Paul Fustier a le mérite d'éclairer le travail éducatif en s'appuyant sur les écrits de Mauss relatif au don, c'est-à-dire en choisissant d'opter pour une approche ethnologique et non pas psychanalytique comme c'est souvent le cas en France. Il ne néglige pas non plus d'utiliser la sociologie, faisant parfois référence à Bourdieu. Son analyse me parait pertinente pour comprendre la relation éducative, au sein d'une institution, car le don, une fois défini, matérialise l'interaction, entre l'éducateur et la personne accompagné, en la plaçant dans une perspective plus large que la strict question du transfert (que bien sur il ne nie pas) c'est-à-dire l'histoire personnelle. le lien d'accompagnement est un ouvrage intéressant pour tous les professionnels de l'éducation et pour tous ceux qui s'intéressent à ce domaine.
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Bourdieu montre bien que le don génère du lien : "Le don cesse d'être un objet matériel pour devenir une sorte de message qui crée un lien social, unissant les échangeurs ". Cette analyse attribue au don une valeur performative. Il est message, mais ce message ne se contente pas de dire, il agit, il transforme ; quand il est prononcé, il n'est pas seulement une information, il crée le lien.
Le militantisme permet à l'individu d'être unifié, référé à une seule cause, identifié à celle-ci. Si l'on utilise le modèle que Freud emploie, notamment pour analyser les liens entre les membres d'une institution et un leader, on pourrait dire que la cause prend la place du leader, tous les militants d'un mouvement l'ont en commun, chacun a mis dans la cause une part de son idéal du moi [...] D'où ce que Chouvier appelle le "paradoxe de l'identité militante" : identifié à la cause, le militant n'est pas reconnu comme personne, il est individu interchangeable représentant d'un choix générique, il tend à devenir un anonyme.
p.24 : "Nous aurions donc, grâce aux études de Hyde sur les religions, un premier modèle institutionnel disponible : ce qui se passe à l'intérieur de l'institution (en tant qu'elle est communauté), les échanges entre personnes et notamment entre usagers et professionnels, relèveraient de la socialité primaire, donc de l'échange par le don. Ce qui concerne la face externe de l'institution, ce qu'elle donne à voir d'elle-même pour l'extérieur relèverait au contraire, de la socialité secondaire, et de l'échange économique."
p.28 : "La triple obligation : "L'échange par le don, nous dit Mauss, suppose trois obligations : on est obligé de faire des cadeaux, on est obligé de les accepter, on est obligé de rendre." "
p.100 : "Bourdieu montre bien que le don génère du lien : "Le don cess d'être un objet matériel pour devenir une sorte de message qui crée un lien social, unissant les échangeurs." "
p.133 : "Ceci nous amène à considérer qu'il y'a deux niveaux de professionnalité : une "professionnalité niveau 1" qui est définie par le contrat de travail et les actes qu'il suppose, une "professionnalité niveau 2" que nous nommerons plutôt "métaprofessionnalité" et qui comprend la professionnalité niveau 1, tout en la débordant. Une métaprofessionnalité rend le professionnel capable de laisser venir, de contenir et de mettre au travail des situations (comme la tisane) qui sont hors "professionnalité niveau 1" : il s'agit de leur donner un sens, répondant à l'objectif du professionnel (ici soigner), donc de les intégrer dans une position soignante."
Carrino explique que ce sont essentiellement les conditions de vie en société qui génèrent de la souffrance psychique (qu'il s'agisse du fonctionnement des écoles primaires, de l'organisation du travail en entreprise, de la vie de quartier). Traiter la souffrance psychique c'est revenir à la source de celle-ci, au politique, et avoir un combat militant.