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Critique de Herve-Lionel



N°950– Août 2015

POUR JEAN PREVOST – Jérôme Garcin- Gallimard

J'avoue bien volontiers que j'en ai parfois un peu assez de supporter le solipsisme des écrivains qui semblent n'avoir pour centre d'intérêt qu'eux-mêmes et qui, à ce titre, nous assènent leur façon de penser et parfois leur manière d'être comme autant de modèles. Comme je l'ai dit maintes fois dans cette chronique, j'aime lire des biographies, surtout quand elles sont bien écrites et nous parlent d'un être qui à honoré son passage sur terre mais que la nature humaine, toujours égale à elle-même, s'est dépêchée d'oublier. L'auteur rappelle opportunément que « l'oubli est la forme la plus raffinée,la plus hypocrite des trahisons ».

Sa trop grande jeunesse lui avait interdit l'engagement dans l'armée pendant la Grande Guerre, mais il résista toute sa vie, obsédé par l'action, par la mort au combat, en pleine jeunesse. C'est là un paradoxe pour cet homme qui était avant tout pacifiste mais sous un tempérament de boxeur, de bretteur de sportif et de séducteur, il y avait chez lui autant d'énergie contenue que d'amour de la vie et des femmes. Il était antimilitariste par principe mais combattant par nécessité, germanophile mais patriote avant tout et fera tout pour bouter les nazis hors du territoire national. Qu'il soit étudiant ou combattant, il s'opposa, se révolta toujours ! C'est peut-être là le destin de ceux qui mourront jeunes et le savent. Une telle attitude ne procure pas que des sympathies, qu'importe, logique avec lui-même, il sera le capitaine Goderville de la Résistance, mort à 43 ans dans le massif du Vercors face à l'ennemi, les armes à la main. Il reprend à son compte le principe romain qui veut qu'« On ne meurt que pour le plaisir de rester digne de soi-même ».

Normalien et écrivain, c'est aussi un intellectuel original, passionné par son temps mais aussi par Baudelaire, par Stendhal et par Montaigne, un humaniste, à la fois idéaliste et épicurien, poète et journaliste intransigeant, épris de liberté. Il sera aussi l'ami et le protecteur de Saint-Exupéry dont il partagea la destinée guerrière et et peut-être aussi la mort héroïque. Chef emblématique de sa compagnie de Résistants, il fut un officier qui ne vénérait pas les galons et qui détestait les rituels militaires.

Dans ce livre qu'il consacre à Jean Prévost (1901-1944) on sent chez Jérôme Garcin une révolte contre cette amnésie d'autant plus grande que nombre d'hommes dont la conduite n'a pas été, pendant la guerre, des plus exemplaires ont su se faire oublier et prendre le pas sur ceux qui avaient fait le sacrifice de leur vie. Ce n'est pas la première fois que l'espèce humaine se révèle à la fois amnésique et injuste. Certes des rues, des places, des collèges portent son nom mais l'oubli a cependant recouvert son oeuvre littéraire autant que sa personne

Avec cet ouvrage publié en 1994 (Prix Médicis essai 1994), Jérôme Garcin inaugure ce qui constituera, en plus de son oeuvre romanesque, une autre facette de sa démarche littéraire, des évocations de personnages souvent flamboyants et originaux mais dont l'histoire et la mémoire collective n'ont pas gardé de trace. J'ai plaisir, dans cette chronique, à saluer une nouvelle fois sa démarche.

Hervé GAUTIER – Août 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
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