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EAN : 9782742752942
233 pages
Actes Sud (30/11/-1)
4.18/5   11 notes
Résumé :

Qui es-tu donc, ma mère conteuse, pour savoir tant du Loup et me le glisser à l'oreille, pour être dans son secret de malfaisance ? Quelle commère es-tu, de quel compère ? L'art de Perrault est de se référer sans figurer. D'annoncer sans révéler.

De laisser travailler dans l'ombre de l'implicite, dans le silence du texte, la monstrueuse face du Loup, cachée sous la nôtre de conteur, beau masque d'amour.

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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Avec Psychanalyse des contes de fées , Bruno Bettelheim m'avait charmée, même si j'avais éprouvé ,  parfois, quelque agacement à le voir tordre ou forcer l'énigmatique parabole du conte pour la plus grande gloire de la psychanalyse freudienne.

Anne-Marie Garat m'a, elle , littéralement, enchantée et a rassasié cette Faim de Loup qu'éveille toujours en moi  la lecture  sidérante de l' abrupt bijou de violence poétique qu'est le Petit Chaperon rouge de Charles Perrault.

Incantatoire, musical, aboli bibelot d'inanité sonore quasi mallarméen, crypté et magiquement révélateur de vérités sociales, psychiques, (im)morales , à la fois universelles, historiques ET  étonnamment personnelles, le Petit Chaperon rouge est un conte aussi bref que retors, à double détente, à triple entente, bardé de sens comme un coffre- fort de serrures.

 La version de 1697 qu'en donne Perrault est à la fois le fruit d'une compilation savante de la littérature populaire,  étonnante chez ce grand bourgeois issu de la noblesse de robe,  et celui d'une véritable création verbale, linguistique et sémantique, qui temoigne du génie narratif de ce tenant convaincu des Modernes, dans la querelle qui  les opposait aux Anciens.

Anne-Marie Garat emploie toute sa science, sa finesse d'analyse, son humour impertinent, son refus des clichés et surtout sa connaissance des mots pour déjouer les pièges de la facilité : il n'est que de voir le sort qu'elle fait au verbe "cuire" employé absolument, l'archaïsme qu'elle exhume du fameux "chaperon", qui n'est ni capuche ni mantelet comme on l'accrédite depuis les illustrations de Gustave Doré,  avec quelle malice elle analyse le sésame-ouvre-toi du conte - cette fameuse chevillette-bobinette, qui fait un bien étrange verrou - , ou comment elle corrige, texte en main, les errements des interprétations moralisatrices du conte qui punirait la "désobéissance" présumée du petit Chaperon rouge, et comment, enfin, elle  pourfend , de ses arguments ,  la seule prédation du Loup, qui n'est qu'un..loup commode,  posé sur le visage de prédateurs insoupçonnés : la mère, la grand'mere et enfin l'auteur lui-même, père et écrivain , prédateur (involontaire ?) de son propre enfant...

J'ai tellement jubilé à cette lecture experte, solide, brillante et drôle que je m'en voudrais de vous en dire plus!

Le Chaperon rouge est un diamant noir, un bijou ciselé pour notre mère l'Oye- et non notre mère l'Oie comme l'a abusivement transcrit l'orthographe modernisée- , l'Oye, donc, cette ouïe qui , par ses formules-  chevillette- bobinette- Chaperon rouge -et autres petits-pots-de- beurre - fait , du conte le plus authentiquement cru et barbare de notre littérature, un poème aux allures de  devinette que n'eût pas désavoué Lewis Caroll, grand amateur de petits Chaperons. ..

Merci , grand merci à Ziliz qui m'a conseillé cet essai qui se déguste comme un bonbon!

Un régal!
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Incroyable cette lecture du Petit Chaperon rouge par Anne-Marie-Garat. Incroyable parce que son explication de texte analyse le conte dans les moindres détails, même les plus inattendus. Déjà, précisons qu'elle ne s'intéresse qu'à la version de Perrault datant de 1697, pas à la guimauve des frères Grimm où le Chaperon s'en sort à la fin sans dommages, ni à toutes les variantes qui ont pullulé au cours des siècles.

Chez Perrault on est face à un texte adulte à l'érotique barbare, pas une bluette pour enfants. Pour autant ce conte est le seul de son recueil à avoir une fin aussi cruelle, aussi définitive. Il possède également une sobriété réaliste qui détonne : pas de magie, de fée, d'ogre ou de sorcière.

Anne-Marie Garat passe en revue toutes les composantes de ce récit court à l'unité de temps et d'espace remarquable. le rôle de la mère, celui de la galette (important !) mais aussi celui du décor où la tragédie se joue, l'effrayante forêt des contes, celle où se déchaîne le Mal, où s'expriment la cruauté et le chaos de la nature.

Je ne vais pas revenir sur chaque chapitre pour éviter de tomber dans la paraphrase mais sachez que l'auteur passe le Petit Chaperon rouge au tamis de l'histoire littéraire, de l'étymologie, de la stylistique et bien sûr de la psychanalyse. La question de la pédophilie est un élément central auquel vient se rajouter un soupçon de gérontophilie (le loup abuserait sexuellement de la grand-mère avant de se jeter sur elle et de la dévorer).

Mais en fait, ce que j'ai le plus apprécié, c'est la réflexion autour de la qualité littéraire du texte. Perrault est tout simplement parvenu à lui donner une musicalité exemplaire. « Il chante et chantonne, enchante de sa rythmique empruntée aux comptines et formulettes, les diminutifs variés multipliant le jeu de volubilité, l'alternance des voix et du récitatif répétant en leitmotiv toutes les tournures et les clés du langage. Il est un rite de passage, en son texte réglé comme portée musicale, à la note près, à la virgule près. »

J'ai aimé aussi apprendre comment le bourgeois Perrault, qui ne s'intéressait pas une seconde aux petites gens, à pu recueillir ces « textes de riens, venus d'une humanité sans valeur ». N'ayant pas accès à la source paysanne des contes, il les recueille par l'intermédiaire de la nourrice de son fils Pierre, qui a lui-même consigné dans un cahier les histoires racontés par cette femme au coin du feu. Alors qui de Pierre ou de son père est le réel auteur ? A l'évidence, c'est la réécriture de Charles qui a magnifié la matière brute du départ : « Il ne s'agit donc pas d'un divertissement subalterne et sénile, ni d'une activité excentrique. Avec un immense esprit de sérieux et un sens aigu de la modernité, Charles Perrault entreprend, à la suite de Pierre, d'écrire l'oral, d'en fixer la variable et insaisissable matière en une forme rigoureuse, qui, tout en gardant son caractère originel, obéit aux exigences et à l'esthétique classique de son temps, et lui donne dignité littéraire, jusque dans son choix de la prose, pour la majorité de ses contes. »

Un ouvrage à la fois érudit et simple d'accès. Voila une explication de texte d'une imparable limpidité qui mérite bien un 20/20.


Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Dans cet ouvrage, la romancière Anne-Marie Garat présente Une lecture du Petit Chaperon Rouge, s'appuyant sur la version originale écrite, soit le texte de Charles Perrault de 1697 publié en fin d'ouvrage.

Dès les premières pages, l'auteur rappelle les fonctions et destinations du conte en général ( revenant sur la récente notion de littérature jeunesse et les « maints malentendus » qu'ont entraînés la forme narrative et l'univers merveilleux ), sur la singularité de celui-ci qui semble déroger par son extrême violence, empruntant si peu à l'univers merveilleux, au principe de prévention-édification et d'énonciation des règles fondatrices de la société.

C'est bien de l'implicite de ce récit ( l'histoire et les formulations ) dont il est question, qui est mis en question, au-delà de la morale préventive de la pédophilie. Car ce conte est celui de la dévoration aux multiples significations, la sexuelle en étant l'évidence, mais celle aussi de la relation adulte-enfant, ce que l'adulte, notamment la mère, au sens symbolique, fait porter à l'enfant. Un chaperon rouge, ce chapeau symbole de féminité aux couleurs de la séduction et d'un érotisme cru. Les mots en italique sans guillemet sont les miens pour montrer comme les mots révèlent un conte dont « l'apparente lisibilité est l'obstacle majeure à sa compréhension ».

Bien que cette lecture m'ait peu appris, simplement parce que je fus spécialisée dans le conte et le mythe littéraire avant de m'engager en littérature jeunesse, j'ai apprécié ce juste rappel de ces fonctions et destinations du conte ainsi que les propos de l'auteur évoquant régulièrement l'origine et la pérennité de l'oralité du conte, le talent de Charles Perrault qui a su les préserver à l'écrit. J'ai plus qu'apprécié qu'elle émaille son étude de phrases passionnées sur le rôle de transmission privilégiée par la densité de l'histoire racontée sous la fausse simplicité ( d'un patrimoine, pas uniquement culturel, il y a aussi la langue ainsi que toutes ces émotions essentielles à l'enfance ) dont s'investit l'adulte conteur et complice, en partage, en amour; ce moment d'intimité « de ravissement et d'effroi » lové, protégé, au creux de ce monde de mots et d'images de l'imaginaire; imaginaire collectif occidental.

Les chapitres suivants relèvent, points par points, toujours au plus proche du texte de C.Perrault, le contexte du conte au temps de son écriture; contexte historique et social, cet implicite qui échappe maintenant à la lecture. L'étude porte ensuite sur les références et analogies suggérées, les repères et l'iconographie induite, la rhétorique de ce texte à l'épure stylistique si puissante. L'auteur élargit parfois son étude par des parallèles avec d'autres contes ou certaines scènes de romans qui lui en paraissent inspirées ou par des considérations sociales contemporaines. Cette lecture, qui interroge « les sens de lecture » s'inscrit plus dans l'explication (con)textuelle permettant les perspectives d'interprétations que l'analyse, évitant ainsi l'écueil de trop de psychanalyse.

Une lecture qui m'a semblé souvent quelque peu bavarde malgré les chapitres courts et précis et pourtant je ne peux que recommander ce livre à qui s'intéresse aux contes, à leurs merveilleux pouvoirs, ne serait-ce que pour la volonté remarquable de Anne-Marie Garat, servie par une plume enlevée et volubile, de lui rendre sa valeur originelle.
Lien : http://www.lireetmerveilles...
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Y sont analysés à partir du récit original : de la confection de la galette, à la tenue du chaperon, de l'ordre enjoint, du chemin à parcourir, de l'attitude du loup, et au vocabulaire et au langage utilisé.

Le comportement des différents protagonistes éclairé par l'auteure ici, ouvre notre oeil sur une fenêtre différente que celle entrebâillée du texte racontée depuis des lustres aux petits. En fait, elle est porteuse d'effroyables messages aujourd'hui dévoilés au lecteur adulte.

Voici ici des explications avec des dimensions psychologiques, psychanalytiques. Jusqu'alors insoupçonnées pour le lecteur basique, les explications sont tout à fait crédibles et renforcent l'intérêt de l'ouvrage. Décortiquées avec détail, elles sont raisonnées. Malheureusement, je paraphrase l'auteur si talentueuse dans l'exercice.

Resituée dans le contexte historique et économique, notre petit chaperon est alors « déguisée » par les soins de sa maman et sa grand-maman. le choix du vêtement donne des indications sociales et sociologiques et interroge également. A.-M. Gravat souligne l'anachronisme et le décalage de la tenue pour une petite fille, même à l'époque. C'est pourquoi, elle apporte une valeur différente à nos croyances habituelles avec nos connaissances profanes.

Un autre volet est celui de la place des femmes autour de l'enfant. Elle l'entourent, et pourtant leur attitude frappe de négligence éducative ou de bon sens. Car, cette petite fille parée comme une femme d'un autre âge est habillée alors, dans ce contexte, d'un accoutrement pas du tout adéquat.

UNE FAIM, DES FINS
Sans oublier les apports postérieurs à l'histoire originale, A.-M. Gravat mentionne les différentes fins suggérées au fil du temps. En effet, elle permettent de ménager la sensibilité de chacun. Ainsi, la cruauté du final fatal a été atténuée grâce à une imagination plus douce, entre autre des frères Grimm. Eux, donnent une punition au loup et sauvent le petit chaperon rouge.

Pourquoi tant de brutalité chez Perrault ? Il va à l'encontre des revanches plus clémentes pour les enfants en proie au danger. Normalement : « une extraordinaire force compensatoire du conte, ou du rêve est de satisfaire le désir de puissance et de reconnaissance ».
Lien : https://lesparolesenvolent.c..
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Il a double sexe, ou sexe indifféremment interchangeable, tantôt virilement grosse voix et vieille peau, comme on dit délicatement, tantôt féminine virilité poilue, à voix adoucie entre ses grandes dents. Pas si étonnant que Chaperon rouge s'assure du prodige, qu'elle veuille vérifier de visu de quoi est faite cette familière étrangeté, car elle est elle-même un féminin masculin très hésitant tout au long du conte... ce qui provoque quelques acrobatiques accords de genre, que résume la dernière phrase du Loup, en une rare hardiesse grammaticale : il se jeta sur le Petit Chaperon rouge et la mangea. Vaugelas n'en reviendrait pas.
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La chose est entendue, maintenant assez d'onction, assez de questions, une seule phrase conclut le dialogue : Eh bien, dit le Loup, je veux l'aller voir aussi ; je m'y en vais par ce chemin ici, et toi par ce chemin-là, et nous verrons à qui plus tôt y sera. Rupture du ton, et passage à l'acte. C'est un acte de langage superbe, mêlant miel et brutalité, enrobant la concision impérative dans le sucre de la séduction. L'ordre a le jeu pour emballage, toute la duplicité du Loup y est comprise, griffe dans le velours, canine couronnée d'or, car si le Loup utilise la ruse, arme réputée pour sa bassesse, la sienne se distingue de celle, brigande et flatteuse, d'un Goupil, dont le Roman de Renart a fixé les caractères ; il garde, dans sa brutalité, l'altière noblesse des princes.
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C'est dans cet écrit maternel du jeune garçon que s'introduit le père, dont il s'empare, faisant de sa voix la sienne, par autorité. Fût-ce au nom d'un motif généreux, c'est le vol ou le viol d'une intégrité qui n'a pas d'équivalent. Copiant ces contes naïfs, Pierre rend au vieil écrivain sa propre naïveté perdue, sa capacité d'émerveillement, d'innovation et de création, don royal de son innocence. Du don ingénu, le père fait un rapt. Confiscation paternelle de la langue maternelle.
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La publication des Contes de ma mère L'Oye vaudrait alors, pour le jeune Pierre, le chaperon de vieille mère (de vieil écrivain) trop voyant, trop lourd à porter, trop évidemment chargé du désir écrasant de son père, remplissant la même fonction de le précipiter dans la déraison et l'inconséquence, dans l'autodestruction criminelle.
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La mystérieuse conjonction d'une jeunesse sacrifiée et d'une folie parentale hante l'histoire du Petit Chaperon rouge, dont Perrault, parmi les versions qu'il connaissait, a retenu, par une sorte d'intuition prémonitoire, celle du dénouement atroce, comme s'il était la pure figure du rapt mortel qu'il infligeait à son enfant.
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