J'aime le cinéma de Samuel Fuller, ses films de guerre ( Au-delà de la gloire, Ordres secrets aux espions nazis ), ses films noirs ( Les Bas-fonds new-yorkais ). Il ne carbure pas à l'eau tiède, et il a toujours pris de la distance avec le cahier des charges hollywoodien du lisse et du consensuel.
J'ai jadis vu
Shock Corridor, film dérangeant s'il en est, scénarisé et réalisé par ses soins. J'ignorais qu'il existait une novelisation, signée
Michaël Avallone, prolifique auteur de pulp. Apparemment Fuller qui n'était pas au courant, a rué dans les brancards et obtenu que son nom figure sur la couverture. Après tout, c'est à lui que l'on doit l'histoire et les dialogues de cette immersion déplaisante dans l'univers des hôpitaux psychiatriques. le thème n'est pas nouveau, la pionnière du journalisme « en immersion », la remarquable
Nellie Bly , l'a déjà fait en 1887 dans
10 jours dans un asile. Alors sortons la camisole et voyons ce que vaut ce brûlot édité dans la Noire.
Johnny Barrett est un journaliste qui vise le Pulitzer. Pour résoudre une énigme digne de Rouletabille, l'assassinat d'un patient dans un hôpital psychiatrique, il se fait admettre dans l'asile en prétextant être sexuellement attiré par sa soeur. Sa complice et « soeur » Cathy, est réticente: «
Mark Twain n'a pas eu besoin de psychanalyser Tom Sawyer rétorqua-t-elle. Dickens n'a pas fait raconter ses rêves à
Oliver Twist sous prétexte que celui-ci avait faim. C'est la personnalité de l'auteur qui fait ce que vous appelez dans votre jargon « la bonne copie ». »
Assez rapidement, Barrrett trouve trois témoins du meurtre, et pas des moindres: un activiste noir qui se prend pour un suprémaciste blanc, un scientifique spécialisé dans l'atome, et un ancien GI retourné par les vietcongs qui croit être un général sudiste.
Bien évidemment, l'environnement anxiogène, et le fameux couloir central de l'hôpital vont avoir une influence néfaste sur l'état mental du journaliste.
Autant le film de Samuel Fuller était politique, mettant l'accent sur les grands maux de l'Amérique, le racisme, le maccarthysme, la course effrénée à l'armement, la soif de gloire, autant le roman m'a semblé mettre l'accent sur l'enquête et l'aspect sinistre de la psychiatrie. L'hôpital n'est plus un endroit où l'on prend soin des patients, mais une rue sans issue gérée par des imposteurs en blouse blanche incapables de détecter un journaliste qui simule mais qui peuvent détruire les esprits sains. A lire et à voir donc.