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sur 565 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Jeanne, 42 ans, se sent heureuse. Son bonheur elle le trouve dans mille et une choses, elle l'attrape dans un rayon de soleil, dans les arbres qui valsent, dans une caresse pour son chat, auprès de son mari Rémi et ses jumelles. Jeanne semble née pour le bonheur. Comme ces êtres détachés du malheur, ceux qui ne voient que le bon côté de la vie, Jeanne est heureuse.
Dans sa petite vie bien rangée, Jeanne nourrit aussi une grande affection et admiration pour Marina Abramovic, une artiste serbe qui défie la vie et la peur. Elle inspire à Jeanne un dépassement, une profonde envie d'éloigner ses peurs. Elle lui écrit. Lettre après lettre, elle dépose son affection, son quotidien. En retour, elle lit les pensées de Marina, comme une eau vitale pour son équilibre.
Lorsque Jeanne croise un ancien amant, Martin, elle se met à douter de son bonheur, des limites de sa vie.
Si son mari est un homme gentil et débrouillard, Martin est l'homme des rêves, celui qui parle aux oiseaux, aux ruines. Quand on a déjà les poches pleines de beauté, peut-on s'autoriser à en vouloir davantage...

Claudie Gallay que je ne connaissais pas m'a étonnée, il y a cet espèce de ravissement dans les courbes de ce roman. Les phrases sont allégées de toute complication, se dégage d'elles une harmonie tout en beauté.
Je me suis sentie apaisée à lire cette beauté des jours.
Tout est dans la contemplation ici, le ressenti, les images. La folle action est intérieure, silencieuse.

C'est un roman que je conseille pour tous les amoureux et les partisants du beau.
La beauté des jours, c'est « faire de chaque jour une vie entière, et de chaque heure, un jour. »
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Je sors d'un roman intimiste qui va au fond d'un être, une femme, simple.
Mariée, deux grandes jeunes filles qui commencent à quitter le nid, un mari aimant et pas compliqué, une fratrie uniquement féminine, une mère travailleuse, une Mémé compréhensive et sage, un père incompréhensif et replié sur lui-même, une amie volcanique.
Ai-je fait le tour ?
Non.


Jeanne parait simple, mais en fait est passionnée.
Par une artiste très spéciale, Marina Abramovic, qui fait de sa vie un test sans fin de ses limites (rester le plus longtemps possible sur une croix en glace, jouer avec un couteau qu'elle fait passer entre ses doigts le plus vite possible au point de les entailler, enfin, vous voyez le genre).
Passionnée, donc, par cette artiste, qui la projette hors d'elle-même, qui la libère de sa petite vie simple.
Passionnée par les gens. Elle est postière, et même si elle est introvertie, elle adore le contact, les regards, les mains. Elle aime les membres de sa famille. Elle est humaine, serviable, compréhensive. Elle aime son amie torturée par une rupture amoureuse.
Passionnée enfin par Martin, un ancien copain d'école croisé fortuitement, qui l'emmène lui aussi au-delà d'elle-même, au risque de compromettre tout ce qu'elle a construit.


Un roman d'amour, donc. D'amour de tout. Des gens, de la vie, de la beauté des jours.
Un roman pur, qui se base sur le quotidien et s'envole dans les étoiles.


Pourtant, il m'a fallu du temps pour m'y insérer. le quotidien était trop quotidien, Jeanne trop passive. Et puis tout à coup, l'arrivée de Martin a fait sauter les barrières de la monotonie, tout en douceur, tout en pudeur, tout en retenue. de petites phrases parsemées ici et là interpellent, happent l'esprit. Ces petites phrases deviennent au fil de l'histoire des réflexions plus longues, plus nombreuses, peut-être trop répétitives.


Roman de la beauté, de l'art, des petites choses.
Roman de la famille.
Roman de la femme.
Roman de la vie.
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La vie sourit à Jeanne. Son mari est aimant et attentionné. Tous deux ont un travail stable. Leurs filles sont belles et joyeuses. Et pourtant Jeanne est tentée par d'autres rivages vers lesquels s'échouer, d'autres bras dans lesquels s'abandonner.

Pourquoi cet engouement pour une artiste serbe, Marina Abramovic, qui s'est faite connaître au monde par ses turpitudes en remède à son mal-être ? Ne vit-on bien que dans la remise en question de tout, qu'aux confins du danger ?

Son amie Suzanne vient d'être délaissée par son compagnon, son exemple pourrait inciter Jeanne à prendre la mesure de son propre bonheur. Mais quand un amour de jeunesse resurgit et vient troubler sa quiétude languide, sa vie bien réglée, trop sage, la rebute. Lui vient alors l'envie de se mettre en danger, de tout risquer, de tout perdre. Besoin d'exaltation.

Un bien beau roman dans lequel on s'incorpore confortablement. Il nous fait nous interroger sur cette folle aspiration qui laisse imaginer que le bonheur est ailleurs. Quête insensée d'un mieux qui fait oublier que le bonheur ne pourrait être rien d'autre que le malheur endormi. Qu'est-ce qui fait courir les femmes et les hommes vers un avenir supposé meilleur quand ils ne sont pas capables de goûter le bonheur du moment ?

Bouscule-toi Rémy. Sors de ta routine. Ta femme s'ennuie. Surprends-la. Mets du piment dans sa vie, dans votre vie. Les petites attentions n'en sont plus lorsqu'elles sont trop prévisibles.
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Jeanne attendait que passe le 18 heures 01. On pourrait dire que Jeanne avait une vie minuscule, comme dirait Pierre Michon. Ces petits riens dans la vie de Jeanne, sont minutieusement observés par Claudie Gallay. Ces presque riens accrochent chez Jeanne une pensée, une anecdote, une évocation qui la surprennent, son imagination décroche des images, et recréent l'histoire des passagers du soir.


Il suffirait peut-être d'un petit incident pour que la dame du 18 h 16, rencontre cet homme aux cheveux gris du 18 h 01.
Jeanne n'est pas seulement la spectatrice amusée des heures perdues, elle observe l'effervescence de tous les animaux qui gravitent dans son jardin, et comme un rite particulier le passage du renard à la fourrure rouge vers les 23 heures.

En quelques pages Claudie Gallay avec une grande minutie décrit le personnage central de ce roman. le cadre qui s'est décroché ajoute le grain de fantaisie, de cette femme si paisible, si bien rangée qui tous les jours se rend à son travail à la poste.


C'est la banalité apparente de Jeanne, et la banalité de son couple qu'elle forme avec Rémy, alors que les enfants, deux filles sont maintenant parties, c'est l'absence même d'une intrigue savante qui rend cette femme si émouvante quand elle nous dévoile le portrait de Marina Abramovic.


Quand on lit ce texte avec un peu de recul, on ressent l'amusement que suscite ce grand fou de bricolage, cet addict de l'étagère, cet expert de la peinture patinée, ce tyran de la mesure, ce paranoïaque de la place perdue. Comment accorder un peu de temps à Rémy pour des tâches qui deviennent si répétitives, que les surprises sont depuis longtemps, collées sur les murs de leur petit pavillon.


Cependant ce n'est pas une ambiance tragique qui va baigner ces 400 pages, car la magie de Jeanne, son originalité est de faire basculer la vie de sa famille vers la légèreté, grappillant ça et là, ces menus instants de liberté pour laisser son imagination la porter vers Marina.


Et d'autres moments de liberté vont la porter vers d'autres horizons, vers des audaces qui l'intimident, et qui la poussent à aller de plus en plus loin, explorer la vie, les autres à la manière de Bovary.

Entre son amie Suzanne, la vie à la ferme avec M'mé, les différents ridicules avec son collègue Nicolas, l'esprit de Jeanne vagabonde, de plus en plus souvent, avec un enthousiasme de plus en plus affirmé, jusqu'à la rencontre avec Martin un ami de jeunesse.


Il n'y a que cette femme pour surfer entre tous ces personnages, pour ne jamais les abîmer, ni les attrister, car elle possède cette farouche vertu, la délicatesse.


J'avoue que je suis rentré dans cette intrigue, à plusieurs voix, tant l'analyse de Claudine Gallais est toute en finesse. J'ai aimé ce dialogue à distance entre Martin et Jeanne, qui se sont appréciés, découverts à travers l'échange de mails, de plus en plus sincères.
Les lettres adressées à Marina Abramovic, montrent bien que Jeanne, met la juste distance entre le réel et la fiction.

C'est un jeu d'équilibre, puis une minuscule embardée qui gagnera le coeur de Jeanne. Mais elle aussi mesure, apprécie et décide ce qui est bien pour tous, page 322 : elle écrit cette citation de Marina, " les autres ne doivent rien décider pour nous."

Cette bienveillance, non pour elle-même mais pour les autres, éclate et apaise. Jusqu'au bout malgré son désir de rejoindre Martin au Japon, malgré sa rencontre avec Marina, elle reste fidèle à sa famille.

Page 344 Claudie Gallet écrit: "Elle a touché la main de la mère.
Elle l'a retenue un instant dans la sienne.
Doucement, comme on le fait d'un oiseau..
c'est l'enfance qui fait racine.
Jeanne revenait toujours à çà.
À cet ancrage."

Un quelque chose d'inoubliable beauté des jours.
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Jeanne est heureuse.
Elle vit sa petite vie entre son mari qu'elle aime, ses filles déjà grandes qu'elle adore, sa maison dans laquelle elle se sent bien. Même son métier de guichetière à « La Poste » trouve grâce à ses yeux.

Jeanne semble heureuse.
Oui, mais il y a sa famille pas idéale, ce père taiseux, cette place à part, ce lieu qui l'a faite et auquel elle revient toujours.
Il y a aussi sa fascination grandissante pour Marina Abramovic, artiste contemporaine dont les performances artistiques extrêmes sont à l'opposé de cette vie qu'elle mène.
Il y a surtout le retour en ville de son amoureux d'adolescence.

Jeanne est-elle heureuse ?
Bien sûr Claudie Gallais ne nous donnera pas la réponse. À nous de voir ce que nous retiendrons de ce temps passé avec Jeanne, de ces pages à ses côtés, parce que la vie n'est jamais tout à fait noire et jamais complètement blanche et parce que Claudie Gallais excelle dans la nuance et réussi a faire surgir la poésie en toute chose.

Un texte qui mêle avec virtuosité puissance et délicatesse et une très belle découverte pour moi…

Challenge Muli-défis 2018
Challenge Plumes féminines 2018
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Encore un roman très attachant de Claudie Gallay (cela doit être le 5ème que le lis). On suit pendant quelques mois la vie de Jeanne qui travaille à la poste d'un village à l'Est de Lyon, qui est mariée à Rémy, a deux filles jumelles, des parents qui vivent non loin de là dans leur ferme avec le chien et la M'mé. Autour de Jeanne, il y a d'autres personnages qu'on aime découvrir et voir évoluer (ou pas) comme son collègue M. Nicolas, sa voisine Suzanne, les frères Combe... Et dans sa tête, il y a aussi Marina Abramovic, une artiste plasticienne qui fait des choses bizarres dont l'audace séduit Jeanne, elle qui souffre de sa timidité. Et puis un jour elle croise, Martin, un ami d'enfance qu'elle n'avait jamais revu. Martin va-t-il bouleverser la vie de Jeanne ? C'est un des fils rouges du roman.

C'est une vie qui avance de petits pas en petits pas, racontée avec pudeur et retenue par Claudie Gallay, vie simple qui se confronte à la folie de l'artiste serbe qui hante Jeanne. Je n'ai peut-être pas été aussi emballé que par d'autres romans de l'auteur comme Les Déferlantes ou Seule Venise, que j'ai lu il y a quelques mois. Mais c'est néanmoins une nouvelle preuve de la délicatesse de cette auteure, que j'aime beaucoup.
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Jeanne a 43 ans et est assez heureuse dans sa vie. Elle est mariée à Rémy depuis 20 ans, ils sont toujours amoureux. Ils ont des jumelles de 20 ans : Chloé et Elsa, elles viennent de quitter la maison pour poursuivre leurs études.
Jeanne et Rémy vivent dans une maison agréable, avec un jardin. Rémy, chaque année, refait une pièce et entretient la maison, il a de multiples petites attentions envers elle. Ils sont heureux et mènent une vie simple entre les visites dominicales à la ferme familiale où vit la famille de Jeanne et les vacances à Dunkerque chaque été.
Jeanne est d'un naturel rêveur et contemplatif, elle regarde souvent passer les trains le soir et imagine la vie des passagers. Il lui arrive aussi parfois de suivre des étrangers dans la rue.
Sa vie semble lui convenir mais en même temps, elle aspire à quelque chose d'autre. Un jour, elle retrouve un cadre d'une photo d'une artiste performeuse qui la fascine, il s'agit de Marina Abramovic. Elle va se mettre à lui écrire et suivre ses performances sur internet. Comme une autre vie, plus aventureuse que la sienne, par procuration.
Elle va aussi retrouver un amour de jeunesse, Martin et va être tentée de changer de vie pour le suivre au Japon.
Jeanne est un peu une "madame Bovary moderne", qui rêve de vivre plusieurs vies en même temps.

C'est un roman empreint de douceur de vivre, de lenteur, dans lequel on se sent bien. Je me suis attachée au personnage de Jeanne, très bienveillant, j'ai aimé ses questionnements, je n'avais pas envie de terminer le livre tellement je me sentais bien dans cet univers.
Il ne se passe pas énormément de choses importantes, c'est plus une tranche de vie, une allégorie du quotidien. J'aime aussi le style de Claudie Gallay et sa finesse psychologique.

Un très joli roman que je conseille vivement.
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Jeanne vit près de son mari, Rémy,  ses deux filles, jumelles, Chloé et Elsa ont quitté le foyer. Elle travaille à la poste, travail sans grand intérêt où même là les tâches se répètent avec la même régularité. Elle est, pourrait-on croire heureuse, sa meilleure amie, Suzanne, vit dans la même rue qu'elle et sa vie est rythmée par le passage des trains au bout du jardin.

Mais Jeanne a des passions : les palindromes et une admiration pour Marina Abramovic et suit depuis longtemps "ses performances", véritables défis pour elle et à contrario avec sa vie si bien réglée.

Elle lit et regarde tout ce qu'elle peut trouver sur elle et lui écrit même des lettres de "fan" sur ses exploits mais qu'elle n'envoie pas toujours car même là, Jeanne n'ose pas.... Jusqu'au jour où elle concrétisera son rêve, ce monde intérieur que personne sauf elle, ne semble comprendre. C'est l'écho positif à sa vie pour elle sans attrait. Elle lui insuffle l'énergie, l'originalité dont elle rêve

Car elle, sa vie est simple et routinière, douce auprès de cet homme aimant, attentionné mais si différent d'elle : elle ne lui reproche rien mais il rêve de Dunkerque et elle de New York.....

Pour rompre cet ennui elle observe : les gens assis dans les trains, leur invente une vie, un rendez-vous, un amour. Elle part à l'aventure, son aventure en suivant dans la rue des inconnus, sans savoir où ils vont la mener. Mais cet été ce n'est pas tout à fait un inconnu qu'elle va suivre...... et à partir de ce moment là sa vie va prendre un autre sens, elle va se surprendre elle-même. Sa vie va s'animer et prendre des couleurs.

Et puis dans la vie de Jeanne, il y a ses parents, sa famille, très présente avec les visites dominicales qu'elle leur fait mais où pourtant il n'y a aucune chaleur, aucune démonstration. Ce sont des taiseux d'ailleurs elle n'en parle que comme le Père, La Mère, La M'mé. Pourtant avec cette dernière il y a un échange, parfois : cette dernière comprend peut être mieux Jeanne et lui fait part de son expérience, de ses pensées, ses réflexions.

Il y a également Emma, une de ses soeurs qui vit près de ses parents et qui attend un enfant, son père espérant un garçon, enfin, dans cette famille de filles, de "fentes" comme il dit, pour guérir de la peine d'avoir perdu le seul garçon qu'il ait pu avoir mais qui n'a pas vécu.... Peut être l'explication de la froideur et la tristesse qui règnent dans la ferme familiale.

Et puis il y a Zoé, la plus jeune des filles d'Emma : dans la famille on la trouve étrange, décalée mais Jeanne voit en elle la fillette et peut être la femme qu'elle deviendra et qu'elle aurait aimé être. Alors elle la regarde, l'observe et répond à ses questions en utilisant son parcours passé et appliquant ses rêves.

Les phrases sont courtes, précises mais elles rythment la vie monotone de Jeanne. On ressent ce temps qui s'écoule, doucement, sans heurts, seulement relevé par les performances de cette performeuse dont tous les exploits ont réellement été réalisés par elle. Cela peut sembler parfois un peu long, comme ces minutes qui s'égrainent dans le tic-tac lent d'une horloge mais cela, me semble-t-il, transcrit parfaitement la monotonie de la vie de l'héroïne.

J'ai parliculièrement été touché par l'évocation de cette île au Japon où l'on peut enregistrer nos battements de coeur et venir écouter ceux de quelqu'un qu'on a aimmé, même si cette personne n'est plus.... Beaucoup de beauté, de sensibilité.

Une longue promenade dans la vie d'une femme, simple, avec ses pensées, pas toujours avouées, ses réflexions sur la vie, sa vie un peu morne mais qu'elle voudrait tant changer mais en ayant peur du changement, sa famille, le milieu d'où elle vient, le manque d'amour exprimé au sein de celle-ci depuis son enfance. Mais aussi sur les femmes, sur elle, sur sa soeur Emma, sur Suzanne, cette amie au bord de l'abîme et qui est celle avec qui elle partage ce quotidien parfois si pesant. 

C'est l'existence d'une femme, qui subit, en apparence, sa vie mais qui est riche de ses pensées, ses désirs et de l'univers au milieu duquel elle rêve. Comment ses proches pourrait-il comprendre son attirance pour cet art si particulier de la performance, qui lui permet de vivre, de survivre. Elle n'est pas malheureuse, elle est simplement différente d'eux.  

Décalage entre notre monde intérieur et ce que les autres perçoivent de nous et peuvent-ils comprendre cet univers, ces passions, ce que nous sommes vraiment d'autant plus quand celui-ci est très loin du milieu d'où l'on vient.
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C'est une écriture simple comme la vie de Jeanne, postière de son état, issue d'une famille de paysans, heureuse épouse et mère de deux jeunes adultes. Son bonheur est prévisible comme les vacances du couple à Dunkerque dont la régularité est perturbée par la rénovation de leur cuisine, assurée, entre deux parties de pêche, par son mari Rémy. Et puis, il y a ce qu'aurait pu être sa vie si elle avait choisi, comme son héroïne l'artiste serbe Marina Abramovic, de se mettre constamment en danger ou encore si elle avait choisi Martin plutôt que Rémy…. Peut-être n'est-il pas trop tard? Et c'est dans cette quête d'un ailleurs où la vie aurait pu mener Jeanne qu'on la suit tout au long du roman. Il y a donc deux pôles entre lesquels elle oscille, deux options de vie: celle de Marina où tout est constamment remis en question et celle du chemin décidé, tracé une fois pour toutes (comme l'a fait Opalka en son temps); rassurant mais cependant pas exempt de doutes. Je ne peux m'empêcher de voir en Jeanne, un peu de Claudie Gallay, son enfance à la ferme, la région de Lyon, sa discrétion. Le personnage est très convaincant… Exceptées celles de sa famille restée à la ferme, les autres figures du roman (Suzanne, Martin et Rémy, en particulier) n'ont pas la même subtilité de caractère, un peu caricaturaux dans leur entièreté. Je ne peux m'empêcher non plus de penser à Marie-Hélène Lafon, sans le poids du destin et le pessimisme afférent.
J'ai lu le roman en deux jours. La lecture en a été facile mais le propos n'en est pas pour autant superficiel.
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Il n'est de plus belle liberté que celle d'avoir le choix.
" La beauté des jours " de Claudie Gallay, publié en 2017 aux Editions Actes Sud, tourne autour de ce constat. Les choix que nous faisons déterminent la personne que nous devenons, bon gré mal gré. Et si nous avions fait des choix différents, quelle serait notre vie aujourd'hui ? Et si...

Jeanne a quarante trois ans. Elle est mariée à Rémy depuis vingt ans, et sont les parents de deux grandes filles, Chloé et Elsa.
Leurs vies sont parfaitement réglées, et franchement routinières !
p. 11 : " La vie de Jeanne était bien rangée, c'était presque une vie immobile."
Aucune surprise, et surtout pas de place à l'imprévisible ni à l'improvisation.
p. 10 : " Jeanne aimait les retards. L'imprévisible qui surgit dans la vie. Pas dans la sienne. Dans la vie des autres. "
Jeanne est guichetière à la Poste et Rémy magasinier. Propriétaires d'une modeste maison, ils s'offrent chaque année des vacances à ... Dunkerque !
Sa vie est un ensemble de rituels. Chaque soir, de son jardin, elle regarde passer le train de 18H01, se délectant d'imaginer la vie des passagers. Et chaque week-end elle passe voir ses parents et la M'mé à la ferme, avant la visite hebdomadaire de leurs filles.
Tout est tellement "millimétré" qu'à la simple lecture on est pris d'un sentiment d'étouffement.
Pourtant la vie de Jeanne va s'enrayer. Un jour, en rentrant chez elle, la porte d'entrée claque et fait se briser un cadre qui contenait la photo d'une artiste serbe : Marina Abramovic. D'une sensibilité exacerbée, cette femme inspire et subjugue Jeanne, jusqu'à l'obsession. Elle entame alors des recherches sur ses travaux et entame une correspondance pour le moins ambiguë avec l'artiste...
C'est justement cette sensibilité que Jeanne ne parvient pas, ou mal, à exprimer, notamment lorsqu'elle est à la ferme.
p. 133 : " Jeanne les regardait, tous. Elle regardait leurs visages. Elle les aimait. Ils étaient sa famille. Est-ce qu'ils savaient qu'elle les aimait tant ? Elle aurait voulu leur dire, Ecoutez-moi, j'ai quelque chose à vous dire... "
Lors d'une pause déjeuner, même rituel quotidien, elle suit une personne inconnue quelques minutes, le temps d'un sandwich, le temps d'un scénario impossible.
p. 65 : " Jeanne aimait les endroits où l'on ne va pas parce qu'on les rêve."
Mais le destin va la prendre à son propre jeu. Ce jour là, ce n'est pas un inconnu qu'elle suit. C'est Martin Fayol, son amour de lycée. Totalement déstabilisée, elle vacille dans sa vie si bien rangée.
Les premières pages de ce roman m'ont données l'illusion de me perdre dans un roman fleuve, sans contenant ni contenu. Quelle erreur de ma part ! C'est un roman profondément psychologique, doté d'une grande maîtrise narrative, dans lequel chaque personnage a un rôle prépondérant sur les questionnements de Jeanne. Ce sont donc les interrogations d'une femme, à l'aube de la deuxième partie de sa vie.
Il n'est de plus triste réalité que de constater l'influence de l'enfance dans notre futur conditionnement de vie d'adulte. Certains ont le caractère de prendre des risques, d'autres, au contraire, se complaisent dans une certaine zone de confort.
Jeanne a pleinement conscience, notamment au contact de son amie Suzanne, qu'elle a tout pour être heureuse. Un mari attentionné, deux merveilleuses filles, une famille présente, une maison, un emploi stable...bref, pourquoi aujourd'hui se pose-t'elle la question de leur insuffisance à son propre bonheur ?
Jeanne est la représentation de millions d'autres femmes, qui, chemin faisant, s'interrogent sur leur bonheur.
p. 328 : " Une vie ne suffit pas. Jeanne aurait voulu en avoir plusieurs, pour vivre tous les choix qu'elle n'aura pas faits, toutes les directions qu'elle n'aura pas prises."
Lien : https://missbook85.wordpress..
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