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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
En parcourant son arbre généalogique, Jérôme Garcin ne raconte pas seulement la vie de ses grands parents et arrière grands parents, mais décrit l'évolution de la médecine, du statut social du Docteur, voire du Professeur, ou de l'académicien, membre de l'Académie de Médecine, de père en fils, ou de père en gendre … époque où la famille jouait un rôle essentiel dans la transmission du savoir et du pouvoir… « les humanités ».

L'une de ses branches familiales, originaire de la Martinique, est arrivée à Paris lors de l'éruption du Volcan Pelé, tragédie qui décima la famille d'une de mes grands-mères, ce qui a rendu cette lecture mélancolique, mais est fort intéressant en notre siècle où l'intégration est une préoccupation essentielle.

Le père du romancier fut éditeur, lui est un humaniste qui joue sa partition à la radio depuis des décennies, et ils sont à jamais marqués par les qualités d'écoute de leurs ancêtres, sans avoir persévéré dans la médecine. Cette écoute est peut être ce qui manque aujourd'hui lors de certaines consultations …
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Garcin, tel qu'en lui même, poursuit l'épopée de sa famille. Et c'est toujours fort séduisant. Ici, il s'agit d'une sorte de retour aux origines, qui peut être lu comme une tentative d'arbre généalogique, où dominent ceux que l'on pourrait nommer les représentants médicaux de la tribu. Mine de rien, on commence à se rendre compte que l'animateur du Masque et la Plume parvient à construire une oeuvre cohérente très personnelle dont chaque étape ("La chute de cheval", "Olivier"...) constitue un tombeau en forme de dédicace dédié à ceux qu'il a aimés et qui sont souvent partis trop vite. La petite musique de Garcin est décidément bien attachante. A lire !
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Mieux vaut ne pas connaître « le syndrome de Garcin » (1) qui doit son nom à Raymond Garcin, éminent neurologue, grand-père paternel de l'auteur.
Il lui rend un vibrant hommage dans ce récit et dresse le portrait d'un homme «  humaniste », plein de compassion pour la souffrance de ses semblables, avec la vocation de soigner, « de guérir parfois, soulager souvent », d'alléger les maux.

Si les souvenirs de ses jeunes années se sont évanouis, Jérôme Garcin les exhume d'une lettre de sa mère. Il adorait ce grand-père ( qui avait le culte de la famille) et ne voulait pas le partager avec son jumeau Olivier (2) On devine son besoin «  exclusif » de ces moments de grâce à « apprendre à dessiner, rêver, à colorier le monde ».

Il nous invite dans la maison normande et nous peint la campagne «  vert vif ».Il se remémore leurs sorties en voiture : à bord d'une Versailles !
Son attachement à « cette terre mouillée », à la vallée d'Auge qui abrite «  son refuge, son oratoire, son écritoire.. » remonte à plus de trente ans.


Le récit devient poignant quand Jérôme Garcin nous restitue son pèlerinage, l'été 2016, sur les traces de ce grand-père né en Martinique, au moment où lui aussi est devenu grand-père. Ce retour aux sources le conduit à la maison de Saint-Laurent, voici la tirelire des souvenirs qui s'ouvre : «  C'était bouleversant, enivrant, dérangeant.Je respirais mon passé ».

Il retrace la généalogie de ses ancêtres, cette lignée de «  blouses blanches », notant que ce fut «  une entreprise chimérique ». Il remonte au premier de cordée :Alexis Boyer, au parcours stupéfiant, jusqu'à son grand-père, « l'exilé antillais », qui a dû fuir la colère du Mont Pelée et dont la famille a perdu les biens. le narrateur consacre plusieurs pages à cette catastrophe apocalyptique, qui a balayé Saint-Pierre. ( éruption que Daniel Picouly évoque aussi dans Quatre-vingt-dix secondes »)
Un paysage de désolation qui contraste avec le bocage normand où il s'est installé.

Dans le chapitre : «  Docteur Garcin, I presume ? »,qui montre le neurologue en activité, à la Salpêtrière, on réalise ce qui l'a conduit à une telle notoriété, un charisme , une bonté hors normes et un viatique : «  Écoutez vos malades, ce sont vos seuls maîtres ». Jérôme Garcin a regroupé les témoignages dithyrambiques de ses confrères, de ceux qui ont travaillé à ses côtés ( étudiants, internes) et encore plus touchant, il a recueilli la gratitude d'une de ses patientes. Il a écumé les archives familiales et déniché des articles qui mettent en exergue son côté « janséniste » cultivant la satisfaction du devoir accompli, ainsi que sa force d'âme « qui lui permirent de supporter les épreuves, les morts accidentelles de sa femme, de son petit-fils ». Pour Jean Métellus,  « cet honnête homme incarnait la grande médecine sensuelle, tactile, visuelle, auditive et olfactive ».

L'auteur peut être fier de ses prédécesseurs, qui ont eu accès à des postes prestigieux, à l'Académie de Médecine. le docteur Chauffard a même eu l'honneur de soigner un certain Verlaine. le « Papi » a légué à son fils Philippe «le goût de la perfection, la vertu de l'altruisme, une faculté phénoménale de travail ». et à son petit-fils la passion pour la littérature.


Ce sont ses «  tourtereaux » de parents qui ont » clos le roman-fleuve de la médecine », toutefois il les considère « cliniciens », pratiquant « la chirurgie artistique ». Ils avaient trouvé dans la peinture et la littérature, « les remèdes à la cléricature ».
Sa mère, fille du pédopsychiatre Launay, qui restaurait les tableaux avait transformé leur salon « en bloc opératoire sentant le détergeant et la térébenthine ».
Quant à son père, « éditeur aux Presses Universitaires de France », tel un « obstétricien, il accouchait ses auteurs après avoir accompagné et surveillé leur grossesse ».( On pense à Amélie Nothomb qui, chaque année, est «  enceinte » d‘un nouveau roman.)
L'auteur se livre à un considérable name- dropping des penseurs de l'époque dont son père a publié «  les oeuvres pérennes ».
En brossant le portrait de cet homme dynamique, qui force admiration et respect,plane l'ombre de l'absent, de l'enfant perdu. Relire La chute (3) qui relate le destin tragique de son père. Jérôme Garcin nous donne une autre définition du «  syndrome de Garcin «  dans la mesure où son père laissait « ses émotions à la maison , en dissimulant la douleur d'avoir perdu un enfant ». Il y voit une façon « d'être au monde sous une carapace », « de cultiver la solitude dans des lieux fréquentés », «  de se donner aux autres avec parcimonie », «  d'être plongé dans une incessante conversation avec soi-même », « de s'ingénier à n'être jamais percé ».
Par ce récit, Jérôme Garcin permet de voir l'évolution de la médecine avec « la chaîne des découvertes » et montre des aïeux , la vocation chevillée au corps, investis dans les recherches ( neurologie) pour faire évoluer les diagnostics et traitements.

Si Laurent Selsik se considère « un fils obéissant » en conjuguant l'activité de médecin et d'écrivain, Jérôme Garcin relate la rupture dans la chaîne familiale « hippocratique ». L'occasion pour lui de payer sa dette à ses grand-pères dans un exercice d'admiration très émouvant et de revenir sur deux disparitions très éprouvantes. Celles de son père et de son frère à qui il a élevé «  des tombeaux de papier ». Écrire pour témoigner, pour qu'on ne les oublie pas et pour laisser une trace. N'écrit-on pas par consolation ? En résumé le biographe de la famille Garcin conclut   : «  si soigner, c'est sauver des vies, écrire c'est les prolonger ».
Jérôme Garcin signe un récit intime, émaillé d'éclats de poésie, dans lequel il réussit une chirurgie délicate, à savoir « ligaturer deux mémoires » dans cette « dynastie de mandarins ».
On connaît le journaliste à l'Obs, l'écrivain « intranquille », l'animateur du Masque et la Plume, une nouvelle casquette à lui ajouter : chantre de la mémoire familiale.
Quant à sa petite-fille, Lou, peut-être embrassera-t-elle une carrière médicale ?



(1) Définition du Syndrome de Garcin : « Paralysie unilatérale progressive, plus ou moins étendue de nerfs crâniens ».

(2) : Olivier de Jérôme Garcin, récit autobiographique qui relate le destin tragique du frère jumeau de l'auteur. Gallimard.
(3) La chute de Jérôme Garcin. Gallimard.
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La Feuille Volante n° 1248
Le Syndrome de Garcin - Jérôme GARCIN – Gallimard.

Une partie de l'oeuvre de Jérôme Garcin est consacrée à la vie de ceux qui ont disparu en ne laissant dans la mémoire collective qu'une trace bien ténue.
Ici, il remonte son propre arbre généalogique, sur sept générations, et choisit plus particulièrement de nous parler de ses deux grands-pères, tous les deux professeurs de médecine, Raymond Garcin du côté paternel qui s'était consacré à la neurologie et Clément Launay du côté maternel qui avait choisi la psychiatrie. Même si tout les opposait, ils furent dans leur métier qu'ils exercèrent l'un et l'autre avec passion, des précurseurs. Cette lignée «hypocratique » du côté paternel doit d'ailleurs beaucoup à la compétence mais aussi aux mariages successifs «entre soi» (l'étudiant brillant qui épouse la fille de son grand patron) qui favorisent les carrières, la lignée médicale et le mandarinat, sans oublier l'alliance traditionnelle avec l'Église catholique. le titre de ce récit s'inspire d'ailleurs du syndrome annonciateur de troubles neurologiques invalidants décrit par le professeur Garcin. L'auteur découvre donc cette généalogie inconnue de lui et cela commence un peu par hasard et du côté paternel, avec un autodidacte garçon barbier d'Uzerche, monté à Paris et qui termine sa vie comme premier chirurgien de Napoléon Bonaparte, avec Légion d'Honneur, baronnie et une confortable pension. Puis suivent des professeurs, auteurs d'ouvrages et académiciens de médecine, dont l'un d'eux soigna le cirrhose de Verlaine, un autre occupa la chaire de Charcot et un troisième fut le médecin de Pierre Loti.
Du côté maternel, Launay, le hasard voulu que cette famille de médecins commence par la ruralité pour se prolonger par la pédopsychiatrie, mais en ligne directe cette fois, et si son grand-père Raymond Garcin vint de la Martinique, son aïeul Clément Launay avait ses racines en Normandie. Ils exercèrent cependant leur science, qui était un art, dans la capitale. Les travaux de son grand-père Launay prennent ici une dimension toute personnelle pour l'auteur puisque son frère jumeau a été fauché par un chauffard à l'âge de 6 ans le laissant « orphelin » de « ce double éternel ». Pourtant ni l'un ni l'autre de ces éminents médecins ne dérogea à la règle non écrite qui veut qu'on ne soigne pas les siens, ce qui augmentait leur aura et leur mystère pour le petit garçon qu'était alors Jérôme.
Ce livre est consacré aux deux grands-pères de l'auteur avec peut-être davantage de détails et de pages pour le de Professeur Raymond Garcin. le titre de ce récit-hommage est tiré du syndrome éponyme, l'auteur y ajoute de nombreux témoignages de médecins et de patients et bien entendu ses souvenirs personnels, en passant par deux phrases mises en exergue de cet ouvrages et tirées de ses écrits. Pourtant la lignée semble s'arrêter là puisque aucun de leurs enfants n'a choisi la médecine.

Comme je l'ai déjà dit dans cette chronique, j'ai apprécié le style fluide et agréable à lire de Jérôme Garcin, un de ces auteurs contemporains capable de réconcilier avec la lecture même les plus réticents. Il y a certes des mots techniques inévitables de maladies et de thérapies, sans doute rebutants pour le non-spécialiste, mais derrière la nostalgie du temps qui passe et aussi le chagrin, camouflés sous les mots qui inspirent au lecteur de l'émotion, il y a parfois cette touche d'humour subtil qui imprime, au détour d'une phrase, un sourire fugace sur son visage.
Ce livre vient compléter, mais d'une façon très particulière et personnelle, la démarche de l'auteur entamée, il y a quelques années déjà, pour que nous n'effacions pas de notre mémoire ceux qui, jeunes ou vieux, ont été fauchés par la mort. Un tel parti-pris ne peut laisser personne indifférent tant il est vrai que les mots aussi peuvent arracher quelque chose à la mort, à l'oubli.

© Hervé GAUTIER – Mai 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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"Mais si je ne témoigne pas de cette tribu clinique, dont seuls d'obscurs traités et des manuels déshumanisés gardent la trace, qui d'autre le fera ?" (P. 64)...
Une tribu familiale, ou plutôt deux tribus, paternelle d'une part, maternelle d'autre part, qui se rencontrèrent à la fois sur les bancs de l'Université , dans les chambres d'hôpitaux et s'unirent sur ceux de l'Eglise...des mandarins sur plusieurs générations...des lignées ininterrompue jusqu'au père de Jérôme Garcin, un père qui préféra l'édition au stéthoscope.
Jérôme Garcin prend la plume pour décrire cette histoire familiale, ces vocations de médecins, mais aussi pour justifier presque son choix de ne pas avoir voulu faire partie de cette lignée, pour expliquer des traumatismes, des pertes qui l'éloignèrent d'une vocation qui ne l'attira pas, pour partager l'histoire de quatre générations de médecins, auprès du Piton de la Fournaise, dans les chambres d'hôpitaux parisiens...
L'enfance de Jérôme se passe auprès de ses deux grands pères.
Son grand-père paternel était un neurologue qui identifia un trouble neurologique invalidant auquel il laissa son nom... un grand père toujours cravaté, même pour aller peindre sur la plage..Son grand père maternel appartenait, quant à lui, à la dynastie des Launay....Des générations d'étudiants en médecine, les accompagnaient lors de leurs visites quotidiennes dans les salles communes ou les chambres d'hôpitaux.
Mais surtout Jérôme souffre, quant à lui, depuis son enfance d'un manque. du manque d'une part de lui-même, de la perte de son frère tué par un chauffard. Une perte dont lui parlera sa grand-mère "Mam me raconte le garçon que j'ai été dans les mois qui ont suivi la mort d'Olivier, me décrit très précisément ma détresse, ma sidération, mon repliement, mes jeux solitaires, mes crises d'angoisse, mes insomnies, mes appels au secours, et aussi ma manière bravache de dévorer la vie, de manger pour deux, de feindre d'ignorer le drame qui, en me traumatisant, m'a métamorphosé au seuil de mes six ans"
Son grand-père côtoyant la mort chaque jour était incapable d'en parler..
C'est peut-être le syndrome qui explique la personnalité de l'auteur Jérôme Garcin, sa sensibilité, son choix de vie, ses titres...Il avait six ans quand il perdit ce frère aîné.
"Quelle consolation ou quelle argumentation, enfin, suis-je donc allé chercher en visitant cette dynastie de mandarins ? Peut-être l'idée toute simple que si soigner, c'est sauver des vies, écrire, c'est les prolonger." écrira-t-il en fin d'ouvrage
Jérôme Garcin...qui, quant à lui, préféra la plume au stéthoscope, comme son père éditeur.
Une plume qui dans ce titre prend presque la forme d'une thérapie, du divan sur lequel ceux qui souffrent d'un manque, ceux qui s'interrogent sur eux-mêmes vont s'allonger...
Une plume qui nous permet de mieux le connaître. Et, en ce qui me concerne, de toujours l'apprécier
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Garcin livre au lecteur sa généalogie décrite avec une plume tendre, taquine, malicieuse, compassionnelle. Tel qu'il est à l'antenne, mais aussi dans ses romans.
On remonte au fil des pages la longue lignée des Garcin et Launay, tous médecins pendant des siècles jusqu'à la rupture signée par le père de Jérôme mais aussi sa mère, qui ne se marie pas avec un médecin.
L'auteur, en reprenant les archives complétées par ses souvenirs, raconte le temps perdu où être docteur était aussi être homme de lettres.
Ce projet d'écriture sur les siens lui permet de tirer au clair les coups du destin, les coïncidences, les secrets, la raison des rencontres, des mariages, des disparitions.... Un réel travail en psycho-généalogie.

Le tout sur un mélange comique et dramatique dont Garcin a la recette.

Un court texte, émouvant, qui redonne au médecin ses titres de noblesse.

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À travers ce récit, Jérôme Garcin parle de ses ancêtres, longue lignée de sommités médicales.
Des confidences érudites, humoristiques, sentimentales au sujet. de ces célèbres praticiens hospitaliers.
ce livre m'a beaucoup séduite, mêlant avec talent et subtilité, l' intimité, l'histoire de la médecine et le progrès scientifique.
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