Un peu surpris et intrigué, mais contrairement à mes expériences précédentes, ce n'est pas dû à l'originalité du scénario ni à la poésie savoureuse de l'un de mes auteurs préférés. Je suis surpris et intrigué parce que je n'ai pas l'impression d'avoir lu un livre de
Gabriel Garcia Marquez.
Peut-être est-ce à cause du traducteur, peut-être est-ce dû au scénario ou sans doute parce que vers la fin de sa vie le poète s'est politisé et son inspiration s'est fripée et noircie à la manière d'un raisin sec (ou du coeur d'un politicien).
Les histoires de grand-mère superstitieuse, le monde qui échappe soudain à tout entendement, l'univers qui se met à tourner en roue libre… J'ai cherché mais je n'ai pas trouvé où se cachaient ces sucreries. J'ai tourné, j'ai gratté, j'ai même secoué le livre pour voir si des miettes ne s'en échappaient pas, mais seule une pluie de suie s'échappait des pages. Déçu, je me suis lavé les mains et j'ai écrit cette critique.
Honneur et fatalité sont les deux personnages principaux, comme on l'apprend sur le quatrième de couverture, où il est également indiqué « l'humour et l'imagination du grand écrivain colombien, prix Nobel de littérature se débrident plus que jamais pour créer un nouvelle et géniale fiction etc...» Je dois avoir un boulon qui manque parce que malgré ma bonne volonté et l'ensemble de mes chakras ouverts et connectés à Gaïa, « drôle » ne m'est jamais venu à l'esprit. Ne serait-ce que le titre «
Chronique d'une mort annoncée « : pas de quoi rouler sous la table. Vous me direz, l'ensemble de ses titres sont littéralement à se tailler les veines.
- « 100 ans de solitude » hahaha
- « L'amour au temps du choléra »
- «
de l'amour et autres démons »
Attendez j'en ai un « le souffle chaud du dernier soupire » ça doit être tordant ça.
La plupart de ses oeuvres sont profondément imprégnées de la Bible (j'imagine que la Bible est hilarante aussi) que ce soit dans le fond ou la forme, on retrouve souvent l'idée du jardin d'Eden, de la faute et du jugement. le motif d'un âge d'or qui s'éloigne inexorablement se dessine malheureusement aussi à l'échelle de ses oeuvres. Il a sorti
cent ans de Solitude en 1967, une date de parution qui correspond pour moi à l'âge d'or de pour ainsi dire toute forme d'art, à commencer par la musique, et treize ans plus tard il accouche d'une chronique de raisins secs.
La narration est confuse et il suffit de jeter un oeil aux personnages pour comprendre qu'eux-mêmes en sortent tout étourdis. Ils tournent comme les roues dentées d'une montre, se croisent à chaque tour en priant qu'elle s'arrête.
En prenant un peu de recul on comprend plus la montre et l'on distingue même l'heure. Santiago Nasar est au départ peu attachant mais en se prenant le pantalon dans les rouages de l'absurdité d'un destin auquel personne ne peut (ou ne veut) échapper, il finit par inspirer notre pitié.
Pour que l'histoire prenne un tour intéressant, il faut se mettre dans les chaussures du narrateur. C'est comme si vous tentiez d'assassiner un de vos personnages mais qu'aucun de vos autres personnages ne voulait jouer le jeu. La scène du meurtre est très graphique et il semble que le livre lui-même ait tout tenté pour empêcher l'assassinat. Cependant, chacune de ses tentatives, comme les pulsions d'un insecte pris dans sa toile, ont fixé le destin de Santiago Nasar. « Jamais une mort n'a été autant annoncée », en effet c'est dans le titre.
Tordant n'est-ce pas