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Citations sur Bartabas, roman (21)

Fuguer tôt est banal. Se quitter à la fin de l'adolescence avec la certitude que l'on ne renouera pas avec son histoire personnelle, que l'on part très loin pour ne plus revenir, que l'on se soustrait au monde réel, est beaucoup moins fréquent.
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Zingaro, autrement dit bohémien, était un gros bébé poilu de deux ans, pataud et bancal, lorsque Bartabas l'acheta en 1984, à Alex Wilms, un marchand bruxellois. Sans doute pensait- il à cette rencontre cardinale lorsqu'il griffonna, quinze ans plus tard, ce poème amoureux sur un bout de papier : " Après s'être longtemps observés à distance / ils se retrouvèrent un matin face à face / ce fut le cheval qui fit le premier pas". Bartabas le paterna, l'éleva, le dressa, le balada, le muscla, plus jamais ne le quitta. Il grandit sous les vicinales, nez et crinière jais au vent, suivit sans changer d'allure la roulotte du cirque Aligre de pays en pays et son maître, de spectacle en spectacle. Mieux qu'un animal, un partenaire d'une fidélité absolue, un allié substantiel, et un symbole assez fort pour que son "hypponyme", gravé au fronton du théâtre équestre, devienne le nom de la compagnie. D'un cheval noir et luisant, on dit qu'il est moreau. Zingaro était aussi moral.
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Le carton, tout simple, d'un genre que je ne connaissais pas, est arrivé par la poste, au début de 1999. Au recto, figurait l'annonce suivante : "Le théâtre Zingaro vous fait part du décès du cheval Zingaro. Il s'est éteint à l'âge de dix-sept ans. Il avait participé à tous les spectacles depuis quinze ans." Au verso, signé Ernest Pignon- Ernest, un portrait au crayon, trait noir sur fond blanc, du beau disparu tel qu'en lui même la légende le fixe, à la dernière d'Eclipse : accroupi dans la neige, les antérieurs tendus, la lourde encolure en col de cygne et la tête méditative. Une version équine du penseur de Rodin.
Haut de garrot, ce prince des ténèbres appartenait à la race volontaire et très résistante des frisons, originaire des Pays-Bas, qui fut créée jadis pour la guerre, les travaux des champs, les attelages royaux, avant d'être adoptée, au XIXème, par les pompes funèbres ; tirée, portée par eux, la mort était non seulement confortable mais aussi majestueuse.



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Un artiste n'est pas un ouvrier du divertissement qui compte ses heures, il se consume au feu de sa passion.
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...Ces lignes de Barthes qu'il m'offre dans le froid sournois du manège, comme on glisse un message de contrebande, c'est une manière douce, très personnelle, de dire que mes mots sont déjà le cimetière provisoire de son théâtre vivant..
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Au théâtre, la puissance d'une oeuvre condamnée à disparaitre se mesure au souvenir qu'on en garde, à la faculté qu'elle a de grandir en nous, de résister au temps et de s'accomplir en douceur dans le regret.
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Et voici que je découvrais soudain un univers clos où le sacré n'était pas caché dans les basiliques, où la poésie était sans texte, le privilège sans luxe et la musique sans partition, où la Volga se jetait dans le Gange, où les chevaux étaient les auxiliaires sensibles de la fugue et l'expression silencieuse, cadencée, d'une prière inédite.
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A l'instar de tous les équidés, les souffrances de Bartabas sont muettes et sa mélancolie indicible. Un chien pleure, un chat miaule, mais le cheval n'exprime rien, à qui ses aïeux ont appris à ne jamais risquer d'attirer l'attention de l'adversaire, à ne pas se hasarder à exciter le tueur, à garder pour soi sa douleur, à ne pas s'exposer, à demeurer invisible.
[...]
Pour comprendre Bartabas, il suffit parfois de le regarder. Son vrai langage, c'est le corps.
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Difficile d'imaginer plus froid que la Iakoutie, aujourd'hui république de Sakha, où souvent le thermomètre descend jusqu'à moins cinquante degrés. Pour résister, les petits chevaux développent un poil d'hiver si abondant et si pelucheux qu'on dirait des fourrures. En apparences banals, sans avoir même le caractère sanguin des shetlands, ils deviennent fascinants dans la taïga. Ils savent se nourrir d'un invisible lichen en grattant la neige d'un sabot négligent. Ils galopent au milieu des congères avec un équilibre et un aplomb enviables. Ils sont à la fois farouches et sociables. Les Iakoutes les montent à cru et les mangent cuits. (Bartabas n'a toujours pas digéré le festin qu'on lui a offert, le jour de son arrivée à Iakoutsk, composé de steaks, tripes et saucissons de poneys. C'est la seule fois de sa vie que, dégoûté, il a été obligé de se gaver d'équidé).
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A trente ans, Bartabas découvre l' "horreur vulgaire". Il en sera marqué à vie. C'est à ce moment-là qu'il prend la mesure du risque dont il est menacé, sinon la prostitution du moins la récupération. Il apprend à refuser les défilés de mode, les soirées branchées, à repousser les liasses de billets lâchées par de grosses mains baguées. Il a, plus que jamais, l'ambition de placer son travail très haut, très loin de tout ce qui pourrait le salir, le trahir. Il ne pense déjà qu'à garder son public, le vrai public, à lui être fidèle, à ne pas le décevoir. Rien n'est calculé chez lui, mais tout est raisonné. Ces années où il a frôlé la mauvaise gloire, la gloire qui pue, ont fait de Bartabas l'inflexible méditant et l'écuyer intègre de Loungta.
Commence alors la geste belle et pure de Bartabas. Elle réchauffe, autour d'un feu grégeois, des coeurs brisés, des âmes glacées.
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