La chute de cheval qui hante la mémoire de
Jérome Garcin est celle de son père, Directeur des services littéraires des PUF, mort au galop le 21 avril 1973. Tragédie qui éloigne l'auteur de l'équitation durant 20 ans, mais après son mariage avec la fille du comédien Gérard Philippe, leurs trois enfants lui remettent le pied à l'étrier et depuis lors c'est à cheval qu'il parcourt le Pays d'Auge et qu'il écrit sa passion de l'art équestre et de la Normandie tout en songeant au destin de ses proches … «
mes fragiles »
Une autre victime du cheval est Théodore Géricault, mort à 33 ans en 1824 et la chute de ce romantique introduit la seconde bataille d'Hernani qui oppose en 1842 deux écoles, celle du comte Antoine d'Aure qui incarne la tradition, et celle de
François Baucher. Bataille arbitrée par un cheval nommé Géricault : « En grand uniforme, le sabre au côté et le bicorne à la main (toujours cette tenace envie de séduire les militaires !),
François Baucher fit son entrée en musique et, sans que Géricault manifestât la moindre résistance, se lança sur la piste circulaire dans « un galop coulant » pour offrir au Tout-
Paris ébaubi une voluptueuse série de pirouettes appuyers et changements de pied. Au salut final, les d'auristes quittèrent le Cirque en piteux état et, pendant que l'orchestre jouait La
Parisienne, Baucher fût ovationné par la foule qui consacrait ainsi la victoire des libéraux et des romantiques sur « les perruques ».
Théophile Gautier pleurait de joie. Par superstition et pour I'occasion, il avait revêtu le gilet rose qu'il portait, douze ans plus tôt, à la création d'Hernani. Baucher venait de libérer l'équitation comme Hugo, le vers dramatique. »
Jérôme Garcin évoque les grandes figures qui ont marqué l'histoire de l'équitation et ces pages combleront les cavaliers mais il évoque aussi les écrivains et particulièrement « Le cavalier pressé »,
Paul Morand, qui monta jusqu'à ses quatre-vingts ans et publia deux ouvrages mémorables, un roman
Milady en 1944 et une «
anthologie de la littérature équestre » en 1966. « Dans cette magnifique anthologie, inaccessible aux piétons ordinaires, illisible pour qui ne s'est jamais risqué à effectuer, à cheval, des figures de haute école et n'a jamais connu le presque indescriptible bonheur d'y parvenir,
Paul Morand néglige les écrivains, fors
Montaigne, Corbière et lui-même, avec un extrait de sa chère
Milady. Cela prouve que si l'académicien se méfiait de ses pairs, il ne se détestait point. Cela témoigne surtout de la seule ambition qu'avait le fier retraité de Vevey, étranger à la patrie des gens de lettres, celle d'appartenir à la phratrie des écuyers, cette Olympe imaginaire où se donne, sans états d'âme, tous jeux d'orgue sortis, la reprise des dieux. »
Et l'animateur du Masque et la Plume conclut : « J'aime, le soir venu (…) parmi mes vieux livres retrouvés, cette manière de retraite qui prolonge la haute solitude des randonnées à cheval, des excursions entre ciel et terre : ce sont des pèlerinages sans but, sans lieu saint et sans pénitence, où l'on entend pourtant chanter, venues de nulle part, les voix de ceux qu'on a aimés et où l'on voit danser, entre les arbres, les rêves que l'on n'a pas accomplis, sauf celui de galoper, de galoper plus vite que le temps qui passe. »
J'ai beaucoup apprécié ces pages émouvantes et instructives qui donnent envie de poursuivre la promenade littéraire en sa compagnie.
PS :
le Voyant
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