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Citations sur Un coup de hache dans la tête (10)

Aussi étrange que nous apparaisse la folie, elle ne nous est jamais tout à fait étrangère.
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Le monde du langage, ce que notre cerveau a rendu possible au cours de l'Évolution, c'est de suspendre le temps plutôt que le voir défiler. En la matière quelques secondes constituent déjà une éternité.
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Dans cette seconde hypothèse, c'est l'effort d'intelligence qui rendrait vulnérable à la dépression. La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil : cette maxime de René Char, répétée à l'envi, en serait une possible illustration. Celui qui regarde le monde avec les yeux de l'intelligence est un être blessé. Il s'expose à la chute d'Icare en brûlant ses ailes à la chaleur du soleil. Pourquoi ne pas privilégier cette lecture des possibles liens de causalité entre dépression et trajectoire exceptionnelle, la seconde déterminant la première plutôt que l'inverse? Plus fondamentalement, nous pouvons nous interroger sur le passage de la corrélation à la causalité : l'existence d'un lien entre deux phénomènes (ce qui n'est pas même évident en l'occurrence pour ce qui est de la dépression et de la créativité) n'implique pas que l'un soit la cause de l'autre.
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Ce que consacre la schizophrénie, c'est ce pouvoir qu'ont les hommes de construire la réalité. Elle met en scène le jeu infini du langage, dans un univers diffracté par son ambiguïté intrinsèque.
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Ce que révèle crûment l'usage du langage dans la schizophrénie, c'est la nature même du langage. Son ambiguïté tout d'abord, que le contexte peut venir lever. La schizophrénie vient perturber cette prise en compte du contexte, et plus précisément la prise en compte de l'intention de l'interlocuteur.
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(p. 64)
Il se peut en effet que le lien de causalité établi de l'un à l'autre ne soit pas pertinent, mais que l'une et l'autre de ces caractéristiques traduisent un ferment commun. Pourquoi pas un tempérament, d'ailleurs, dans le droit fil de la pensée d'Aristote. Dans cette hypothèse, ce n'est donc pas la dépression qui fait les grands hommes, pas plus que les grandes trajectoires individuelles ne font le lit de la dépression. Il existerait plutôt un déterminant commun à la dépression et à ce qui rend les hommes exceptionnels, pour reprendre les mots d'Aristote.
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Alors que chez le singe les phénomènes de synchronisation entre neurones distants garantissent une forme de solidité de l’échange, chez l’homme la quantité d’informations échangées est plus importante mais elle est moins fiable. En substance, notre cerveau a renoncé à la robustesse pour privilégier la quantité d’informations codées.

Chez le singe, il existe donc des mécanismes de vérification de l’information transmise entre neurones distants du fait d’aller et retour rapides entre ces différents neurones. Chez l’homme, la lourdeur de ces vérifications est réduite, pour permettre d’échanger davantage d’informations entre neurones distants. Quel est l’effet d’une telle évolution, privilégiant la quantité d’informations échangées sur la robustesse de ces informations ? Les chercheurs israéliens y voient un avantage crucial, celui d’une plus grande flexibilité et donc d’une meilleure adaptation à l’environnement. Mais ils soulignent également que cela pourrait ne pas être étranger aux troubles mentaux : renoncer à la robustesse pourrait avoir un lien avec la vulnérabilité aux troubles mentaux.

Ainsi notre cerveau a-t-il subi de profondes transformations, pour le meilleur essentiellement, mais non sans inconvénients. Vulnérabilité à certaines maladies classiquement liées au vieillissement, fragilité des informations échangées entre neurones, les performances de notre cerveau nous exposent à des risques. Tout se passe comme si la machine avait été poussée à un tel point de surrégime que des failles ont fini par surgir. À certains égards, les capacités prodigieuses de notre cerveau l’exposent à un bug, comme on le dirait d’un ordinateur dont la mémoire de travail est saturée. Notre cerveau rencontre ainsi certaines de ses limites : il ne se supporte plus.
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(p. 67)
Nous observons aux siècles suivants les réminiscences de ce lien entre folie et inspiration, et ainsi il n'est pas selon Diderot de grand artiste sans "un petit coup de hache dans la tête" :

"Nos qualités, certaines du moins, tiennent de près à nos défauts. La plupart des honnêtes femmes ont de l'humeur. Les grands artistes ont un petit coup de hache dans la tête; presque toutes les femmes galantes sont généreuses; les dévotes, les bonnes même ne sont pas ennemies de la médisance, il est difficile à un maître qui sent qu'il fait le bien, de n'être pas un peu despote. [...]".

"Né du même œuf, avec des goûts différents" : ce que Diderot souligne en citant Horace, c'est la matrice partagée de la folie et de l'inspiration, leur commune origine sous le sceau d'un déséquilibre que consacre leur énergie.
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pour rendre compte du trouble il faut penser possible cet envahissement, et c'est précisément ce qu'un système clos a vocation à interdire. En somme il faudrait se garder de toute pureté, du corps comme de la pensée, pour penser le trouble...Nombreux sont les raisonnements et théories qu'il nous faudra fréquenter pour mener notre réflexion.
Aucun et aucune ne sauraient résoudre parfaitement notre égnime, sous peine d'en annuler les termes: la condition du trouble. De sorte qu'il nous faudra accepter et même revendiquer de n'y jamais vraiment parvenir.
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Nous attendons ainsi de nos patients qu'ils puissent créer, comme si leur folie devait s'accomplir par des actes de création. Au-delà de la question du statut de l'art brut, c'est cette exigence vis-à-vis des patients qui doit nous inquiéter : celle d'une forme de créativité. De sorte que ceux-ci se voient frappés d'une double peine : les affres d'un trouble mental en même temps que l'impératif d'en faire quelque chose. Malheur à celui qui se contente de souffrir sans y trouver la matière d'une oeuvre! Aussi évidente que puisse sembler cette double peine en tant que telle, elle infiltre bien des attitudes dans le champ de la santé mentale. Je prétends même qu'elle colore inévitablement le regard porté sur la réalité des hôpitaux psychiatriques. La fascination pour la folie se double ainsi d'une immanquable déception, celle de ne pas voir la psychiatrie accompagner ses patients dans leur vocation d'artiste.
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