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(01/01/1915)
3.08/5   6 notes
Résumé :
« Nous sommes donc nous-mêmes,[…] comme les hommes originaires, une bande de meurtriers . »

En 1915, alors que le conflit mondial est déclenché, Freud analyse les relations complexes qui unissent la guerre et la mort. La guerre a détruit l’illusion que les acquisitions culturelles étaient immuables, elle a impitoyablement mis à nu les motions pulsionnelles primitives. L’homme civilisé se comporte à l’égard de la mort de la même façon que l’homme origi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Certes, ces Considérations actuelles sur la guerre et la mort ont bientôt un siècle. N'en profitez pas pour jeter le livre derrière votre canapé et lire ce répugnant « 2084 » de l'autre. Sachez que la guerre et la mort sont éternelles, pas comme les best-sellers.


Sigmund Freud soulève les questions les plus importantes de la psychologie sociale. Si les êtres humains aspirent tous individuellement à la liberté, à la paix et à la joie, pourquoi décident-ils parfois de se mutiler en grands groupes lorsqu'ils se retrouvent pris sous le joug d'une organisation ? Pourquoi l'individu s'est-il emmerdé à sublimer ses instincts et à s'imposer des règles morales strictes si l'Etat qu'il a créé pour surveiller le bon respect du port de ces cilices semble n'avoir aucune vergogne à maculer le monde des instincts les plus primaires ? Comment se fait-il que, malgré l'influence de l'éducation et de l'ambiance civilisée, les mauvais penchants des individus finissent quand même pas reprendre le dessus et se manifester violemment ?


Ces questions sont rhétoriques. Sigmund avait déjà préparé ses petites réponses, et elles ne sont pas de moindre intérêt. L'être humain moderne n'est qu'un primitif légèrement recouvert de strates plus récentes qui portent le nom de « culture » et de « conscience morale ». La moindre bagatelle et les strates laissent ressurgir le daimon ancien. L'Etat, quant à lui, s'il se comporte comme une merde, c'est parce qu'il résulte d'une constitution récente pas encore bien stratifiée. A la limite, quand on considère l'Etat, on louche sur notre passé d'homme préhistorique. L'Etat, tout moderne qu'on le souhaite, n'est qu'une tare primitive non achevée. D'où ses débordements simiesques. « Il est possible que les peuples, reproduisant l'évolution des individus, se trouvent encore aujourd'hui à des phases d'organisation très primitives, à une étape très peu avancée du chemin qui conduit à la formation d'unités supérieures. »


Pour les considérations sur la mort, c'est un peu plus tranquillou, genre pas politiquement incorrect –en tout cas au début. En gros, l'homme joue à cache-cache avec la mort. Il suffit de se pencher sous son matelas pour se goulotter sa dose quotidienne de bourbon (avec un bon gargarisme dans le fond des amygdales) pour se souvenir qu'aucun d'entre nous n'y échappe. Mais Sigmund situe cette contradiction à la base du développement de la psychologie (il a failli écrire « de la philosophie », mais déjà qu'il n'avait pas trop de potes dans les alentours culturés, il s'est tu à bon escient). La question fondamentale ne serait pas « pensè-je donc suisè-je ? » mais « pourquoi crevè-je si je vis ? ». Ensuite, il observe l'ambivalence des sentiments face à l'événement de la mort d'un cher et tendre et constate que la tristesse rehaussée de joie provoque un sentiment de culpabilité (bien inutile) chez le survivant. Sigmund imagine que c'est ce sentiment de culpabilité qui conduisit les hommes primitifs à imaginer un monde de l'au-delà peuplé d'âmes vengeresses, genre de phénomène projectif quoi. Bref, l'être humain, toujours un peu tapette, semble avoir voulu ad vitam aeternam (sic) nier la question de la mort. Mais si les êtres primitifs niaient la mort considérée comme fin définitive, ils n'oubliaient toutefois pas de faire preuve de délicatesse morale dans leurs rapports avec les vivants –considéré que ce dernier est un mort en puissance qui pourra venir se venger si les choses se goupillent mal aux alentours de la dernière expiration. Comportement qui semble hors de portée de l'homme civilisé, comme on dit, qui revient de la guerre tout glorieux et médaillé, sans culpabilité aucune, comme si tout cela n'avait été qu'une échappée vers un monde fictif composé d'anthropoïdes pas vraiment mortels.


Alors voilà THE question : « Ne ferions-nous pas bien d'assigner à la mort, dans la réalité et dans nos idées, la place qui lui convient et de prêter une attention un peu plus grande à notre attitude inconsciente à l'égard de la mort, à celle que nous nous sommes toujours si soigneusement appliqués à réprimer ? » -ce qui éviterait peut-être qu'on continue à lancer des guerres en croyant qu'on va tous y réchapper. Viendra peut-être un jour où ce ne sera plus le cas.

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Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort / Sigmund Freud
C'est en 1915 que Freud, alors que la guerre fait rage, décide d'analyser les relations complexes unissant la guerre et la mort. Les acquisitions culturelles que l'on croyait immuables se révèlent n'être qu'une illusion et volent en éclat pour laisser resurgir les pulsions primitives, et les mauvais penchants réprouvés par la société que l'on croyait disparus, tels que l'égoïsme et la cruauté refont surface. Chemin faisant, Freud soulève les questions cruciales de la psychologie sociale. Pourquoi les humains qui vantent tant la paix et la joie et mettent en avant des règles morales sévères en viennent-ils à des extrêmes de violence et de cruauté ? Pourquoi l'éducation et la culture ne sont-elles pas parvenues à mettre un frein à des pulsions primitives ? Certes l'homme peut être bon dans certaines conditions, mais aussi le pire des sauvages dans certaines autres. Nous avons trop cru que notre intelligence était une force indépendante et savait ne pas être subordonnée à la vie affective. En vérité il apparait que les arguments logiques ne peuvent rien contre les intérêts affectifs et c'est pourquoi la lutte à coup de raisons est si stérile dans le monde des intérêts. En fait les hommes ne mettent en avant les intérêts que pour rationaliser leurs passions. C'est l'effet de groupe qui est l'élément déclencheur des conflits majeurs : « On dirait qu'il suffit qu'un grand nombre, que des millions d'hommes se trouvent réunis, pour que toutes les acquisitions morales des individus qui les composent s'évanouissent aussitôt et qu'il ne reste à leur place que les attitudes psychiques les plus primitives, les plus anciennes, les plus brutales. »
Dans la seconde partie relative à la mort, est mise en avant l'idée qu'il nous est absolument impossible de nous représenter notre propre mort, et toutes les fois que nous l'essayons, nous nous apercevons que nous y assistons en spectateurs. Au fond personne ne croit à sa propre mort, ou bien ce qui revient au même, dans son inconscient chacun est persuadé de sa propre immortalité. En fait l'homme se cache de sa mort. Jusqu'au jour où… !
Une lecture tout à fait salutaire, mais comme l'ont dit certains, désespérante.
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Citations et extraits (35) Voir plus Ajouter une citation
Les arguments logiques ne peuvent […] rien contre les intérêts affectifs, et c'est pourquoi la lutte à coup de raisons est si stérile dans le monde des intérêts. […] Les hommes les plus intelligents perdent subitement toute faculté de comprendre et se comportent comme des imbéciles, dès que les idées qu'on leur présente se heurtent chez eux à une résistance affective, mais […] leur intelligence et leur faculté de comprendre se réveillent, lorsque cette résistance est vaincue. L'aveuglement logique dans lequel cette guerre a plongé précisément les meilleurs de nos concitoyens n'est donc qu'un phénomène secondaire, la conséquence d'une excitation affective et, il faut l'espérer, disparaîtra avec les causes qui l'ont provoqué.
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Cette réconciliation [avec la mort], en effet, ne serait possible que si nous réussissions à nous pénétrer de la conviction que, quelles que soient les vicissitudes de la vie, nous continuerons toujours à vivre, mais d'une vie qui sera à l'abri de toute atteinte. Il est, en effet, trop triste de savoir que la vie ressemble à un jeu d'échecs où une seule fausse démarche peut nous obliger à renoncer à la partie, avec cette aggravation que, dans la vie, nous ne pouvons même pas compter sur une partie de revanche. Mais dans le domaine de la fiction nous trouvons cette multiplicité de vie dont nous avons besoin. Nous nous identifions avec un héros dans sa mort, et cependant nous lui survivons, tout prêts à mourir aussi inoffensivement une autre fois, avec un autre héros.
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Toute phase de développement [psychologique] antécédente subsiste et se conserve à côté de celle à laquelle elle a donné naissance. La succession comporte en même temps une coexistence, bien que les matériaux ayant servi à toute la suite des modifications soient les mêmes. […] Cette plasticité extraordinaire des possibilités d'évolution psychique ne peut cependant pas se manifester dans toutes les directions ; on peut la désigner comme représentant une aptitude extraordinaire à la répression, car il arrive souvent qu'une phase d'évolution ultérieure et supérieure, une fois délaissée, ne peut plus être rejointe. Les états primitifs, au contraire, restent toujours susceptibles de reproduction et d'évocation ; ce qu'il y a de primitif dans notre vie psychique est, au sens littéral du mot, impérissable.
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Comme l'homme primitif, notre inconscient ne croit pas à la possibilité de sa mort et se considère comme immortel. Ce que nous appelons notre « inconscient », c'est-à-dire les couches les plus profondes de notre âme, celles qui se composent d'instincts, ne connaît, en général, rien de négatif, ignore la négation (les contraires s'y concilient et s'y fondent) et, par conséquent, la mort à laquelle nous ne pouvons attribuer qu'un contenu négatif. La croyance à la mort ne trouve donc aucun point d'appui dans nos instincts, et c'est peut-être là qu'il faut chercher l'explication de ce qui constitue le mystère de l'héroïsme.
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C'est ainsi que la transformation des penchants, sur laquelle repose notre aptitude à la vie civilisée, peut, sous l'influence des événements de la vie, être frappée de régression, passagère ou durable. […] Nous n'avons pas le droit de refuser l'aptitude à la vie civilisée à tous ceux qui se comportent contrairement aux principes sur lesquels repose cette vie et […] nous devons attendre, jusqu'à ce que des temps meilleurs et plus calmes ramènent de nouveau à la surface leurs sentiments nobles et élevés.
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