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Critique de henrimesquida


Reprenons depuis le début. Mantra est un livre sud-américain (ça commençait bien), à la structure narrative innovante (ah intéressant, je suis toujours preneur), recommandé par Roberto Bolaño, citant Lowry, Nabokov, Cortazar (quatre auteurs de mon Top 10), Kerouac, Philip K. Dick et 2001, l'odyssée de l'espaceil et qui, last but not least, bénéficie d'une moyenne alléchante sur SensCritique (8), qui atteint 8.3 chez mes éclaireurs. Voilà donc un livre que j'aurais dû et aimé aimer. Or, non seulement ce ne fut pas tout à fait le cas, mais sa lecture a même été parfois assez pénible. Essayons d'expliquer de manière rationnelle cet implacable (et regrettable) ressenti.

L'une des raisons me semble être précisément la structure narrative de Mantra. Enfin, celle de la deuxième partie, qui raconte l'histoire sous la forme d'un lexique, fort habilement fait par ailleurs. Ce genre d'aventure formelle (dont je peux être très friand, là n'est pas la question) est à double tranchant. Elle peut livrer des oeuvres incomparables, surprenantes, ludiques mais également des pensums stériles et alambiqués . Or, Mantra me paraît plutôt intégrer la seconde catégorie... Non seulement le recours au lexique n'est jamais justifié et arrive comme un cheveu sur la soupe, mais j'avoue ne pas avoir retiré grand-chose de ces 500 pages. le postulat de départ est séduisant, mais le traitement m'a laissé sur ma faim, oscillant sans trouver le juste milieu entre l'anecdotique et le sentencieux.

Aussi, la première partie (où est passé l'humour des premiers chapitres ?) et les toutes dernières pages m'ont paru être les meilleurs moments du livre. Entre eux, malheureusement, j'ai eu la douloureuse sensation de me débattre dans un océan glacé, dont je ne crois pas avoir jamais lu plus de dix pages d'affilée. On me dira que c'était sans doute en partie l'effet recherché (livre tentaculaire où il faut accepter de se perdre), et je veux bien l'accorder, j'étais même partant, mais je ne peux pas mentir non plus : je m'y suis surtout ennuyé.

Mais le plus agaçant est peut-être le côté m'as-tu-vu du livre. Chaque page semble crier : "ceci est un livre dément écrit sur une ville démente (Mexico)", et cela justifierait toute les coquetteries, les longueurs (livre bieeeeeen trop long) et les pénibles digressions existentialisto-surréalistes (le mauvais côté des romans de Cortazar, en encore moins bien ici car déjà vu) de la deuxième partie. A quoi il faut ajouter le name-dropping incessant et les réécritures sans grand intérêt - j'en ai identifié deux : celle de la nuit face au ciel de Cortazar et celle du début de Pedro Paramo de Juan Rulfo, dans une ambiance post-apocalyptique (!), au début de la troisième partie. Inutile de préciser que j'aime mille fois mieux lire les originaux.

Ces remarques négatives ne doivent pas faire oublier certaines trouvailles géniales (la première partie, le personnage de Martin Mantra, les tumeurs "Sea Monkeys", les passages sur l'amnésie, et j'en passe) un style follement inventif, la maîtrise de la narration discontinue - on reconstitue l'intrigue centrale au fur et à mesure, dans le désordre, au gré des entrées du lexique, et c'est plutôt intéressant. Un délire maîtrisé, donc, mais dont le principal défaut serait peut-être justement le fait de clamer haut et fort que c'est un délire, un livre mutant sous drogues dures, et ainsi de légitimer, de manière un peu facile, le fait qu'il parte dans toutes les directions en épuisant le lecteur.

On en arrive à l'ultime paradoxe de ce livre : à trop chercher l'originalité, à trop vouloir étonner, à trop jouer le "grand roman sud-américain postmoderne halluciné", Mantra ennuie par ses errements abscons, ses pages ultra-référencées et ses effets finalement prévisibles, le tout servi avec une sauce science-fiction plutôt indigeste. Qui m'est restée sur l'estomac.
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