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EAN : 9782919139781
96 pages
Editions du Puits de Roulle (06/04/2016)
5/5   3 notes
Résumé :
La mimésis, c'est cette aptitude à intérioriser et à faire sien le monde extérieur, au moins par la représentation. Bien sûr, les phénomènes de reconnaissance et d'empathie mutuelles, de vécu par procuration en autrui - cet autre « je », sont particulièrement identifiables dans les sociétés humaines, mais s'appliquent également entre individus de toute autre espèce du règne animal. La mimésis permet aussi d'établir un véritable sentiment de sympathie et de familiari... >Voir plus
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Que lire après Mimésis : Intersubjectivité et relation socialeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Trop de gens se branlent en essayant de comprendre ce qu'est une synchronicité. En voilà une qui va vous éclairer : je venais à peine de conclure les Souvenirs d'un pas grand-chose de Ch. Bukowski lorsque, ouvrant Mimésis, je tombai sur une citation d'un de ses lointains cousins, Vladimir Boukovsky du nom. Vlad, dissident émérite de la période soviétique mais aussi adversaire des mouvements pacifistes des démocraties occidentales devait faire figure de sacré emmerdeur, comme son cousin. En parlant de l'Europe, il a même déclaré : « J'ai vécu dans votre futur, et ça ne marche pas ». Charles, lui, a carrément été embarqué dans ce futur à l'âge de trois ans, lorsque ses parents l'ont emmené découvrir le rêve américain. Ses écrits n'ont depuis lors cessé de confirmer la vision de Bouko.


Pour revenir aux sources du contrat social, Sylvain Fuchs part d'un postulat qui rappelle beaucoup la théorie du stade du miroir de Lacan :


« Tout le paradoxe du sujet conscient de soi vient du fait que pour affirmer son autonomie et son existence, c'est avant tout face aux autres ou face à ce qu'il n'est pas qu'il doit le faire. Cette découverte de soi dans le regard de l'autre pose ainsi toute l'ambivalence de l'affirmation. Pour m'affirmer en tant qu'autonomie, il doit y avoir en moi quelque chose de l'autre, et cette présence de l'autre en moi, en même temps qu'elle rend possible cette affirmation le contredit dans les termes, la déstabilise immédiatement dans sa suffisance définitive. »


Lacan disait de manière similaire que le sujet fonde son identité à travers le regard et la nomination de l'autre, ce qui implique que cette identité est fondamentalement négative puisque la validation par le regard de l'autre ne fait entrer le sujet dans le monde symbolique qu'en lui soustrayant une part de réel qu'il ne retrouvera jamais. C'est en tout cas ainsi qu'on se figure les choses, même si personne ne peut en témoigner. En échange, le désir naît et tourne autour d'un mystère irrésoluble : que me veut l'autre ? que puis-je lui donner sans avoir l'air de me donner surtout quelque chose à moi-même ? puis-je devenir celui qu'il attend que je sois pour qu'il m'appartienne enfin ? Ces questions fondent le souci même du névrosé : croire vouloir combler l'autre et dénier qu'on ne cherche avant tout qu'à se combler soi-même. Charité bien ordonnée…


Sylvain n'aborde pas la question d'un point de vue psychanalytique. Ce n'est que ma mauvaise manie de décrypter toute chose par cette petite lorgnette. Sylvain aborde la question en faisant se répondre les points de vue social, politique et économique. Il se fonde sur la théorie mimétique et explique la possibilité du pouvoir d'untel sur les autres par son art à savoir se faire passer pour objet désirable en affichant de la confiance et de l'autosuffisance (cet art est d'ailleurs plus souvent comparable à de l'improvisation en état hypnagogique). Ainsi, un sujet peut devenir un modèle pour les autres, « non pas pour ses qualités intrinsèques, mais pour son seul statut manifesté d'individu suffisant ». D'ailleurs, ce sont toujours les mêmes cons qui se présentent aux élections présidentielles ou qui veulent passer dans une émission de téléréalité - ce sont toujours les mêmes cons assez cons pour ne pas anticiper que les autres vont effectivement faire d'eux les cons de service.


On pourrait se dire que le principal, c'est que ça fonctionne. Si tout le monde est content et se soumet instinctivement à la loi mimétique du plus fort, ça roule. Cependant, la concorde forcément partielle qui naît de ce phénomène entraîne sa part de discorde : il faut évacuer les tensions soit dans le groupe (c'est le bouc-émissaire qui prend tout) soit à l'extérieur du groupe (et c'est la guerre). Une autre façon moderne d'évacuer la tension consiste à retourner la violence contre soi-même (c'est ce qui fait la joie du névrosé).


Sylvain remonte le temps pour nous narrer les différents systèmes mis au point par l'humanité pour renforcer le lien social par l'évacuation contrôlée de la violence. Certains nous feront rire, d'autres un peu moins : ce sont ceux qui nous sont les plus proches. le conflit devient d'autant plus abstrait que le temps passe. le conflit se politise et la carte se morcelle en un nombre croissant de territoires qui ne veulent partager aucune frontière avec les autres. La société est ici envisagée comme un système dynamique dont l'équilibre est précaire. Un peu de trop similarité et le système devient comme mort. Au contraire, un peu trop de diversité et c'est l'anarchie. Les utopies communiste et nationaliste font porter l'espoir d'un « retour brusque à une société simplifiée et ordonnée » mais personne ne sait ce qu'est au juste une telle société. L'être humain peut s'inspirer des fonctions de l'organisme pour créer des institutions, des lois et des processus qui, à l'échelle sociale, pourraient faire fonctionner un ensemble, mais ils oublient que les fonctions physiologiques semblent posséder une intelligence qui nous fait défaut : celle d'oeuvrer dans le sens de l'homéostasie organique. Or, qui d'entre nous aimerait sacrifier ce qu'il croit posséder de libre-arbitre s'il s'agit avant tout de préserver l'homéostasie d'un système social qui ne nous prodigue rien en retour ?


Comme dirait Erich Fromm, le problème ce n'est pas l'accentuation de ce que l'on appelle l'individualisme mais c'est de n'avoir insufflé que du vent dans cet individualisme. L'individualisme ne désigne ainsi rien d'autre qu'un individualisme creux de consumérisme : nous pouvons faire vraiment tout ce que nous voulons de notre vie mais il nous faut tout de même veiller à choisir entre la proposition 1, la proposition 2 ou la proposition 3, et n'oubliez pas qu'on ne ferme pas l'oeil et qu'on va vous demander des comptes régulièrement. Et si on s'était gourés sur ce qu'est véritablement l'individualisme ? Et si le vrai sens de l'individualisme était la fin du moi et le début du sujet ?


« Les deux grands écueils qui menacent les sociétés occidentales sont l'anthropologisation des enjeux et l'appauvrissement de la pensée dans des schémas dualistes », écrit Sylvain – et ces deux grands écueils me semblent constitutifs de l'impossibilité du faux individualiste à reconnaître qu'il ne maîtrise pas tout, ce qui autorise l'inconscient à revenir dans le réel sous la forme de sales tours du destin. Les symboles du Yin et du Yang et du triskèle sont glissés entre les pages de Mimésis pour nous suggérer une nouvelle manière de nourrir notre point de vue conscient. Sylvain invite à une compréhension élargie du logos qui ne s'intéresserait pas seulement aux rapports entre l'homme et le divin d'une part et entre les hommes entre eux d'autre part, mais aussi au rapport des hommes envers la nature que nous avons délaissée comme inférieure, primitive, ignare (pures projections ?). La conclusion de Mimésis me semble rejoindre le message des Dialogues avec l'Ange rapportés par Gitta Mallasz : le plus bas est en relation avec le plus haut et l'homme se trouve au centre des manifestations. C'est son devoir de relier ce qu'implique chacune des sept manifestations du cosmos. le plus haut se résout quant au plus bas, et celui qui se trouve au centre harmonise les forces. C'est une drôle de chose de s'imaginer que le monde peut être ainsi fait mais c'est l'idée la moins folle qui se présente à nous aujourd'hui.
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"Mimesis, intersubjectivité et relation sociale" est un essai de Sylvain Fuchs, jeune auteur découvert sur Babelio.
En partant du principe de mimétisme et de la relation du bouc émissaire expliqué par les écrits de René Girard, Sylvain Fuchs apporte une analyse sur la société à travers les époques, avec de nombreuses références, pour développer certaines réflexions sur le comportement personnel .

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Dans ce court essai de 96 pages, Sylvain Fuchs nous invite à la réflexion sur notre relation à l'autre. Écrit de manière pédagogique, illustré de photos, cet ouvrage s'adresse à tout public en apportant une vision d'ensemble pertinente sur le sujet.
Lien : http://www.annagaloreleblog...
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
La façon de concevoir son rapport à l’autre est déterminante dans la forme sociale qui émerge au sein d’une communauté humaine. Dans la société traditionnelle africaine, Thomas Mur nous expose cette relation en termes de liens moraux, contractés les uns envers les autres au fil des services rendus et des dettes mutuelles tacites qui en découlent. Ainsi, le statut social de la personne dépend en grande partie de sa capacité à assis-ter autrui, notamment sur le plan matériel puisque la question des ressources se pose avec beaucoup plus d’acuité en Afrique qu’en Europe. L’homme de statut social élevé n’accumule donc pas de richesses comme sous nos latitudes, puisqu’il consacre ce qu’il gagne à pourvoir aux besoins de ceux qui n’ont pas ses aptitudes et son talent. Son habileté, son intelligence et sa magnanimité font de lui un chef, un guide et un arbitre reconnu au sein de la communauté.
L’interdépendance des individus est vécue comme un état de fait dans la société béninoise, lors-qu’en Occident elle est perçue comme un fardeau potentiel dont il faut s’alléger ou se débarrasser.
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Tout le paradoxe du sujet conscient de soi vient du fait que pour affirmer son autonomie et son existence, c’est avant tout face aux autres ou face à ce qu’il n’est pas qu’il doit le faire. Cette découverte de soi dans le regard de l’autre pose ainsi toute l’ambivalence de l’affirmation. Pour m’affirmer en tant qu’autonomie, il doit y avoir en moi quelque chose de ‘autre, et cette présence de l’autre en moi, en même temps qu’elle rend possible cette affirmation le contredit dans les termes, la déstabilise immédiatement dans sa suffisance définitive.
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Considérons désormais que, dans ce triangle de la rivalité et du désir, l’élément objet soit confondu avec l’un des deux sujets. Cela est rendu possible si l’un des sujets manifeste une certaine confiance en soi, signe d’autosuffisance. Alors, la rivalité mimétique se transforme en l’aspiration de l’un des sujets à rejoindre l’autre sujet-modèle qu’il prend pour exemple, pour but à atteindre, non pas pour ses qualités intrinsèques, mais pour son seul statut manifesté d’individu suffisant : c’est la stratégie narcissique, consistant à attirer à soi le regard envieux des autres, justifiant a posteriori et de façon autoréalisatrice la valeur de soi que l’on a eu le souci d’afficher. Ainsi, la confiance en soi attire les éléments de contexte permettant de se renforcer d’elle-même tandis que, de la même façon, la mésestime de soi attire les regards d’opprobre conduisant à une dépréciation encore plus grande.
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Cette dissipation du lien communautaire pourrait être à l’origine d’une certaine dépression sociale, allant du désengagement civique jusqu’à la dépression tout court, en passant par un sentiment diffus de solitude qui tend à se généraliser à l’instar des antihéros qui peuplent les romans de Houellebecq.
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[…] si les sociétés européennes peuvent sembler particulièrement avancées sur les questions de tolérance, la reconnaissance d’un « droit à la différence » pour autrui n’implique par forcément la réciproque de sa part, sauf à considérer que ses catégories soient nécessairement les nôtres, ce qui revient à paradoxalement… nier son altérité !
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