Ce livre sur la mort est aussi bien sûr, et forcément un livre sur la vie, plein de ces petites histoires qui nous emplissent tous, les mésaventures passées des parents, voisines etc. et puis, soudain, ce récit qui alterne, le narrateur change, l'écrivaine et son mari prennent successivement la parole sans que rien nous y ait préparés, leurs voix se croisent, différentes mais à l'unisson, l'amour est là, la vie, la mort, les anciens, les enfants. le présent se mêle au passé. … la vie est là, toute.
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De même le tireur de photos, travaillant dans l’obscurité de sa chambre, est le maître de la seconde lumière qui tire de sa nuit la pellicule négative. Rien à voir avec la première lumière, celle de la prise, avec quoi il fallait composer, dans l’urgence ou la méditation, mais qui était une donnée du jour.
Celle-là, la seconde, est l’artifice électrique, le trait du faisceau de l’agrandisseur dont se contrôlent la source, l’intensité, s’étalonne avec soin la durée d’insolation, se dose la quantité lumineuse propre à extraire l’image photographique de la nuit où, latente, elle dort encore, et nous recommencerons autant de fois qu’il le faudra, jusqu’à ce qu’elle soit conforme à notre vœu. Avec ruse, avec méthode, le tireur développe corrige et négocie sa matière, là compense la faiblesse d’un gris, ici allège la densité d’un noir, triture le faisceau lumineux de sa main d’escroc, d’enchanteur manipulateur, il travaille, rature, il triche, retient, retient,dispense, canalise et dirige la belle eau menteuse de lumière là où elle manquait, là où elle était en excès, s’il le faut il recadre, recoupe au bord, il tranche la question, il compose.
…n’étant instruit que de fraîche date, il était si jeune, des commencements de ses parents, de leur vie avant sa naissance, confondant faits anciens et contemporains, sa petite enfance et la mort prématurée de son père, déjà prisonnier de la version officielle, de la légende compacte et hors du temps concernant les parents qu’on interroge si mal, ou pas du tout, selon laquelle se répartissent définitivement les rôles et se justifie le nôtre
Cette chose si délicatement ordinaire et cruelle qu’est l’expérience de la mort, comment la dire, comment l’écrire ? Comment lui trouver un traitement approprié (…) ? Comment collecter sans vomir cette langue noire de la mémoire, ce mal ?
Pour savoir à quoi m’en tenir quant à la veine sincérité de l’écriture il me fallait passer par cette expérience de la mort, mort d’une part de moi-même que celles de ma sœur, de mon père ont convoquée, attendre d’en être rendue à cette confusion mentale pour apprendre humiliée, mortifiée, que j’aie à désespérer d’écrire, puis que je n’ai à espérer que d’écrire, d’être ce que j’écris entièrement et non le contraire. C’est-à-dire d’être une machine à écrire, d’assumer la "machination" littéraire, fiction volontaire.
Ma femme fait une révision nerveuse du passé elle doute, le présent passe mal.
Le concours Babel x Dialogues se poursuit ! C'est au tour de Laure, Julien et Michaël de vous confier leur favori de la collection Babel.
Laure Leurs enfants après eux, de Nicolas Mathieu
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Michaël Dans la main du diable d'Anne-Marie Garat
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Julien le Turquetto de Metin Arditi
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Pour participer : retrouvez une table dédiée au concours au rayon Poche de la librairie, mais aussi en ligne sur notre site ! Lisez le plus de livres possibles de la sélection, et votez pour vos 3 favoris soit en nous donnant le bulletin mis à disposition, soit en nous envoyant votre palmarès par mail : reservation@librairiedialogues.fr ! Un·e participant·e sera tiré·e au sort et remportera une valise de livres Babel ! On nous dit dans l'oreillette que d'autres surprises pourraient avoir lieu...
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