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EAN : 9782823608359
384 pages
Editions de l'Olivier (14/01/2016)
4/5   25 notes
Résumé :
En 1912, le SS City of Birmingham approche des côtes indiennes. À son bord, le jeune romancier Edward Morgan Forster, qui écrira plus tard "Route des Indes" et "Maurice". E.M. Forster laisse derrière lui la bourgeoisie anglaise à laquelle il appartient, et ses compagnons d'écriture Virginia et Leonard Woolf, Henry James, D.H. Lawrence. Dans l'autre monde des colonies, il part chercher l'inspiration et ce qu'il n'ose s'avouer : plus qu'une amitié, l'amour de ceux qu'... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Damon Galgut, romancier sud-africain, écrit le roman vrai d'un autre romancier, E.M. Forster, auteur de la Route des Indes et de Maurice. Se fondant sur toute la documentation disponible, il s'assure une solide base factuelle et biographique, mais s'attache à imaginer les pensées, les paroles et les sentiments de Forster, qui devient du même coup un personnage romanesque.

Forster voit le jour et vit dans l'Angleterre victorienne et édouardienne, et ne parvient pas, lui qui aime les hommes, à s'épanouir dans ce pays-là. Bien sûr, la morale puritaine joue son rôle répressif, mais ce qui frappe dans ce livre, c'est la rigidité d'une hiérarchie sexuelle et sociale qui rappelle les castes indiennes. Ce système non seulement empêche toute mobilité, mais aussi tout contact entre les gens de classes différentes (en dehors des relations avec la domesticité). On comprend mieux, alors, que l'obsession de Forster, tout au long de sa vie, fut de "nouer le contact" en transgressant les barrières sociales. A cette époque, les homosexuels sont pourchassés moins pour des raisons religieuses et morales, comme aujourd'hui en terre musulmane, ni par souci d'hygiène, mais par respect des stratifications de classe : les rapports de police du temps insistent sur le danger que ces hommes font courir à la société, en se mêlant les uns aux autres sans tenir compte des barrières de caste. L'exemple de Carpenter, bourgeois déclassé (utopiste tolstoïen) vivant à la campagne avec un ouvrier, résume bien la question : il s'agit moins de moeurs sexuelles que de relations de classe.

La solution, pour Forster comme pour tant d'autres, ce sont les colonies d'Orient, espaces non européens lointains où ils croient pouvoir vivre de nouvelles relations. L'Inde britannique joue ce rôle libérateur, magnifiquement illustré, au début du roman, par l'officier Kenneth Searight, qui rappelle Victor Segalen à Tahiti. Seulement, le fait colonial édifie de nouvelles barrières, que la grande amitié entre Forster et Massood ne parviendra jamais à abattre vraiment. Si l'Inde est depuis l'antiquité le pays des castes, on sait que l'administration britannique donna à cette hiérarchie une rigidité qu'elle n'avait pas auparavant. Avant les Britanniques, l'Inde se divisait entre musulmans dominants et Hindous dominés : ce n'était pas non plus une partie de plaisir, mais on comprend mieux la nostalgie des Indiens musulmans "colonisés" comme Massood, et dépouillés de leur autorité. Par ailleurs, le séjour de Forster en Egypte pendant la première guerre mondiale, au service de la Croix-Rouge, l'aida à sortir quelque peu de la solitude affective et physique absolue qui a marqué sa vie entière.

E.M. Forster est un écrivain : que dit Damon Galgut de cet aspect de son personnage ? Presque rien au début : on dirait que ses livres sortent naturellement de lui, qu'ils s'éditent tout seuls et sont lus et appréciés indépendamment des relations de pouvoir propres aux milieux de l'édition. L'auteur se penche un peu plus sur l'écriture de la Route des Indes, mais ses pages ne sont guère convaincantes, et la réception d'un tel livre dans l'Angleterre des années 20 n'est pas examinée : il y a de bonnes et de mauvaises critiques, voilà tout, comme si le roman de Forster n'avait posé nul problème politique aux Anglais et aux Indiens cultivés. Quant à Maurice, sa création se fait sous le manteau, l'auteur est violemment critiqué par les amis homosexuels à qui il en fait lire des pages, et sa publication, des années plus tard, sort du cadre que le biographe s'est imposé : son récit s'achève, à peu près, à la parution de la Route des Indes.

On trouvera donc de belles atmosphères, de brèves et intéressantes rencontres littéraires (D. H. Lawrence, Léonard et Virginia Woolf, Constantin Cavafy), un récit passablement intéressant et instructif.
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Edward Morgan Foster ? Un écrivain britannique du début du XXe siècle qui serait largement méconnu s'il n'y avaient eu les adaptations cinématographiques de trois de ses romans par James Ivory : Chambre avec vue, Retour à Howard's End et Maurice. Auxquelles s'ajoute un merveilleux film de David Lean : La route des Indes. La longue genèse de ce dernier livre de Forster ainsi que les voyages en Inde de l'auteur constituent la trame essentielle de L'été arctique de Damon Galgut qui court entre 1912 et 1924, soit deux dates : celle du départ du romancier anglais vers l'Inde puis celle de la parution de son livre phare. Durant ce laps de temps, dans une biographie qui s'autorise une large part de fiction, crédible car très documentée, Galgut raconte les rencontres et les tourments de Forster, homosexuel qui ne parvient pas à s'assumer, vis à vis de lui même et de la société. le désir et la honte, comme deux sentiments qui cohabitent dans l'esprit d'un homme à la recherche d'un équilibre qu'il ne parvient jamais à trouver. Damon Galgut, dont a apprécié les romans sud-africains, a littéralement investi l'âme de son personnage, dans ses pensées les plus intimes, dans un style alerte, parfois ironique, toujours terriblement lucide. Cela vaut aussi pour le deuxième grand thème du livre : les clivages sociaux, particulièrement accentués dans la colonisation britannique, qui déterminent des règles infrangibles.Mais Forster, à sa façon, est un rebelle, qui méprise la prétendue supériorité des anglais face à des "indigènes" auxquels il donne son amitié et davantage si les affinités le permettent. Bien entendu, il y a une forme de leurre dans cette attitude, les différences de culture et de pensée ne pouvant s'effacer malgré la volonté maladroite de Forster. de manière inconsciente, celui-ci se nourrit de ses expériences, de ses aventures amoureuses le plus souvent malheureuses pour construire les bases de ce qui deviendra La route des Indes. Ce sera son ultime roman alors qu'il vivra encore de longues années, jusqu'en 1970. Qu'aura t-il gardé de l'Inde et de ses aventures sentimentales ? le livre de Damon Galgut n'en dit rien, cela ne lui appartient plus. Entre autres qualités, L'été arctique donne envie de lire les livres de Forster, sachant maintenant qui était l'homme, complexe, qui est caché derrière.
Lien : http://cin-phile-m-----tait-..
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Titre original, Arctic Summer, à ne pas confondre avec Arctic Summer, roman ébauché de E.M Forster.
Damon Galgut s'attaque à un monument, le personnage de E.M Forster : il l'esquisse, l'ébauche, le sculpte, le dessine, l'affine, le peaufine. Approximations et fausses routes, allers vers l'avant, retours en arrière, reniements, engouements, déceptions… Arctic Summer offre un portrait très subtil et profond de la solitude de l'écrivain. Solitude en général, puisque c'est apparemment le propre de l'écrivain de ne pas trouver sa place dans le monde et de s'y sentir en constant porte-à-faux. Pire encore quand l'écrivain est un homosexuel qui peut d'autant moins assumer son homosexualité qu'on est en Angleterre au début du 20ème siècle. S'ajoute à ça, ou plutôt préexiste à ça le carcan de la réalité sociale : les gens de son rang évoluent au coeur d'un sytème de castes, où la hiérarchie et les appartenances se lisent en fonction des clubs, des collèges, des cercles fréquentés. Galgut explore brillamment le dédale ou labyrinthe de ce qu'il convient de faire ou pas, de taire ou dire, à qui le taire et à qui le dire… Toute la société est verrouillée et sécrète à l'infini les codes de la convenance et de la pensée correcte à tous les niveaux. Sans compter l'omniprésence d'un mère qui doit absolument être épargnée de tout contact avec la réalité de ce que vit, ressent, éprouve son fils. C'est donc ce qui anime tout le livre : la quête douloureuse de quelqu'un à qui parler en son âme et conscience, quelqu'un à aimer corps et âme. L'affaire se complique encore dans la confrontation avec l'Inde, où s'ajoute le système colonial et le sytème des castes, doublé de la partition religieuse (hindous/mahométans). Forster en effet, sur la foi d'échanges un tant soi peu authentiques avec Massood, étudiant indien à Cambridge (ou Oxford) s'est pris à rêver d'une autre vie, une vie où il serait en harmonie avec lui-même et avec l'homme qu'il aime. Il entame donc le voyage en Inde. Mais en fait d'authenticité, il rencontre en Inde un homme fuyant, incernable, appartenant d'abord à son pays, son métier, son milieu, et à une société encore plus rigide. le système britannique sécrète sa domination et ses propres castes tandis que les Indiens sécrètent les leurs : deux systèmes de rigidité qui se juxtaposent et se renforcent quand ils ne s'affrontent pas. Forster traverse l'Inde comme dans un rêve, ou un brouillard, où rien ne s'agence jamais comme il l'a imaginé ou pensé, où les connexions attendues ne se font pas ou se défont. L'Inde est trop complexe et déroutante. Il n'y comprend rien, ou plutôt, il lui faut le temps du recul et de l'élaboration pour « digérer » le choc de ce continent et l'expérience de lui-même. Tout ce qu'il absorbe - une infinité d'impressions, d'anecdotes, de rencontres, de paysages, de situations, de réflexions sur la manière d'être des Anglais et des Indiens - sera la matière du livre à venir, La Route des Indes.
J'aime beaucoup ce roman, son intelligence de l'intimité d'un homme et de la complexité du monde, et la peinture de la dynamique de réagencement permanent de l'articulation entre « moi et le monde », l'intime et le sociétal.
Pour une étrange raison, l'exemplaire que j'ai lu (acheté sur internet via un site de librairies) vient d'une bibliothèque, avec la mention infamante « EXCLU DES COLLECTIONS ». Quel bizarre et tragique destin, alors qu'il s'agit d'un grand roman. Je me demande d'ailleurs ce qui a conduit à cette exclusion. le simple fait de ne pas être emprunté ? Beurk. Ils auraient mieux fait de le lire et de conseiller la lecture de cet excellent écrivain sud-africain, auteur également de L'Imposteur, excellent roman, également puni : il "a fait l'objet d'une élimination des collections du réseau des bibliothèques de la Communauté d'Agglomération Paris-Vallée de la Marne".
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Vraiment intéressant quand on veut mieux connaître Morgan Forster et la genèse d'au moins deux de ses romans, Maurice, écrit en 1913, 1914 et travaillé tout au long de sa vie, mais publié en 1971, après la mort de Forster, et Route des Indes...

Je l'ai lu alors que je ne connaissais pas bien encore la biographie détaillée de Forster... celui des écrivains de Bloomsbury que je connaissais le moins bien (comparé à Virginia Woolf...) c'était aussi un des plus discrets, peu bavard, selon les dires de Virginia Woolf dans son Journal.

Et puis, on suit Forster à Alexandrie, où il travailla pour la Croix Rouge, et où il rencontra son premier amour (qui mourut très jeune de la tuberculose...) il rencontra aussi Constantin Cavafis, (on peut croiser ce récit sur les visites à Cavafy avec les poèmes traduits par Marguerite Yourcenar et Constantin Dimaras) , avec l'illustration des poèmes de Cavafis par David Hockney et enfin, avec l'évocation qu'en fait André Aciman dans la toute dernière partie de "Trouve moi" - "Da Capo" - ...

Reste le long séjour en Inde, qui inspira Route des Indes à Forster et qui lui assura la célébrité, mais qui fut bien difficile à écrire. Forster lui-même n'était pas très fixé sur ce qui avait pu se passer dans les grottes de Marabar.

Et puis aussi, le roman de Galgut revient assez longuement sur la relation de Forster avec Edward Carpenter et George Merrill, à Millthorpe. Visité en 1913.
Forster lui-même explique dans la postface à son roman Maurice (uniquement dans l'édition anglaise... malheureusement), que le personnage d'Alec Scudder, le garde chasse (panique) du château de Penge, est une "émanation" de Millthorpe, comme le garde chasse de Lawrence et de lady Chatterley.

Un roman intéressant pour qui se passionne pour la vie et l'univers de Forster... :-)
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Lu en 2016. Damon Galgut s'est basé sur des sources fiables pour construire cette biographie romancée de E.M. Forster, auteur de sept romans, de récits de voyages et de nombreuses nouvelles.
Le récit relate les différentes pérégrinations de Morgan à travers l'Inde puis l'Egypte, sur environ 19 années (à partir de 1912). Mais ce livre raconte surtout la quête identitaire d'un homme, de tribulations en déconvenues, de découvertes en explorations (certaines très intimes), de doutes en révoltes... avec l'écriture comme le seul exutoire possible, salvatrice !
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critiques presse (2)
Telerama
10 février 2016
Un beau roman qui interroge la solitude et l'homosexualité inavouée de l'auteur de Route des Indes.
Lire la critique sur le site : Telerama
Liberation
08 février 2016
L’Américain Damon Galgut signe une biographie romancée de E. M. Forster en pastichant l’écrivain anglais.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Dans le noir, il était revenu sur son geste, assailli par une nouvelle vague de honte. "Aïe, aïe, aïe ! C'était terrible - avoir tant désiré, avoir été rejeté aussi nettement." La nuit et la terre se répandaient autour de lui, exacerbant sa fragilité. Il s'était ouvert en deux, avait montré ce qu'il avait de plus secret ; un acte imprudent, stupide, et regrettable. Il devait maintenant se refermer, sceller la carapace, et il entreprit de faire le nécessaire. Cela relevait d'une volonté d'être joyeux développée dès l'enfance, une protection contre la déception. La raison était le seul moyen de défense contre le sentiment nu, à l'état brut. Comprendre aidait à supporter la tristesse.
p.92
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Il dépendait moins de la bonne opinion des autres pour se sentir complet. Et il ne pensait plus avoir droit au bonheur : il le savait réservé aux forts.
p. 173
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