard de la courte distance qui séparait l'exécuteur de l'exécuté et, désormais, de l'exécutif. Nombre d'entre eux sont devenus tout ce qui a anéanti beaucoup de leurs camarades. Ils assistent parfois à des tables rondes, dans des téléviseurs rectangulaires, me semble-t-il. Usés et souriants, pendus à leurs cravates de soie importées, fusillés par les balles perdues de leur passé et interrogeant mal leur mémoire à voix haute – se rappelant d'oublier ce qui leur convient, allant toujours vers la victoire – comme s'ils étaient sûrs de connaître la musique mais pas les paroles d'une chanson qu'ils ont un jour sue par cœur.
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[...] ... Nous sommes immortels à nos débuts. Nous sommes invincibles. Nous savons tout parce qu'il n'y a pas grand-chose à savoir. Nous ne connaissons qu'un Chapitre Un. Nous connaissons les bases, ce qui importe réellement, les choses indispensables : des règles simples pour survivre dans la jungle de nos journées brèves mais intenses au cours desquelles nous pressentons à la perfection qui sont nos amis et nos ennemis. Alors, nos antennes flambant neuves captent sans difficulté le secret de l'univers. Au fil des années - au contact du bruit sourd de la connaissance de l'inutile, du côté statique de l'information superflue et du lent rapprochement de la Mort - nous devenons de plus en plus ignorants. Nous avons peur des portes que le vent fait claquer, ou des téléphones qui sonnent dans le noir, au coeur même de la nuit. Donc, à l'heure incertaine où nous nous rappelons avec tristesse notre passé vigoureux, nous ne sommes plus que les astronautes corrompus d'une Lune innocente où nous avons un jour planté un drapeau. Quand nous y étions, tout nous semblait plus grand et plus majestueux. Contrairement à ce que l'on peut croire, cela n'était pas lié à notre petite taille par rapport aux chambres qui nous abritaient, mais plutôt à notre capacité d'étonnement. Loin d'être motivée par l'exercice d'un petit muscle difficile d'accès, elle était un battement constant, et il suffisait de fermer les yeux pour la sentir rythmer le temps des hommes et la vitesse des choses à l'intérieur de soi. Eh oui, notre passé reculé était si proche, si bref et si précis qu'il se confondait avec ce qui était survenu quelques heures plus tôt pendant que nous glissions sur un présent plus long que notre avenir tout entier. Voilà pourquoi dans notre enfance, nous sommes particulièrement attirés par le rugissement des moteurs de science-fiction : ce qui précède est infime ; le présent n'est qu'une succession de photogrammes ; l'après signifiant tout, il n'est pas étonnant qu'en grandissant, notre intérêt pour le futur décroisse et que nous nous posions de moins en moins de questions à son sujet car, à l'évidence, nous commençons à comprendre que nous ne ferons jamais partie de lui.

J'ai l'impression de me répéter, de dire toujours la même chose avec des mots différents, de n'avoir guère le temps d'avancer d'autres idées. C'est pourquoi je choisis une époque - celle où j'avais beaucoup de temps devant moi - et un nom, Martín Mantra. ... [...]
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Le cut-up en tant que nouveau langage où tout est fragmenté, où les histoires commencent là où elles se terminent, sans respecter l'ordre chronologique des faits. L'important, c'est de tout mettre par écrit, vite, avant que le récit disparaisse ou sombre dans l'oubli. Soumettre chaque instant au plus grand nombre possible de variations dont chacune serait présentée sous un angle intéressant et également justifiable. Modifier sa façon de lire, de voir un film, de penser. Altérer d'abord le nerf optique et, à partir de la pupille, atteindre le cerveau et reprogrammer tout le système nerveux. Laisser ainsi des mots, des dates et des sentiments en dehors.
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Quand nous commençons à lire, nos rapports avec les livres passent par notre identification au personnage. Les lecteurs primitifs ont donc besoin d'entrer dans l'histoire (ce n'est pas un hasard si les livres ont le même mécanisme, la même forme qu'une porte) pour faire partie de l'aventure. Au fil des ans, le lecteur cesse de s'identifier au héros pour s'identifier à la réalité de l'écrivain. La façon de raconter une histoire finit par primer sur l'histoire elle-même. Là, je ne suis pas sûr que les lecteurs évoluent. Je pense qu'au bout du compte, ils perdent peut-être quelque chose en chemin le plus important: la possibilité de ne faire qu'un avec le héros, de combattre et de vaincre à ses côtés.
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« Mexico s’écrit avec un x. Le x de galaxie: quelque chose d’infiniment plus grand et plus puissant qu’une ville ou qu’un pays… »
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Alors que ce qu'on connait sous les termes de réalisme magique est l'intrusion mesurée et juste du fantastique dans le tissu de la réalité, je dirais que nous, les Mantra, nous nous situons dans ce qu'on pourrait qualifier d'irréalisme logique, qui nous définit à la perfection et se compose de tous petits éclats de logique, brodés comme les miroirs ornant les costumes des cavaliers mexicains sur la vaste et quotidienne trame de l'irréel et de l'impossible.
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Toute notre vie, nous évitons de nous souvenir car sonder notre mémoire comporte une terrible tentation : celle d'aller vivre sur une autre planète, dans un endroit que nous seuls habitons et où il nous est loisible, telles des divinités mineures, de ressusciter tout ce qui nous semble digne de mériter cet honneur.
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Les prises à partie de Rod Serling au début et à la fin de chaque épisode de « La Quatrième Dimension » avaient une importance historique car, m'a expliqué Martin Mantra, « nous cherchons tous quelqu'un d'habilement rodserlingforme qui nous raconte nos existences en y mettant de l'ordre. » (...)
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