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Céline Zins (Traducteur)
EAN : 9782070401994
309 pages
Gallimard (02/04/1997)
3.46/5   34 notes
Résumé :
Cinq nouvelles composent L'oranger. Cinq récits qui vont des souvenirs et réflexions post mortem de Jeránimo de Aguilar, l'un des protagonistes de la conquête du Mexique, à la pérennité imaginaire de Christophe Colomb, survivant jusqu'à nos jours, en passant par les démêlés des fils d'Hernán Cortés, le siège de Numance par Scipion l'Africain et les mésaventures d'un acteur américain qui raconte comment il est mort de plaisir en compagnie de sept putains dans le golf... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
( El naranjo)
C'est un recueil de cinq nouvelles ; cinq récits très différents ; un point commun : un lien avec l'Espagne, symbolisé par l'oranger, arbre répandu en Espagne mais aussi en Amérique ; symbolisant ici le métissage et l'essor d'un « Nouveau Monde ».
Le premier récit, celui qui m'a le plus intéressé, nous montre les démêlés de Jerónimo de Aguilar, qui fut le premier interprète officiel de Hernán Cortés, le conquistador lancé à la conquête du Mexique, avant de devoir affronter la célèbre « Malinche » qui deviendra à la fois la maîtresse de Cortés et son interprète officielle.
Aguilar qui va retrouver « le camp espagnol » après avoir été captif pendant longtemps des Indiens Mayas du Yucatan, alors que son camarade de captivité, Gonzalo Guerrero, refusera de rejoindre ses anciens « camarades » et restera dans « sa nouvelle vie d'Indien ».
Une nouvelle poignante qui nous montre aussi les dernières heureuses du dernier empereur de l'empire mexicain, à savoir Guatinozín, neveu par alliance de l'empereur Moctezuma.
Une deuxième nouvelle nous montre les deux fils de Hernán Cortés, l'un légitime et l'autre issu de son union avec la célèbre « Malinche », Native du Mexique et qui lui a servi d'interprète.
Une troisième nouvelle étonnante, nous relate les campagnes des Scipion contre Carthage, l'Espagne étant à l'époque une plaque tournante dans la lutte qui a opposé les Romains aux Carthaginois.
Les deux dernières nouvelles m'ont paru moins convaincantes, il s'agit des mésaventures d'un acteur américain à Acapulco et d'une nouvelle « fantastique » nous montrant Christophe Colomb revenant chez lui en Espagne, après cinq cents ans d'exil.
Une oeuvre originale et qui met en relief tout le talent de Carlos Fuentes, fils de diplomate, diplomate lui-même puisqu'il fut ambassadeur du Mexique en France de 1975 à 1977.
Carlos Fuentes qui a enseigné aussi aux Etats-Unis et qui nous a quittés récemment.

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Planté au carrefour des cinq histoires qui composent ce recueil, l'oranger est le symbole rémanent d'un métissage auquel Fuentes attribue les vertus d'une altérité idéale et universelle, qui brasse les hommes et les cultures dans les grands flux cycliques de l'Histoire.

"Le destin de tous les empires était déjà écrit, pour toujours, sur les murs du festin de Balthazar"
S'emporte Fuentes par la bouche de Jeronimo de Aguilar, le narrateur de la première nouvelle. Les châtiments de la vanité se répètent depuis Babylone, et les empires qui lui succèdent sont des oriflammes pour l'inépuisable orgueil des hommes, coupables et prisonniers d'une faute originelle enracinée dans la morphologie de l'histoire voulue par Oswald Spengler.

L'Oranger parle à la première personne, et imagine un dialogue d'outre-tombe entre les protagonistes secondaires d'une Histoire passée à la gouache du romantisme:
Jerinimo de Aguilar donc, échoué sur les côtes du Yucathan en 1511, est d'abord séquestré par les Mayas locaux avec son compagnon Gonzalo Guerrero, puis s'adapte à ce nouvel état de nature avec plus ou moins de fortunes.
Cortés les découvre lors d'une escale en 1519, et emmène Aguilar vers Tenochtitlan… Quant à Guerrero, El Renegado, l'homme a maintenant le visage tatoué, et s'est totalement fondu dans la culture locale. On admet avec indulgence qu'il est à l'origine des premiers métisses du nouveau monde.
Quel rôle pour Aguilar? Embarqué dans l'épopée tragique d'un génie dévoré par l'ambition, il est aux premières loges de la chute pathétique de Moctezuma: Il a appris la langue des Mayas, le Yucatèque, or Cortés s'est également assuré les services d'une jeune indienne, La Malinche, la traîtresse des origines, qui parle cet idiome aussi bien que le nahuatl, soit la lingua franca de l'empire Aztèque.
Ces deux accidentés du destin vont brièvement former un couple aux abois mais déterminant, une sorte d'interprète bicéphale qui va passer toutes les conversations entre espagnols et aztèques au filtre de leurs jugements.
Les idées commencent à se métisser, en quelque sorte, et c'est bien sûr la langue, la parole, qui est le vecteur contagieux de ce processus. Tenir ce levier parmi d'autres octroie sans doute quelques pouvoirs sur la marche des évènements, et ces deux-là se sont regardé les traduire avec des mots.
Une idée semblable traverse Les Deux Numances, histoire de la résistance, du siège, et de la chute d'un lieu où se réalisa peut être la singularité espagnole.
Scipion, petit-fils de l'Africain, y dresse un siège en forme d'oxymore: Il entoure la ville d'une fortification qui épouse parfaitement son périmètre, ne laissant qu'un espace étroit correspondant à la superficie de la ville, piégée dans la contemplation de son propre reflet panoramique. Les défenseurs mourront tous de faim, et sur la place de la ville un oranger offrait ses derniers fruits aux conquérants venus de Rome.

L'auteur s'amuse de ces ironies de l'Histoire sophistiquées, qui semblent s'épanouir dans l'improvisation d'acteurs parachutés dans des scènes baroques en cours d'écriture.
Le procédé narratif qu'il met en place peut sembler artificiel et pompeux à la longue, mais le "Je" déclamatif sur lequel il repose revendique un certain lyrisme, une interprétation romantique et idéaliste des interférences qui ponctuent l'histoire, et résonnent parfois à l'unisson.

"Le biographe n'a pas à se préoccuper d'être vrai; il doit créer dans un chaos de traits humains. Leibnitz dit que pour faire le monde, Dieu a choisi le meilleur parmi les possibles. Le biographe, comme une divinité inférieure, sait choisir parmi les possibles humains, celui qui est unique."

Ainsi s'achève la préface aux Vies Imaginaires de Marcel Schwob, et c'est probablement sur ce terreau que pousse l'oranger de Carlos Fuentes.
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Un conquistador qui ne veut pas conquérir le Mexique – un conquistador qui a eu deux fils, tous les deux nommés Martin, l'un né d'une Indienne, l'autre d'une Espagnole – un général romain (Scipion l'Africain pour ne pas le nommer) qui veut conquérir les Espagnols pour « civiliser ces barbares » – un acteur hollywoodien qui se rend à Acapulco pour noyer son désespoir – un marin génois qui prend pied sur une terre inconnue… Toutes les époques se bousculent allègrement dans ce recueil de nouvelles du grand écrivain mexicain Carlos Fuentes pour mieux souligner ce qu'elles ont en commun : la présence d'un oranger qui traîne quelque part, symbole des origines, des perpétuels recommencements et du retour aux sources.
Carlos Fuentes aime jouer avec la langue : non seulement il l'emploie avec truculence, mais il montre aussi sa grande importance dans la construction de la nation mexicaine. de doña Marina, dite la Malinche, l'Indienne qui livra au conquistador Hernan Cortés ses dons de traductrice et son corps pour qu'il puisse écrire le roman de la nouvelle nation en train de se faire (on considère que de leur union naquit le premier Mexicain de l'histoire) – à la pratique de l'albur, cette forme de calembours à double sens typique du Mexique, qui sert plus à cacher qu'à communiquer (hello Octavio Paz) et est employée comme un langage codé et une joute verbale, un espace de liberté et un moyen compensatoire que les dominés retournent contre les dominants (classes populaires vs. riches, « tiers-monde » vs. « gringos », femmes vs. hommes) et contre eux-mêmes : la nation mexicaine s'invente, justifie son existence ou au contraire s'humilie grâce à une trame complexe de discours, de mythes et de mots-clés. Maîtriser la langue, c'est la clé du pouvoir.
Dans ces nouvelles on croise l'utopie à la Rouge Brésil de Rufin, voire même l'uchronie (et si les choses s'étaient passées dans l'autre sens…) – les morts nous parlent depuis l'outre-tombe pour nous délivrer leurs leçons de vie, à la mode baroque – le péché des origines de la nouvelle Ève mexicaine (doña Marina) pèse sur tous ses descendants – la mer, immense et insondable, receleuse de trésors et d'illusions perdus, pont entre les cultures, est très présente – et entre le Mexique et les Etats-Unis se joue tout le drame des « deux Amériques » antagonistes, l'une craignant toujours d'être phagocytée par l'autre – mais les jeux restent ouverts et les issues nous surprennent toujours.

Ma nouvelle préférée est celle qui ouvre le recueil : « Les deux rives » commence par la fin supposée de l'histoire pour revenir vers le début, puis dériver vers une issue complètement inattendue. Une nouvelle longue qui nous tient en haleine sur les intentions du narrateur et nous force à réfléchir sur le caractère non inéluctable de la conquête de l'Amérique. J'ai beaucoup aimé croiser à plusieurs reprises le personnage de doña Marina, complexe et attachant par sa voracité à vouloir assimiler la langue et la culture de l'Autre, terrorisée par la cavalcade des chevaux, ces animaux inconnus des Indiens, dédaignée enfin par Cortés.
Ce recueil est un excellent moyen de découvrir Carlos Fuentes, que je préfère en nouvelliste qu'en romancier. Avec des références tant à Cicéron qu'à Yeats, Pasolini ou aux premiers chroniqueurs de la conquête, on sent que l'écrivain a mûri une longue quête sur les racines collectives de son peuple, tout en l'ouvrant sur l'universel.
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Il y a une folie dans ce livre qui me rappelle celle du film Sur le globe d'argent (de Zulawski). Cinq récits qui se suivent et qui relatent à travers les siècles la cupidité des hommes, leur folie destructrice auxquelles l'auteur oppose la reproduction bienveillante de la nature (l'oranger) qui donne à tous où qu'il soit planté. Folie car le récit se veut épique dans la mesure où les rares personnages clefs sont noyés dans un fleuve historique qui les dépasse tous et qui les emporte ; il n'y a en effet que des noms de lieux, des nationalités (les Mexicains, les italiens...), des filiations (moi fils de ... dont le grand-père était...), des descendances (car mes fils...), etc. Les hommes sont dépassés par l'histoire des luttes, des conflits - et sont vite remplacés par d'autres acteurs (et ce, en quelques pages ou paragraphes par moments puisqu'une page peut relater un siècle de luttes selon les récits). A travers ce fleuve historique, les quelques narrateurs constants à travers les récits relatent leur angoisses existentielles à travers des envolées lyriques teintées de névroses obsessionnelles.

Il y a des passages qui confinent au génie ; impossible d'oublier les descriptions somptueuses des différents anus des putains que l'Apollon a pu observer et goûter. Impossible d'oublier la description d'une discothèque où la DJ est comparée à blanche neige ; impossible d'oublier la dernière nouvelle du récit où nous avons l'impression qu'un marin (du 18ème siècle) sort de sa chaloupe pour fouler une île qu'il appelle les Antilles, où il veut rester sans la dévoiler à ses contemporains - alors que ceux pour qui ils travaillent vont y implanter des banques, des hotels, des casinos où seuls les riches pourront venir vivre afin de fuir les pays que le libéralisme a détruit (nous découvrons alors que nous sommes en plein 20ème siècle!!). Que de passages mémorables. A lire d'urgence !
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Quelle découverte! Je parle de celle de l'Amérique. Christophe Colomb, les grands navigateurs - les naufrages et les mutineries - tout ça, la conquête de l'Ouest, enfin de l'Ouest après l'Atlantique. L'émerveillement devant des peuples nouveaux et si différents - leur massacre parce que vraiment ils sont trop différents - et l'or abondant - et les maladies vénériennes! Whaouh!

Même moi dont les connaissances historiques se résument à 1492 et 1789 j'ai craqué pour ces nouvelles érudites. Ce Carlos là a du style. Plus que l'autre, le gros barbu bisouilleur.

Ce sont donc cinq nouvelles, moins deux que vous pouvez boycotter, que je vais vous présenter:

[...]

Apollon et les putains

A partir de là, ça se gâte. Je vois le titre. Puis je vois "DC-9", "compagnie Delta" et "aéroport" et je subodore qu'on a changé non seulement de lieu mais aussi d'époque et que ça ne va pas être aussi érudit. Puis un mec du show-biz meurt sur un bateau, en pleine érection, entouré de sept putes qui ne savent pas naviguer et finissent par lui bouffer les testicules... Et là je me dis que je suis vraiment une fille pleine d'intuition. Et que le ***** qui a inventé la notion de "recueil" de nouvelles aurait mieux fait de s'abstenir. D'accord, il y a un oranger, comme dans les trois récits précédents...Mais euh? qu'est ce que ce texte fiche ici?

Les deux Amériques

Ouf! On retourne chez les grands navigateurs! Christophe Colomb dans des pages d'un lyrisme touchant nous dépeint son Nouveau Monde idyllique. Je me pense sauvée! Las! vingt pages plus loin, mon Christophe ne tarde guère à être alpagué par... par... j'ai presque honte de le dire... Par des nippons à mallettes noires et pompes en croco qui lui font signer un contrat pour son petit coin de paradis et s'empressent d'y construire des hôtels... navrant.

[...] Suite sur le blog Talememore
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Je dis que je parle l’espagnol. Mais je dois avouer que moi aussi je dus le réapprendre, car après huit années de vie parmi les Indiens, j’avais failli le perdre.
Avec la troupe de Cortés, je redécouvrais ma propre langue, celle qui avait coulé dans ma bouche des seins de ma mère castillane, puis j’appris le mexicain, afin de pouvoir parler avec les Aztèques.
La Malinche me battait toujours d’une longueur.
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Il faut apprendre à se souvenir du futur et à imaginer le passé. À cette fin se trouve avec nous le poète Lucilius, car la poésie est la lumière qui découvre la relation entre toutes les choses et les relie entre elles. La rhétorique crée l'histoire, mais c'est la littérature qui la sauve de l'oubli. Et, parfois, lui offre l'éternité.
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Je n’ai pas appris d’emblée l’idiome mexicain. Mon avantage initial était de parler l’espagnol et le maya, acquis pendant mon long séjour parmi les Indiens du Yucatán.
Doña Marina – la Malinche – ne parlait que le maya et le mexicain quand elle fut livrée à Cortés.
De sorte que pendant un temps je fus le seul à pouvoir traduire la langue de Castille.
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Nous entrâmes dans cette vie naturellement, parce que nous n'avions pas d'autre horizon, certes, mais surtout parce que la douceur et la dignité de ces gens nous séduisirent. Ils possédaient si peu, et pourtant ils ne désiraient pas plus. Jamais il ne nous racontèrent ce qui était arrivé aux habitants des splendides cités, pareilles aux descriptions bibliques de Babylone, qui veillaient comme des sentinelles sur les tâches quotidiennes du village [...] nous en conclûmes que les nations indiennes s'étaient entre-détruites tandis que les peuples avaient survécus, plus fort dans leur faiblesse que les puissants.
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Je signai, hébété, tous les contrats concernant les débits de boissons et de poulet rôti, les stations-service, les motels, les pizzerias, les marchands de glaces, de journaux, de tabac, de pneus, d'appareils photo, les supermarchés, les automobiles, les yachts, les instruments de musique et plus d'et cetera que tous les titres des rois d'Espagne pour lesquels j'étais parti à la découverte de nouveaux mondes.
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Vidéo de Carlos Fuentes
Mercredi 20 octobre 2011, Carlos Fuentes reçoit les insignes de Docteur Honoris Causa.
Biographie: Né en 1928 à Panamá où son père était alors Ambassadeur du Mexique, Carlos Fuentes est un des plus grands écrivains du XXe et du XXIe siècle. Sa pensée et son œuvre romanesque ont largement influencé les écrivains et les intellectuels espagnols et latino-américains contemporains. Catégorie Éducation Licence Licence de paternité Creative Commons (réutilisation autorisée)
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