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EAN : 9782070130627
160 pages
Gallimard (01/12/2017)
3.47/5   48 notes
Résumé :
«Je suis un radiologue fantaisiste, un échographe controuvé, un voyageur sans bagage qui toque à la porte des hôpitaux d’autrefois et des bureaux poussiéreux, au fond desquels mes aïeux sourcilleux s’étonnent que je veuille mieux les connaître et me parlent dans un français de laborantin, un sabir organique, un babélisme médicamenteux que je ne saisis pas toujours. Mais si je ne témoigne pas de cette tribu clinique, dont seuls d’obscurs traités et des manuels déshum... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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En parcourant son arbre généalogique, Jérôme Garcin ne raconte pas seulement la vie de ses grands parents et arrière grands parents, mais décrit l'évolution de la médecine, du statut social du Docteur, voire du Professeur, ou de l'académicien, membre de l'Académie de Médecine, de père en fils, ou de père en gendre … époque où la famille jouait un rôle essentiel dans la transmission du savoir et du pouvoir… « les humanités ».

L'une de ses branches familiales, originaire de la Martinique, est arrivée à Paris lors de l'éruption du Volcan Pelé, tragédie qui décima la famille d'une de mes grands-mères, ce qui a rendu cette lecture mélancolique, mais est fort intéressant en notre siècle où l'intégration est une préoccupation essentielle.

Le père du romancier fut éditeur, lui est un humaniste qui joue sa partition à la radio depuis des décennies, et ils sont à jamais marqués par les qualités d'écoute de leurs ancêtres, sans avoir persévéré dans la médecine. Cette écoute est peut être ce qui manque aujourd'hui lors de certaines consultations …
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"J'écoute le silence du médecin, écrira Jérôme Garcin page 139, le silence de Paul Launay, qui a consacré des pages à la découverte de la mort pour un enfant, à la perte d'un frère, au langage et à la séparation violente des jumeaux, mais qui laisse sa femme dire ce qu'il est incapable de dire.


Par erreur ou au détour d'une confidence, Jérôme Garcin fait parler Pam, et dévoile le mutisme de la douleur, le drame qui fissure encore l'âme de celui qui est Paul Launay, le médecin le mieux charpenté pour atténuer le deuil chez l'enfant, non à le surmonter, mais juste à l'évoquer.
C'est Pam encore qui explique à l'enfant de 10 ans, combien le décès de son frère l'a meurtri.
Mais Jérôme Garcin se tait, ou du moins, il ne parle qu'à la 3ème personne.


Le syndrome Garcin est là, douloureux, impalpable, il est un mélange d'angoisse et de désinvolture, il est là dans la négation du drame, dans cette façon de se blinder et de se taire, jusqu’au moment où les parents de Jérôme Garcin, faute de le comprendre, ont traduiront parfois cette froideur en égoïsme. Jérôme, était-il insensible, peut-être que l'auteur s'en souviens, de cette incapacité d'aimer comme si l'enfant avait perdu l'élan du cœur.


"Pam me raconte le garçon que j'ai été
dans les mois qui ont suivi la mort d'Olivier,
me décrit très précisément ma détresse,
ma sidération, mon repliement,
de feindre d'ignorer le drame
qui m'a métamorphosé
au seuil de mes six ans."

Mais le conteur Jérôme Garcin n'en reste pas là, et sur cette page 138, Pam se confie, elle lui montre soudain "celui que, avec autant d'amour que d'anxiété, elle n'a cessé d'observer et de materner, mais que j'ignore- ou que je veux ignorer- avoir été."


La réponse à cette incontournable question, pourquoi cette famille a tout donné à la médecine ? Elle se trouve page 9 . "Au commencement était l'homme et sa souffrance, en face se trouvaient son semblable et sa compassion. Toute la médecine est partie de là ( séance inaugurale par Raymond Garcin en 1954 )".


Raymond Garcin aura trouvé les mots, pour expliquer ce goût de soigner, dans une indisposition naturelle à se mettre en avant, en choisissant de venir en aide aux souffrants, et d'entrer dans les ordres de la compassion.

Cette retenue, cette humilité se traduira par la lecture de tous les écrivains qui cherchent à combattre les fléaux, au lieu de scruter l'horizon pour débusquer les boucs émissaires.
Il lira Albert Camus et sa fougue à combattre, à résister aux grandes épidémies par le travail et la raison.


Jérôme Garcin écrit dans ce livre l'essentiel, notre destin à tous dans une langue simple fluide, pleine de fantaisie et oh combien lucide. Ce ne sont pas des chapelets de titres qui défilent, mais une lignée de personnalités, de déterminations, de pratiques qui se situent entre la profession et l'ordination.


Il y a dans le style Garcin celui qui s'amuse, taquine, se cache et celui qui monte en selle pour vilipender tel rustre ou telle funeste logique. Je finirai par trouver dans la prose de ce grand lecteur du d'Ormesson avec une pointe de Desproges.


https://revue-traversees.com/a-propos/


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Mieux vaut ne pas connaître « le syndrome de Garcin » (1) qui doit son nom à Raymond Garcin, éminent neurologue, grand-père paternel de l'auteur.
Il lui rend un vibrant hommage dans ce récit et dresse le portrait d'un homme «  humaniste », plein de compassion pour la souffrance de ses semblables, avec la vocation de soigner, « de guérir parfois, soulager souvent », d'alléger les maux.

Si les souvenirs de ses jeunes années se sont évanouis, Jérôme Garcin les exhume d'une lettre de sa mère. Il adorait ce grand-père ( qui avait le culte de la famille) et ne voulait pas le partager avec son jumeau Olivier (2) On devine son besoin «  exclusif » de ces moments de grâce à « apprendre à dessiner, rêver, à colorier le monde ».

Il nous invite dans la maison normande et nous peint la campagne «  vert vif ».Il se remémore leurs sorties en voiture : à bord d'une Versailles !
Son attachement à « cette terre mouillée », à la vallée d'Auge qui abrite «  son refuge, son oratoire, son écritoire.. » remonte à plus de trente ans.


Le récit devient poignant quand Jérôme Garcin nous restitue son pèlerinage, l'été 2016, sur les traces de ce grand-père né en Martinique, au moment où lui aussi est devenu grand-père. Ce retour aux sources le conduit à la maison de Saint-Laurent, voici la tirelire des souvenirs qui s'ouvre : «  C'était bouleversant, enivrant, dérangeant.Je respirais mon passé ».

Il retrace la généalogie de ses ancêtres, cette lignée de «  blouses blanches », notant que ce fut «  une entreprise chimérique ». Il remonte au premier de cordée :Alexis Boyer, au parcours stupéfiant, jusqu'à son grand-père, « l'exilé antillais », qui a dû fuir la colère du Mont Pelée et dont la famille a perdu les biens. le narrateur consacre plusieurs pages à cette catastrophe apocalyptique, qui a balayé Saint-Pierre. ( éruption que Daniel Picouly évoque aussi dans Quatre-vingt-dix secondes »)
Un paysage de désolation qui contraste avec le bocage normand où il s'est installé.

Dans le chapitre : «  Docteur Garcin, I presume ? »,qui montre le neurologue en activité, à la Salpêtrière, on réalise ce qui l'a conduit à une telle notoriété, un charisme , une bonté hors normes et un viatique : «  Écoutez vos malades, ce sont vos seuls maîtres ». Jérôme Garcin a regroupé les témoignages dithyrambiques de ses confrères, de ceux qui ont travaillé à ses côtés ( étudiants, internes) et encore plus touchant, il a recueilli la gratitude d'une de ses patientes. Il a écumé les archives familiales et déniché des articles qui mettent en exergue son côté « janséniste » cultivant la satisfaction du devoir accompli, ainsi que sa force d'âme « qui lui permirent de supporter les épreuves, les morts accidentelles de sa femme, de son petit-fils ». Pour Jean Métellus,  « cet honnête homme incarnait la grande médecine sensuelle, tactile, visuelle, auditive et olfactive ».

L'auteur peut être fier de ses prédécesseurs, qui ont eu accès à des postes prestigieux, à l'Académie de Médecine. le docteur Chauffard a même eu l'honneur de soigner un certain Verlaine. le « Papi » a légué à son fils Philippe «le goût de la perfection, la vertu de l'altruisme, une faculté phénoménale de travail ». et à son petit-fils la passion pour la littérature.


Ce sont ses «  tourtereaux » de parents qui ont » clos le roman-fleuve de la médecine », toutefois il les considère « cliniciens », pratiquant « la chirurgie artistique ». Ils avaient trouvé dans la peinture et la littérature, « les remèdes à la cléricature ».
Sa mère, fille du pédopsychiatre Launay, qui restaurait les tableaux avait transformé leur salon « en bloc opératoire sentant le détergeant et la térébenthine ».
Quant à son père, « éditeur aux Presses Universitaires de France », tel un « obstétricien, il accouchait ses auteurs après avoir accompagné et surveillé leur grossesse ».( On pense à Amélie Nothomb qui, chaque année, est «  enceinte » d‘un nouveau roman.)
L'auteur se livre à un considérable name- dropping des penseurs de l'époque dont son père a publié «  les oeuvres pérennes ».
En brossant le portrait de cet homme dynamique, qui force admiration et respect,plane l'ombre de l'absent, de l'enfant perdu. Relire La chute (3) qui relate le destin tragique de son père. Jérôme Garcin nous donne une autre définition du «  syndrome de Garcin «  dans la mesure où son père laissait « ses émotions à la maison , en dissimulant la douleur d'avoir perdu un enfant ». Il y voit une façon « d'être au monde sous une carapace », « de cultiver la solitude dans des lieux fréquentés », «  de se donner aux autres avec parcimonie », «  d'être plongé dans une incessante conversation avec soi-même », « de s'ingénier à n'être jamais percé ».
Par ce récit, Jérôme Garcin permet de voir l'évolution de la médecine avec « la chaîne des découvertes » et montre des aïeux , la vocation chevillée au corps, investis dans les recherches ( neurologie) pour faire évoluer les diagnostics et traitements.

Si Laurent Selsik se considère « un fils obéissant » en conjuguant l'activité de médecin et d'écrivain, Jérôme Garcin relate la rupture dans la chaîne familiale « hippocratique ». L'occasion pour lui de payer sa dette à ses grand-pères dans un exercice d'admiration très émouvant et de revenir sur deux disparitions très éprouvantes. Celles de son père et de son frère à qui il a élevé «  des tombeaux de papier ». Écrire pour témoigner, pour qu'on ne les oublie pas et pour laisser une trace. N'écrit-on pas par consolation ? En résumé le biographe de la famille Garcin conclut   : «  si soigner, c'est sauver des vies, écrire c'est les prolonger ».
Jérôme Garcin signe un récit intime, émaillé d'éclats de poésie, dans lequel il réussit une chirurgie délicate, à savoir « ligaturer deux mémoires » dans cette « dynastie de mandarins ».
On connaît le journaliste à l'Obs, l'écrivain « intranquille », l'animateur du Masque et la Plume, une nouvelle casquette à lui ajouter : chantre de la mémoire familiale.
Quant à sa petite-fille, Lou, peut-être embrassera-t-elle une carrière médicale ?



(1) Définition du Syndrome de Garcin : « Paralysie unilatérale progressive, plus ou moins étendue de nerfs crâniens ».

(2) : Olivier de Jérôme Garcin, récit autobiographique qui relate le destin tragique du frère jumeau de l'auteur. Gallimard.
(3) La chute de Jérôme Garcin. Gallimard.
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La Feuille Volante n° 1248
Le Syndrome de Garcin - Jérôme GARCIN – Gallimard.

Une partie de l'oeuvre de Jérôme Garcin est consacrée à la vie de ceux qui ont disparu en ne laissant dans la mémoire collective qu'une trace bien ténue.
Ici, il remonte son propre arbre généalogique, sur sept générations, et choisit plus particulièrement de nous parler de ses deux grands-pères, tous les deux professeurs de médecine, Raymond Garcin du côté paternel qui s'était consacré à la neurologie et Clément Launay du côté maternel qui avait choisi la psychiatrie. Même si tout les opposait, ils furent dans leur métier qu'ils exercèrent l'un et l'autre avec passion, des précurseurs. Cette lignée «hypocratique » du côté paternel doit d'ailleurs beaucoup à la compétence mais aussi aux mariages successifs «entre soi» (l'étudiant brillant qui épouse la fille de son grand patron) qui favorisent les carrières, la lignée médicale et le mandarinat, sans oublier l'alliance traditionnelle avec l'Église catholique. le titre de ce récit s'inspire d'ailleurs du syndrome annonciateur de troubles neurologiques invalidants décrit par le professeur Garcin. L'auteur découvre donc cette généalogie inconnue de lui et cela commence un peu par hasard et du côté paternel, avec un autodidacte garçon barbier d'Uzerche, monté à Paris et qui termine sa vie comme premier chirurgien de Napoléon Bonaparte, avec Légion d'Honneur, baronnie et une confortable pension. Puis suivent des professeurs, auteurs d'ouvrages et académiciens de médecine, dont l'un d'eux soigna le cirrhose de Verlaine, un autre occupa la chaire de Charcot et un troisième fut le médecin de Pierre Loti.
Du côté maternel, Launay, le hasard voulu que cette famille de médecins commence par la ruralité pour se prolonger par la pédopsychiatrie, mais en ligne directe cette fois, et si son grand-père Raymond Garcin vint de la Martinique, son aïeul Clément Launay avait ses racines en Normandie. Ils exercèrent cependant leur science, qui était un art, dans la capitale. Les travaux de son grand-père Launay prennent ici une dimension toute personnelle pour l'auteur puisque son frère jumeau a été fauché par un chauffard à l'âge de 6 ans le laissant « orphelin » de « ce double éternel ». Pourtant ni l'un ni l'autre de ces éminents médecins ne dérogea à la règle non écrite qui veut qu'on ne soigne pas les siens, ce qui augmentait leur aura et leur mystère pour le petit garçon qu'était alors Jérôme.
Ce livre est consacré aux deux grands-pères de l'auteur avec peut-être davantage de détails et de pages pour le de Professeur Raymond Garcin. le titre de ce récit-hommage est tiré du syndrome éponyme, l'auteur y ajoute de nombreux témoignages de médecins et de patients et bien entendu ses souvenirs personnels, en passant par deux phrases mises en exergue de cet ouvrages et tirées de ses écrits. Pourtant la lignée semble s'arrêter là puisque aucun de leurs enfants n'a choisi la médecine.

Comme je l'ai déjà dit dans cette chronique, j'ai apprécié le style fluide et agréable à lire de Jérôme Garcin, un de ces auteurs contemporains capable de réconcilier avec la lecture même les plus réticents. Il y a certes des mots techniques inévitables de maladies et de thérapies, sans doute rebutants pour le non-spécialiste, mais derrière la nostalgie du temps qui passe et aussi le chagrin, camouflés sous les mots qui inspirent au lecteur de l'émotion, il y a parfois cette touche d'humour subtil qui imprime, au détour d'une phrase, un sourire fugace sur son visage.
Ce livre vient compléter, mais d'une façon très particulière et personnelle, la démarche de l'auteur entamée, il y a quelques années déjà, pour que nous n'effacions pas de notre mémoire ceux qui, jeunes ou vieux, ont été fauchés par la mort. Un tel parti-pris ne peut laisser personne indifférent tant il est vrai que les mots aussi peuvent arracher quelque chose à la mort, à l'oubli.

© Hervé GAUTIER – Mai 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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Garcin, tel qu'en lui même, poursuit l'épopée de sa famille. Et c'est toujours fort séduisant. Ici, il s'agit d'une sorte de retour aux origines, qui peut être lu comme une tentative d'arbre généalogique, où dominent ceux que l'on pourrait nommer les représentants médicaux de la tribu. Mine de rien, on commence à se rendre compte que l'animateur du Masque et la Plume parvient à construire une oeuvre cohérente très personnelle dont chaque étape ("La chute de cheval", "Olivier"...) constitue un tombeau en forme de dédicace dédié à ceux qu'il a aimés et qui sont souvent partis trop vite. La petite musique de Garcin est décidément bien attachante. A lire !
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critiques presse (3)
LaCroix
24 janvier 2018
Jérôme Garcin retrace l’histoire de sa lignée qui, depuis sept générations, a donné une suite de médecins, humanistes et lettrés.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LePoint
22 janvier 2018
« Le Syndrome de Garcin » explore la dynastie dont l'idiosyncrasie l'a constitué, lui, Jérôme, l'écrivain.
Lire la critique sur le site : LePoint
LaLibreBelgique
18 janvier 2018
Avec son stéthoscope à lui, il écoute battre le cœur de ses ancêtres.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (36) Voir plus Ajouter une citation
Or, l'image, troublante et merveilleuse, de ces grands-pères lettrés et contemplatifs fut si forte qu'elle a dicté, à mon insu, mes premiers choix de romans. A douze ou treize ans, j'ai ainsi dévoré tous ceux du docteur écossais Archibald Joseph Cronin, auteur d'une thèse sur les anévrismes, dont la plupart des titres, de La Citadelle au Destin de Robert Shannon, du Signe du caducée à Sur les chemins de ma vie, mettent en scène des médecins des pauvres dans les villes minières et industrielles de la vieille Angleterre.

Des romans pas fameux, rédigés dans une prose pastorale, chargés de bons sentiments, pleins de dialogues pontifiants et dont les intrigues manichéennes ne visaient qu’à édifier le lecteur, mais où je retrouvais, à chaque page, des figures familières et des histoires, des drames, des maladies dont j'entendais si souvent parler à table.

Et si, à la même époque, j'ai dévoré Le Chien des Baskerville ou La Vallée de la peur, c'était moins pour Sherlock Holmes que pour Conan Doyle, dont j'aimais qu'il eût été maître en chirurgie, officier de santé à bord du baleinier Hope.
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Une fois le patient reconduit dans sa chambre, Monsieur Garcin formulait ses hypothèses, localisait le siège de la lésion, tout en feignant de confesser ses doutes et de critiquer ses propres conclusions. Il livrait enfin un diagnostic - il pouvait trouver une maladie d'Osler derrière une hémiplégie ou déceler un ulcère gastrique sous une myopathie -qu'il augmentait ensuite de considérations plus générales sur l'histoire des symptômes et des syndromes qu'en bon arpenteur du cadastre humain il venait de relever à main nue.

Certains internes, craignant de les oublier, notaient sur leurs cahiers ses meilleures formules, qui tenaient de l'oracle ou de l'apophtegme : « Les paralysies du grand dentelé se cachent derrière des gilets de flanelle » ; « Enseigner, ce n'est pas faire preuve d'érudition, c'est choisir»; «II ne nous suffit pas de connaître, il nous faut encore comprendre » ; ou « L'instrument intellectuel le plus important, c'est un examen rigoureux perfectionné par la fréquentation assidue des malades».
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« La base de la médecine est l'amour. Pauvre de cœur, si intelligent soit-il, un être d'élite fera peut-être un savant remarquable, mais un médecin mediocre ».

À l'un d'entre eux, qui déplorait l'abattement moral du malade dont il avait la charge, le Prix Nobel Charles Nicolle avait répondu : « Lui avez-vous pris la main, au moins ? » C'est Georges Duhamel qui avait rapporté à mon grand-père ce mot magnifique, dont il avait fait sa devise et son ordonnance.

Il croyait en effet, bien avant la prescription des médicaments, à la vertu des gestes les plus simples, aux verbes essentiels, toucher, écouter, parler, accompagner, soulager. Il s'inquiétait de l'inéluctable déshumanisarion de sa discipline et de la disparition programmée du médecin de famille.
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«Votre grand-père a été mon père », me confia Jean Métellus, très ému, beau visage noir barré d'une moustache blanche, soudain si sensible sous sa carrure olympienne, le jour où nous déjeunâmes ensemble pour fêter la parution, en 1990, chez Gallimard, dans la collection Blanche, de son roman Charles-Honoré Bonnefoy, sous-titré La seconde vie d'un grand médecin.

Derrière ce pseudonyme se cachait en vérité Raymond Garcin, qui le prit sous son aile lorsqu'il arriva, à vingt-deux ans, sans un sou en poche, à Paris. Les deux insulaires, qui s'exprimaient dans le français châtié et métaphorique des pays lointains, se reconnurent aussitôt. Ils n'avaient pas la même couleur de peau, mais partageaient les mêmes origines, modestes et brûlantes.
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Dans Le Monde des médecins au XXe siècle (Editions Complexe, 1996), l'historienne Bénédicte Vergez note que « si, en 1935, 28 % des gendres des membres de l'Académie de médecine appartenaient à l'élite médicale, ce n'était le cas que de 16 % des fils d’académiciens.

La raison en est simple, ajoute-t-elle : si l'on ne choisit pas son fils, on choisit son gendre. Lorsqu'une fille de patron a l'occasion de rencontrer un futur médecin, il a souvent franchi les premiers degrés de la sélection hospitalière. Les chefs de service reçoivent leurs internes chez eux, parfois pour des dîners, aussi pour la préparation d'articles ou d'ouvrages ; les chirurgiens emmènent les leurs pour opérer "en ville" ou dans leurs cliniques.
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Vidéo de Jérôme Garcin
Jérôme Garcin vous présente son ouvrage "Écrire et dire : entretiens avec Caroline Broué" aux éditions des Équateurs. Entretien avec Jean-Claude Raspiengeas.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/3002979/jerome-garcin-ecrire-et-dire-entretiens-avec-caroline-broue
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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