Je me demandais comment commencer une chronique de ce roman dérangeant, le titre de ce roman en anglais « The good doctor », littéralement le bon docteur me la donne en m'ayant immédiatement fait penser à
Albert Schweitzer que l'on qualifiait ainsi dans mon enfance. Celui qui fut surnommé « le bon docteur de Lambaréné » (au Gabon) est depuis, assez controversé. Les bons sentiments se heurtent souvent aux préjugés, ne surmontent quasiment jamais l'Histoire avec un grand « H ». Personnage adulé et mythifié en France à l'époque, « son oeuvre » est aujourd'hui jugée plus sévèrement.
Nous ne sommes pas au Gabon, mais en Afrique du Sud dans la période qui suit la fin de l'apartheid.
C' est un peu comme une parabole qui tourne autour d'une question cruciale pour la vie sud-africaine à ce moment : qui a menti à qui - sur la politique, sur le changement, sur l'espoir, sur le passé et l'avenir ? En d'autres termes, quelle part de la vérité inconfortable les gens peuvent-ils accepter - et à quoi cela servira-t-il ?
Au-dessus de ce beau roman plane un air de colère retenue et tout le début du roman est d'une langueur mélancolique surprenante.
L'homme « encalminé » ici est Frank Eloff, médecin dans un hôpital oublié d'un ancien bantoustan, un « homeland » tel que les créait le pouvoir blanc du temps de l'apartheid. Ce petit ex-état a cessé d'être, il est en train de disparaître de la mémoire collective. de nouveaux dirigeants de la nouvelle Afrique du Sud gouvernent dans la capitale lointaine, et une nouvelle aube a été décrétée.
Eloff est résigné à son insignifiance confortable.
Le Dr Ngema, son patron noir, ne l'est pas. Elle récite les formules de bien-être que le nouveau régime récompense : son mantra constant est "l'innovation et le changement".
Quand un jeune diplômé passionné tombe dans ce petit monde sec et poussiéreux, il balayera les défenses que ses collègues ont si soigneusement étayées autour de leur vie pour tenir la vérité à distance.
«
Un docteur irréprochable » c'est peut-être lui, Laurence Waters, docteur « en eaux troubles » Ce bon nouveau docteur est, très vite, dérangeant et un danger pour lui-même et pour les autres.
Ce livre est une belle parabole du vent nouveau qui souffle sur l'Afrique du Sud, une lutte entre l'idéalisme et l'expérience, l'innocence et la trahison.
Chaque personnage, chacun à sa façon, est symptomatique de ce souffle de l'Histoire, jusqu'au soldat blanc ex-tortionnaire du temps de l'apartheid, aujourd'hui utilisé par le nouveau gouvernement.
Un très bon roman dérangeant et pas aussi simple qu'il y paraît.
Écrit et publié il y a près de vingt ans, je ne sais pas s'il est toujours édité, en tout cas, «
Un docteur irréprochable » de
Damon Galgut, traduction Hélène Palpot était publié aux (excellentes) éditions de l'Olivier