Louis Gagné, libraire québécois passionné de livres, signe ici son premier roman aux éditions le Quaternaire. Un roman noir, sombre et brumeux comme un jour de novembre. A Ludovica, tout n'est que grisaille et tristesse.
Dès les premières lignes, on croise une vieille femme qui a perdu l'esprit. Puis un chômeur passionné de cravates, des dobermans agressifs, une jeune femme qui accouche dans une gare, un étrange collectionneur d'oeuvres d'art,... Chaque tableau que nous peint l'auteur montre une facette erratique de cette ville singulière où les drames semblent le lot quotidien.
Le narrateur, Boniface Saint-Jean, quinquagénaire taciturne fraichement licencié, ne sait comment occuper ses journées. de cimetière en église, des ruelles de Ludovica à d'étranges bâtisses, il erre sans but au gré de rencontres fortuites. Au fil de ses errances, il semble perdre la tête, s'attarde à des signes, à l'envers du décor. Une chose l'obsède, cette femme croisée six ans plus tôt, qu'il ne secourut pas alors qu'elle était sur le point d'accoucher. Cet homme nous décrit des scènes irréelles, entre rêve et réalité. On n'est jamais sûr de ce qu'on vient de lire, plongé dans un espace-temps onirique déstabilisant.
Louis Gagné nous fait entrer dans un univers unique, inquiétant et mystérieux où la beauté de la langue accompagne notre errance. Ludovica, nom que Champlain aurait aimé donner à Québec, est une ville fantasque où personnages et lecteur se perdent dans l'imaginaire de l'auteur. Entre beauté et laideur, bien et mal, on avance en équilibre instable sur les bords du fleuve des Enfers. Chacun y puisera ses propres sensations, ses réponses à ses questionnements. Plusieurs lectures sont possibles ; à chacun de trouver la sienne.
Un style original et pur au service d'une langue soignée.
Louis Gagné a réussi à m'intriguer et à me séduire.