Le soin reste encore aujourd'hui l'art de maintenir un équilibre juste et délicat entre savoir et connaissance. Il y a peu de langues qui font la distinction entre les deux termes. Et pourtant ... (...)
Le contenu du savoir est limité et fini à son objet, même si ce dernier doit toujours être en expansion. Le savoir scientifique existe indépendamment de moi. (...) A l'inverse (...), la connaissance n'est pas circonscrite, elle laisse une part d'inconnu, d'interprétation, d'un autre possible. Elle est le fruit de ma propre expérience, de ma volonté. (...)
Autrui ne peut pas être enfermé, circonscrit par un savoir.
Il est une "infinie unité", comme nous le rappelle Emmanuel Levinas.
La rencontre, la connaissance de l'autre ouvrent à tous les possibles, les inattendus.
Une mise à distance pour une mise en perspective, une mise en liberté, une mise en responsabilité, une mise en altérité.
Retrouver un autre chemin d'Espérance, qui dépasse le simple espoir d'être guéri. Car nous pouvons être sauvés sans être guéris ...
Nous sommes des êtres sacrés dès maintenant.
Que peut signifier l'espérance quand on débarque aux urgences ?
Et moi-même, confronté à la souffrance du monde, à la succession des patients, des situations de détresse, des accidents de la vie, je pourrais me détourner pour de bon de toute forme d'espérance.
N'est-ce pas la tentation première ? (...)
Pourtant je crois fondamentalement à l'espérance.
Et même à l'espérance conjuguée au présent le plus immédiat.
L'espérance rejetée dans un futur lointain ne m'intéresse pas
Pressés par la réelle charge de travail, nous oublions que le temps de Madame B n'est pas le nôtre, nous qui la soignons en restant debout.
L'extraordinaire des malades fait notre ordinaire. Le temps du malade, de l'allongé, à la merci de notre savoir, est suspendu. Il se trouve sans rythme, il est sans fin annoncée.
A l'inverse, le temps des soignants est maîtrisé même s'il se concentre toujours un peu plus, accéléré par l'entropie actuelle sans justification véritable. (...)
La patiente - la bien nommée - à cause ou grâce à sa vulnérabilité, cherche à apprivoiser celui à qui elle va se confier.
La maladie est venue bousculer ce bel ordonnancement.
Le médecin que je suis venait de passer de l'autre côté de la barrière, en position allongée, pour faire connaissance avec la maladie dans toute sa trivialité. Je sais ce que c'est que d'observer le plafond, les ombres qui s'y dessinent, les fissures qu'on répertorie ...
Il me fallait vivre cette épreuve comme une invitation à connaître de façon incarnée ce que les patients qui me sont confiés vivent