Citations sur Mon père couleur de nuit (10)
" Si Dieu existe, dit Max, pourquoi n'a-t-il rien fait ?"
Mon père, qui a fini de manger, allume une cigarette.
" Qu'est-ce que tu veux dire ? demande t-il en rejetant la fumée par les narines.
- Il aurait pu retenir les trains ? Il aurait pu faire disparaître le camp d'un revers de main. Pourquoi n'a-t-il rien fait pour vous ?
- Dieu n'est pas un homme à tout faire, dit mon père en souriant. Imagine qu'il nous obéisse au doigt et à l’œil, ce serait une belle pagaille !
- Tu n'es pas en colère après lui ?
- Quelquefois.
- Pourtant tu continues à croire en lui ?
- On pourrait dire ça comme ça.
- Mais c'est idiot !" dit Max d'une voix suraiguë. Mon père soupire.
" On ne peut pas accuser Dieu. Ce n'est pas lui qui a crié Sieg Heil (Victoire) lorsque Adolf Hitler est arrivé au pouvoir. Dieu n' a pas applaudi quand l'Europe a été foulée aux pieds. C'était l’œuvre de gens comme toi et moi. Ce sont les hommes qui ont conduit les trains, ce sont eux qui ont inventé les chambres à gaz. Bien sûr, c'est Dieu qui avait créé ces hommes, mais il les avait dotés du libre arbitre. Ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient et voilà qu'ils ont eu envie de génocides.
"il y avait sûrement des Polonais qui n étaient pas comme ça ? Demande Max d un ton presque suppliant.
- Oh, sans doute, dit mon père, mais ils se sont bien cachés ceux-la, car je n en ai jamais rencontré n seul.
- C est horrible ! Dit Max. Vous étiez plus morts que vivants et vous continuiez à vous haïr comme chiens et chats." Mon père ferme les yeux.
" Sans la liberté et l égalité, soupire t-il, pas de fraternité non plus, visiblement."
Il ne le nomme jamais par son nom. Ca s'appelait Trebibor, Majdawitz, Soblinka ou Birkenhausen. Il dit "le camp" comme s'il n'en avait existé qu'un seul. "Après la guerre, dit-il, j'ai vu un film sur le camp. Des prisonniers étaient en train de se faire frire un œuf pour le petit-déjeuner". De la paume de la main, il se frappe le front. "Un œuf ! dit-il d'une voix acérée. Dans le camp !". Le camp est donc un endroit où on ne se fait pas d'œufs.
Plus encore qu’un endroit, le camp est un état.
Il ne le nomme jamais par son nom. Ca s'appelait Trebibor, Majdawitz, Soblinka ou Birkenhausen. Il dit "le camp" comme s'il n'en avait existé qu'un seul. "Après la guerre, dit-il, j'ai vu un film sur le camp. Des prisonniers étaient en train de se faire frire un œuf pour le petit-déjeuner". De la paume de la main, il se frappe le front. "Un œuf ! dit-il d'une voix acérée. Dans le camp !". Le camp est donc un endroit où on ne se fait pas d'œufs.
Finalement les Indiens ont été expulsés et mis dans des réserves: des ghettos, où ils tombèrent malades de tristesse. C'est alors qu'un pasteur blanc arriva et leur distribua des bibles.
"Vous êtes malades? dit le pasteur. Il faut prier Jésus.
- Nous adorons déjà un Dieu, expliquèrent les Indiens. C'est le Grand Souffle. C'est grâce à lui que le soleil se lève et que l'herbe pousse.
- Jésus est plus puissant, dit le pasteur, Jésus guérit.
- Ah oui? demandèrent les Indiens. Est-ce qu'il ne pourrait pas vous guérir? Vous faites de fausses promesses, vous nous volez nos terres, vous profanez nos tombes et exterminez notre peuple. Vous êtes bien plus malades que nous".
Je ne sais pas d'où ni de quoi mon père a le camp. Je crois qu'il l'a parce qu'il est différent de la plupart des gens que je connais. Comme il est différent, ma mère aussi est différente. Et comme ils sont différents tous les deux, Max, Simon et moi, nous sommes différents des enfants normaux. À la maison, on ne s'en aperçoit pas, mais à l'école, si.
Il reste debout au milieu de la pièce et fouille longuement dans ses poches, comme s'il avait perdu quelque chose. Et puis il la regarde.
"J'ai rechuté", dit-il. Elle hoche la tête.
Et il a le camp dans les pieds. Au milieu de la nuit, ceux-ci se glissent hors du lit et l'entraînent par l'escalier au bout du couloir. Nous l'entendons de loin, ouvrir et fermer les portes, ne trouvant derrière aucune d'elles le calme qu'il recherche.
Ce livre raconte les conditions de vie très dures dans les camps d'extermination durant la seconde guerre mondiale. Il est raconté du point de vue de la fille du héros du livre, quand elle était petite, dans les premières années qui ont suivi son retour comme rescapé du camp. Il était résistant et a été fait prisonnier, puis déporté.
La narratrice rend compte de la difficile réadaptation à la vie normale de son père, comme s'il venait de réchapper d'une grave maladie. Il cite cette période en effet, en disant qu'"il a le camp". Ses enfants revivent les horreurs de la guerre de sa façon, à travers ses récits. Livre facile à lire, très simple, avec de courts chapitres et très émouvant.
Dieu n'est pas un homme à tout faire, dit mon père en souriant. Imagine qu'il nous obéisse au doigt et à l'oeil, ce serait une belle pagaille !