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Critique de Alexein


Le moi et le ça introduit dans la théorie psychanalytique la deuxième topique de Freud, qui vient se superposer à la première (conscient, préconscient, inconscient). Ce livre constitue par conséquent un tournant dans l'histoire très tortueuse et laborieuse de la théorisation du fonctionnement de l'esprit humain.

La même année 1923, suite à la parution d'un ouvrage de G. Groddeck, le livre du ça, Freud propose trois nouvelles instances psychiques définies comme étant le moi, le ça et le surmoi. À cette époque, le surmoi est dans l'esprit de Freud encore indissocié d'avec l'idéal du moi, ce qui ne facilite pas la lecture de cet essai.

Le premier chapitre est un rappel de la première topique et de son fonctionnement. le deuxième entre dans le vif du sujet et définit ces nouvelles instances. Ce nouvel horizon ouvert par Freud témoigne d'une manière de penser particulièrement originale et féconde. Lui qui se considérait comme un conquistador découvrant et établissant la cartographie d'un nouveau continent, a ouvert la voie à bien d'autres découvertes ultérieures fructueuses.

Le ça est considéré comme le réservoir des pulsions. Il est ce qu'il y a de plus primitif en l'homme. Freud opère une distinction entre ce dernier et l'instinct. le moi est selon Freud une instance qui s'est progressivement « émancipée » du ça sans s'en être entièrement détachée. le moi constitue la conscience de l'individu mais une partie non négligeable du moi serait consciente, à la différence du ça qui est entièrement inconscient. Freud compare le moi à un cavalier et le ça à son cheval.

Le troisième chapitre aborde les relations entre moi et surmoi, la troisième instance, qui vient se placer au-dessus du moi et exercer sur lui un rôle de censure. le surmoi serait constitué par l'autorité extérieure (parentale) qui aurait été introjectée au moment de la liquidation du complexe d'Oedipe. Lui aussi aurait une partie inconsciente.

Le quatrième chapitre constitue pour moi un aveu de faiblesse de la part de Freud. Il y définit deux pulsions antagonistes émanant du ça : la pulsion de vie et la pulsion de mort. Elles seraient toutes deux innées et, mélangées dans des proportions variables, détermineraient les tendances agressives des individus. Il utilise pour appuyer cette idée l'exemple du sadisme, mélange d'amour et de volonté de destruction. Je vois dans cette conception l'influence de la théorie humorale d'Hippocrate, théorie archaïque de la physiologie qui a perduré jusqu'au XIXe siècle et qu'il ne pouvait ignorer.

Le cinquième et dernier chapitre traite des relations bien difficiles que le moi doit entretenir avec le ça, le surmoi et le monde extérieur, les trois présentant des menaces potentielles pour son intégrité. Freud y fait part d'une hypothèse paradoxale selon laquelle les délinquants et criminels, accablés par un surmoi tyrannique, ne trouvent d'issue que dans l'accomplissement réel de ce qui cause leur sentiment de culpabilité. le sentiment de culpabilité ressenti par le moi est ce qu'éprouve le moi à l'égard d'un surmoi très sévère et auquel il ne peut cacher ses pensées. Il est éprouvé alors qu'aucun acte répréhensible n'a été commis par l'individu. Cette conception est plus développée dans le malaise dans la culture/civilisation.

Ce court essai est absolument passionnant malgré certaines étapes de raisonnement qui peuvent apparaître un peu bancales et bricolées. Même si Freud reste assez humble vis-à-vis de ses doutes et incertitudes, il donne l'impression de vouloir généraliser certaines de ses conceptions alors que bien d'autres facteurs entrent en jeu dans l'histoire des individus pour expliquer telle ou telle de leurs affections, notamment le tempérament qui est un apport ultérieur de la psychiatrie. Autre défaut, la jungle lexicale ne constitue pas un moindre obstacle à la compréhension de ses théories.

La psychanalyse est une grande invention dans l'histoire de la pensée. Cependant elle est très vulnérable et susceptible de détournement par des gourous et autres charlatans. Elle peut rendre service aux gens comme elle peut ouvrir la porte à la manipulation éhontée. C'est bien là le drame de cette discipline pourtant si prometteuse. Il faudrait un cadre plus sain à cette pratique dont la seule condition d'exercice est d'avoir été soi-même analysé. Ça ne constitue en rien un diplôme.

Je ne peux m'empêcher d'attribuer cinq étoiles à ce livre qui, malgré quelques défauts, a fait avancer d'un grand pas la méthodologie en vue d'une meilleure connaissance de l'esprit. Il ne faut pas tout y prendre pour argent comptant. Freud développe des idées d'une grande originalité mais cela ne doit pas empêcher le lecteur de se faire ses propres réflexions et hypothèses.
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