"Il fait bon écouter les fabliaux, Messires. Si le conte est joliment fait, on oublie tout ce qui est désagréable, même les douleurs du corps, même les souffrances du coeur, même les injustices des méchants."
(Courtebarbe, "Les trois aveugles de Compiègne")
Courtebarbe est toujours dans du vrai, malgré les huit siècles qui nous séparent. de nos jours encore, il fait bon se divertir avec un "conte joliment fait", en ouvrant, par exemple, ce petit recueil de fabliaux.
Et tant mieux s'ils datent du 13ème siècle, cette "obscure" époque moyenâgeuse, quand les braves gens n'avaient pas encore besoin d'un "coach" pour les aider à saisir la moralité cachée dans l'histoire. Quand ils devaient faire appel à leur jugeote, leur propre bon sens, et leur humour. Et nul besoin de faire ensuite des "analyses" de ces farces racontées par des saltimbanques, car malgré un scénario parfois tordu, leur message final ressort toujours aussi clairement que l'eau de roche.
Cette édition annotée et quelque peu "adoucie", destinée aux collégiens, m'a fait parfois penser aux contes paysans ou aux paraboles bibliques. Mais contrairement aux sobres histoires de la Bible, les fabliaux sont racontés en langage populaire (parfois assez crû), sont pleins de facéties et souvent très cocasses. Bref, c'est marrant et ça vous fait cogiter.
La plupart datent de cette époque prospère sous le règne de Philippe-Auguste et de Saint Louis. le mot vient du latin "fabula", qui signifie tout simplement "récit" ou "histoire". Souvent raconté par la bande de jongleurs itinérants à la fin de leur spectacle, il fait rire au dépens des autres, mais pas seulement. Un peu de morale ne peut pas faire de mal.
Le mari et sa femme, curé et évêque, seigneur et manant, marchand, aubergiste... une panoplie complète de l'époque, parfois agrémentée par l'apparition de saints ou de diables.
Quel plaisir pour les bonnes gens d'écouter une de ces histoires au retour du marché et d'avoir l'impression de rire de tel ou tel voisin qui se croit malin, mais qui se fait rouler par plus futé que lui. de se moquer de la gourmandise d'un curé qui finit dans les ronces. Quel soulagement de voir que même les saints ont des vices, et que le Diable n'est pas aussi rusé qu'il paraît.
Ces troupes de comédiens n'étaient pourtant que des interprètes, comme ils l'avouaient volontiers. A l'exception de quelques noms -
Jean Bodel, Rutebeuf ou Courtebarbe (des clercs instruits, mais souvent pauvres) - leurs auteurs restent anonymes.
Tout comme les gens qui déposent leur surplus livresque dans les boîtes magiques, où j'ai piqué ces fabliaux. Mais, tout comme pour ces moralités drôles, les exceptions existent ! Alors, merci, E. Robuchon, 4ème E; même si je n'ai pas vraiment exploité tout le dossier pédagogique de ton vieux bouquin de collège. Mais après tout, rien ne m'empêche de "mettre en scène la poursuite du curé par Gombault", n'est-ce pas ? Ni de "chercher les similitudes avec notre époque".
PS : Celui qui n'aime pas le fabliau "Le vilain mire" est vraiment un vieux croûton !