Si vous êtes fâchés (ou allergiques) avec les récits décalés et/ou les corbeaux, mieux vaut sans doute éviter
Soundtrack (encore que...).
Ce roman éclate les genres littéraires.
Furukawa Hideo mêle avec l'ardeur d'un savant fou uchronie, Robinson Crusoe version junior, réchauffement climatique, yakuzas, danse et j'en passe.
L'auteur casse les structures narratives linéaires avec des rythmes syncopés, des changements de ton et de langage très subits, des sauts d'un point de vue à l'autre (et même celui des corbeaux! ) avec des plans plus panoramiques. Il y a un côté cinématographique dans son écriture. Il véhicule des images très fortes, souvent déstabilisantes.
Son ouvrage, qu'il considère lui-même comme le point de départ de son combat littéraire, offre également une vision terriblement prémonitoire d'un Tokyo ravagé par un réchauffement climatique. Flore et insectes tropicaux pullulent, détruisant l'écosystème originel. Comme mis en parallèle, la question des immigrés qui viennent disloquer et détruire les fondements de la nipponité est un des thèmes majeurs de cette histoire. S'y oppose un nationalisme exacerbé pour un Japon pur (on retrouve dans la bouche de ces extrémistes les arguments facho-bellicistes qui eurent cours pendant les décennies impérialistes de la première moitié du XXème siècle).
Tour à tour cru ou emporté dans des élans mystiques,
Furukawa Hideo a un style bien à lui, particulier certes, et qui ne peut guère laisser indifférent son lectorat. Ses personnages sont aussi décalés que le contexte et les événements. La bien-pensance, le conformisme et l'ultra consumérisme japonais en prennent un coup. Tout n'est pourtant pas absolument noir puisqu'il survit toujours un esprit de solidarité, d'amitié, de résistance. Les principaux protagonistes sont unis par un rejet d'un système hypocrite, conformiste et destructeur. Face aux menaces et aux dangers, ils réagissent avec leurs propres armes, leurs propres convictions. Des sortes d'archanges du chaos agissant pour une cause qui les dépasse.
J'ai beaucoup apprécié de me laisser emporter par le maelström romanesque de Furukawa, même s'il faut s'accrocher(un grand huit littéraire). Et j'ai grande envie de découvrir ses autres oeuvres.