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EAN : 9782253904618
638 pages
Le Livre de Poche (01/01/1999)
4.43/5   7 notes
Résumé :
Tout est grand dans le Grand Siècle, la France, son roi, son Eglise, ses armées, ses arts. Et pourtant, de toutes les voix qui nous parviennent de cette époque imposante, la plus modeste, la plus retenue, est aussi la seule qui n'a jamais cessé d'émouvoir, au point de se fondre dans le folklore de l'enfance et les lieux communs de notre langue : c'est celle de Jean de La Fontaine dans ses Fables. Payant le prix d'avoir ému tout un peuple depuis trois siècles, La Fon... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Marc Fumaroli évoque dans ce livre Jean de la Fontaine, connu maintenant essentiellement comme fabuliste. Mais il ne s'agit pas à proprement parlé d'une biographie, les événements de la vie de l'auteur du Loup et l'agneau ne sont évoqués que de loin, et uniquement lorsqu'ils sont indispensables pour appuyer le propos de Marc Fumaroli. Cela réserve l'usage de ce livre aux personnes qui ont déjà une certaine connaissance de la vie De La Fontaine, sans quoi il serait parfois un peu ésotérique. L'ouvrage est davantage un essai, dont le but semble être de comprendre, de donner sens à l'oeuvre, de la placer dans un contexte, d'où le titre qui mentionne le roi, Louis XIV, aussi bien que le poète.

Marc Fumaroli oppose le Parnasse à l'Olympe, ce que l'on pourrait traduire par une opposition de l'art, et tout particulièrement de l'art poétique, au pouvoir. Son hypothèse est que la Fontaine est l'auteur de son époque qui illustre le mieux cette opposition, voire cette résistance au pouvoir absolu en train de se mettre en place. Et qui prétend également réglementer et instrumentaliser les artistes, en particulier par le système des pensions, ainsi que par l'assignation d'un rôle de glorification du monarque. Il décrypte donc les écrits De La Fontaine en grande partie dans cette perspective, ôtant aux Fables leurs oripeaux de petites pièces charmantes réservées avant tout aux enfants, et mettant à nu leurs cruautés et leur vision tout sauf riante de la nature humaine et du monde.

Marc Fumaroli aime visiblement énormément la Fontaine, et déteste aussi vivement Louis XIV, et le modèle politique qu'il a instauré. A ce dernier, il oppose la figure de Fouquet, qui d'après lui, laissait entrevoir une coexistence harmonieuse du Parnasse et de l'Olympe, une célébration qui n'est pas une flatterie boursoufflée et creuse. Ce qu'il appelle le coup d'état de 1661 marque pour lui le début de la fin d'un monde, celui de la Renaissance, dont la Fontaine serait le dernier représentant, résistant à l'instauration de la monarchie absolu et à la philosophie et science de Descartes, qui annoncent une vision du monde toute différente. L'arrestation de Fouquet serait une rupture de l'harmonie, entre les artistes et le pouvoir politique, mais aussi au-delà, entre le pouvoir politique et la société dans son ensemble. Elle n'est qu'une première étape pour un pouvoir politique qui devient de plus en plus répressif et tentaculaire, avant qu'il ne se lance dans diverses guerres, qui brisent aussi l'harmonie entre les nations.

Une des conséquences de ce pouvoir qui prétend régenter et décider de tout, serait au final un asséchement de l'art. Marc Fumaroli considère que les oeuvres essentielles de l'époque n'ont pas été produites à la cour : la Fontaine bien sûr, mais Mme de Lafayette, Mme de Sévigné, le cardinal de Retz, Fénelon ont écrits leurs oeuvres en dehors. Ils considère que les deux seuls grands artistes officiels sont Molière et Racine. Or pour ce dernier, on sait qu'il a arrêté d'écrire pour le théâtre, une fois devenu historiographe du roi. Ce qui fait un maigre bilan.

Le livre apporte incontestablement des pistes intéressantes pour lire l'oeuvre De La Fontaine.
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J'aime le jeu, l'amour, les livres, la musique
La ville et la campagne, enfin tout ;
il n'est rien qui ne me soit souverain bien
Jusqu'au sombre plaisir d'un coeur mélancolique

Notre culture poétique, nos réminiscences scolaires, sont imprégnés des oeuvres de cet homme. Parfois incapables de dire les textes en leur entier, nous les reconnaissons pourtant dès les premiers mots.
L'auteur est une mine pour les professeurs en mal de sujets de dissertation...

La Fontaine est c'est homme là, l'homme qui aime Boccace, l'Arioste et par-dessus tout Montaigne.
L'homme dont les amis s'appellent Madame de Sévigné, La Rochefoucauld, Madame de la Fayette. Un écrivain lié à la vie intellectuelle et politique de son temps.

Laissez vous emporter par la plume savante de Marc Fumaroli, vous découvrirez un La Fontaine inconnu, un homme qui « a été l'objet d'amitié encore plus que d'admiration », dont Léon-Paul Fargue disait : « un ami de tout les instants ; qui pénètre le coeur sans le blesser. »

Ici pas de parcours biographique classique, on est d'emblée confronté à l'évènement majeur pour La Fontaine : l'arrestation de Nicolas Fouquet, son mentor, le mécène auprès de qui il fit ses premières rimes.
Immédiatement le ton est donné car La Fontaine bravant l'autorité toute neuve de Louis XIV, va tenter de défendre Fouquet avec une belle détermination et un certain courage.
La Fontaine était en bonne compagnie à Vaux le Vicomte comme pensionné du surintendant, tout ce que la France comptait d'artistes de valeur est là, Poussin et le Nôtre, Molière et les frères Corneille.
Le procès de Fouquet que La Fontaine estime inique est pour lui l'occasion de s'élever avec talent contre l'arbitraire royal. On peut presque dire que le procès, voulu par Louis XIV, a participé à la naissance de l'écrivain !

L'homme se fait ainsi quelques ennemis et en particulier Colbert qui a maintenant la haute main sur les largesses en faveur des écrivains.
La Fontaine va passer sa vie sans être admis à la cour et revendiquant de manière très prudente mais permanente, la liberté de l'artiste face à l'autorité de l'Etat.
Son langage, ses écrits seront donc un perpétuel pied de nez aux grands, aux vaniteux, un pied de nez teinté d'érudition, d'inspiration des poètes antiques, préférant l'insinuation et la malice à la diatribe hargneuse.
Ses amis seront en même temps ses soutiens financiers, Madame du Bouillon, Madame de la Sablière permettent à son talent de s'épanouir tout en lui assurant une indépendance d'esprit, soutiens qui lui permettront de n'avoir jamais à glorifier le roi comme le fera un Racine avec son apologie de Louis XIV.

On voit se dessiner le portrait d'un homme qui a le goût du bonheur, qui aime le « gai savoir ».
Ses contes puis ses Fables vont le rendre célèbre, même Colbert finira par s'incliner en l'acceptant à l'Académie Française.
Le poète que l'on imagine la fleur à la bouche, dilettante de génie, volage à l'occasion est en fait nous dit Marc Fumaroli un philosophe épicurien, adepte de l'amitié à la manière d'un Montaigne
« En dépit de la douceur que La Fontaine avait imprimée à sa prose et à sa poésie, il était clair qu'elles émanaient d'une arrière boutique toute franche construite sur le même modèle que celle de Montaigne. »

'est l'indépendance conservée qui va lui permettre de composer ses fables« quintessence de poésie, fruit de l'expérience d'un artiste qui n'avait écrit qu'après avoir passé la quarantaine : une goutte de miel, un grain d'encens, qui donnait saveur et parfum à tout le livre »

Des textes simples en apparence, mais c'est une simplicité trompeuse :

« J'ai fait parler le loup et répondre l'agneau.
j'ai passé plus avant : les arbres et les plantes
Sont devenues chez moi créatures parlantes. »

Les mots sont parfois féroces vis-à-vis du pouvoir mais comment pourrait-on le reprocher à la fourmi, la cigale et autre belette.
Le ton est parfois cinglant, cruel, la langue est d'une telle élégance qu'elle sert de masque aux propos.
Ses amis s'amusaient à mettre un nom derrière l'animal, à deviner la cible des attaques, riant des ruses de la Fontaine pour dire sans dire et mettre les rieurs de son côté.

Superbe livre, où Marc Fumaroli sait nous faire le tableau de cette période qui est un tournant important dans la vie politique de la France, pour lui La Fontaine est le dernier des poètes De La Renaissance, à la sortie du livre les critiques ont vu en lui un Saint Simon moderne et cela lui va bien.

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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
La Fontaine avait trop le sens de l'instant, de sa fugacité, mais aussi de sa plénitude latente, qui peut étoiler le temps, pour accepter sans protester qu'on voulût priver ses contemporains de ce qui donne à l'instant sa suprême et singulière intensité, et la fait partager : la réverbération et la coïncidence, dans une goutte de temps, d'instants limpides fixés depuis l'Antiquité dans les formes et les fables mnémotechniques de la poésie ; elles revivent dans cette rencontre et lui prêtent leurs résonances. La poésie est d'autant plus immédiatement libératrice qu'elle vient de plus loin avec plus de mémoire, elle est sortie du temps dans le temps.
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La Fontaine a chanté le sommeil, la volupté, la solitude, le loisir et pour comble, comme pour faire mieux valoir tous ces luxes contemplatifs, il a gravé à jamais dans les esprits un tableau du monde des passions et des intérêts aussi captivant en surface que terrifiant en profondeur.
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A la grandeur de Molière travaille sa Maison, Boileau peut faire valoir son autorité de Législateur du classicisme, Racine ses succès devant le roi à Saint-Cyr, Bossuet l'éclat de ses oraisons funèbres à Notre-Dame. Tous participent à la grandeur de l'Etat. Tous sont des monuments. La Fontaine n'est qu'un "bonhomme".
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J’ai fait parler le loup et répondre l’agneau.
j’ai passé plus avant : les arbres et les plantes
Sont devenues chez moi créatures parlantes.
Jean de La Fontaine
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En dépit de la douceur que La Fontaine avait imprimée à sa prose et à sa poésie, il était clair qu’elles émanaient d’une arrière boutique toute franche construite sur le même modèle que celle de Montaigne.
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Videos de Marc Fumaroli (8) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marc Fumaroli
Cette émission "Une Vie, une Œuvre", consacrée à Boèce, dans laquelle intervient Marc Fumaroli, est diffusée le 11 juillet 1991, sur France Culture, et réalisée par Françoise Estèbe et Isabelle Yhuel. Autres invités : Philippe Hoffman, Colette Lazam, André Miquel et Michel Onfray.
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