Comment vous parler d'un livre où l'on perd pied dès le début du récit ? Où l'on perd pied d'émotion comme la narratrice, Maddy... Sauf qu'elle perd pied physiquement, et nous, nous sommes au bord des pages, certes près d'elle, mais nous ne perdons pas pied de la même manière, juste une émotion, une sensation très forte, une envie d'aller plus loin, de traverser les pages et de devenir l'ami de Maddy et Dalton.
Au début du livre, Maddy et Dalton ont vingt ans. Maddy est une jeune étudiante. Le week-end, elle sert de guide de rafting sur les rivières du Wyoming. C'est aussi le métier de Dalt. Déjà ils se découvrent tous deux une passion commune...
Ainsi, ils tombent amoureux à la faveur d'une rencontre liée à leur métier commun. Ils s'aiment, leur horizon est un endroit empli de rêves et de paysages grandioses. Ils veulent vivre ensemble. Et ressentir un désir le plus ardent possible.
Ils se marient, Maddy tombe enceinte. Elle est prise de vertiges incessants. C'est là qu'on lui diagnostique une sclérose en plaques. Alors, à partir de ce jour, le ciel et la terre vont basculer dans tous les sens.
C'est tout d'abord le début de la maladie, des premiers symptômes vécus par la narratrice. Il se trouve qu'elle découvre sa maladie en étant enceinte. Ce n'est pas anodin. Ce premier enfant vient avec la maladie de sa maman. Ce n'est pas un obstacle pour le couple. Ce ne le sera jamais pour eux.
Lorsque vient sa maladie, Maddy s'en prend au ciel, à la vie, au sol qui se dérobe sous ses pieds. Elle dit pourquoi, mais elle le dit avec humour. Elle s'en prend à un quelconque Dieu. Il faut la voir l'injurier et c'est drôle. Dieu existe-t-il ? se demande t-elle et s'il existe, ce ne peut pas être une femme, ce serait trop cruel... Sans cesse, l'humour vient comme une arme, une bouée, un geste pour calmer d'autres gestes qui s'animent de manière chaotique.
Cependant, Maddy se pose des tas de questions, à commencer par la plus simple : Pourquoi ?
L'humour est là, c'est une forme d'autodérision salvatrice, je dirai heureusement, pour exorciser les maux, les douleurs, tracer aussi les chemins qu'il faut poursuivre d'une autre manière, vers d'autres méandres. C'est alors que la magie du roman opère.
Maddy et Dalt se marient, construisent une vie avec cela, c'est-à-dire une maladie qui va et qui vient, grandit, et lorsqu'elle vient elle ne prévient pas, elle fait trembler le bras, la main, le corps aussi. Le sol devient une sorte de terre qui tremble.
Lorsque se révèle la maladie de Maddy, son mari décide alors de construire une rampe à l'intérieur de la maison pour la guider dans ses pas chancelants.
Ne faut-il pas autre chose pour guider les pas, les gestes de Maddy ?
Une voisine survient, Janice, elle traverse la rue, elle vient avec sa spontanéité, sa lumière, ses mots forcément maladroits, elle vient avec un plat de lasagnes et brusquement elle devient comme une alliée, une amie, dans le cheminement bancal de Maddy. Et puis,...
Et puis je me suis attaché totalement aux personnages, à leur histoire, à ce tremblement des gestes de Maddy. Tout le récit chancelle dans ces gestes totalement incertains.
Lorsque Janice déménagera, la terre tremblera de nouveau sous les pas de Maddy.
Ce sont aussi ses enfants, Atty et Izzy. Ils grandissent dans cette histoire et nous aussi un peu avec eux. Mais c'est cet humour qui ne lâche jamais Maddy, qui la tient jusqu'au bout, debout, magnifique. Rire, bien sûr, pour faire la nique à la vie, au destin, lutter ainsi, c'est une arme.
L'amour est là aussi, entre Maddy et Dalt, l'amour comme une sorte de rempart... S'aimer dans le tremblement des gestes que la maladie rend de plus en plus visible.
Et tout est dit ici si merveilleusement, avec les mots qui nous permettent de prendre les personnages dans nos bras.
La maladie de Maddy progresse au fil du roman. Elle grandit inexorablement. Nous le savions dès le départ. Elle grandit dans la vie de Maddy, de Dalton, des enfants. Elle entre dans leur intimité. Parfois, nous voudrions nous retirer à petits pas et l'auteur a alors cette délicatesse de nous prendre la main pour faire ce pas de côté qui nous aide. Mais il nous demande en même temps de rester encore un peu, alors on ne peut pas refuser cela. Il faut le prendre comme un cadeau.
J'ai beaucoup aimé ce livre. Il est venu comme une caresse, il m'a rappelé des choses intimes que je ne pourrai dire ici, sauf brièvement, notamment le souvenir d'une soeur décédée il y a quelques années et qui luttait avec ce même humour contre la maladie ; cela existe aussi en effet dans d'autres vies.
Mon désir le plus ardent serait désormais que vous lisiez ce livre que j'ai aimé et qui m'a fait du bien, qui vous fera aussi du bien, j'en suis persuadé.
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