Encore une pépite de Garchine !
Nous sommes à la fin du XIX ème siècle en Russie. C'est l'histoire de deux amis, tous les deux garde-barrières. Face à l'injustice, Siméon est fataliste, Basile est rebelle. Celui-ci a reproché à son ami d'être résigné. Un jour Basile porte plainte contre le surveillant qui lui a reproché d'avoir planté des choux sur son lopin de terre. Le chef de gare arrive pour l'Inspection et gifle Basile...
Garchine raconte avec une rare sensibilité et beaucoup d'humanisme la misère et l'asservissement des paysans ( de retour de la guerre), la brutalité de la répression qui pousse les opposants à davantage de violence aveugle. La Russie semble perpétuellement condamnée à la souffrance et au sacrifice.
Lu sur le site de la bibliothèque russe et slave.
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— Oui, voisin, j’ai beaucoup souffert depuis que je suis au monde. Il y a des gens qui ont de la chance, qui vivent heureux, sans soucis. Eh bien, moi, qui n’ai jamais fait de mal à personne, rien ne me réussit...
Basile ne répondit rien : il secoua la cendre de sa pipe contre le rebord du rail, se leva et dit avec un soupir :
— Ce n’est pas la chance, voisin, qui est contre nous, mais les hommes. Il n’y a pas au monde de bête plus féroce, plus malfaisante que l’homme. Les loups ne se mangent pas entre eux... un homme mangerait volontiers un de ses semblables, et tout vivant encore...
— Hum... Les loups ne se gênent pas tant que tu crois...
— Possible... Tout de même je le répète, que si l’homme n’était pas si cruel, si avide, il y aurait du bonheur sur terre !...
Ivanoff resta pensif...
Il se porte un grand coup de son coutelas au bras gauche, un peu au-dessus du coude. Le sang jaillit rouge et tiède... Il en imbibe fiévreusement son mouchoir, l’étale largement, le fixe à l’extrémité de sa petite flûte et présente, selon toutes les règles de l’aiguillage, son petit drapeau rouge improvisé...