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Citations sur Marcher à Kerguelen (31)

Kerguelen est voué au vent. Son souffle ne semble jamais devoir cesser, ni devoir cesser de nous suprendre. Il varie en force et en direction selon des logiques qui m'échappent, où se conjuguent perturbations océaniques, effets du relief, influence du soleil et pur caprice. Imprévisible et souverain, il décide de nos journées. Au-delà de trente noeuds, il rend la progression pénible ; allié à la pluie, il nous accable de froid ; virevoltant il prend appui sur les sacs à dos pour nous infliger de rudes bourrades ; bavard, sifflant, hurlant, grondant, il nous empêche de parler ; tourbillonnant, il nous aveugle.
Et lorsqu'il cesse, que rien ne bouge ni ne vibre dans l'air, que le murmure du ruisseau devient perceptible, et le rebond du caillou dérangé, et le bruit sourd des bâtons de Bertrand devant moi, son absence provisoire fait ressortir plus encore sa domination --- absence aussi étonnante, aussi déconcertante qu'une éclipse.
Le vent n'est pas un élément du paysage de Kerguelen, il en est l'essence même...
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Nous sommes pauvres d'une pauvreté choisie. En somme nous avons prononcé des voeux temporaires. Pauvreté, donc. Chasteté évidemment. Obéissance, non au chef que nous nous sommes donnés, mais au projet.
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Loin devant moi j'aperçois un objet que d'abord je n'identifie pas, un O posé verticalement en travers de notre marche, un O blanc, festonné. Ce sont des bois de renne, blancs et blanchis par le soleil et la pluie. Mais pourquoi ne gisent-ils pas à terre, après être tombés à l'automne de la tête d'un mâle ?
Il faut arriver à leur niveau pour comprendre: deux carcasses de rennes se font face, et se tiennent par les bois. Ne subsistent que les poils, la peau, les os, tout le reste a été nettoyé par les skuas. Et les bois, indissolublement liés. En regardant mieux, nous constatons que dans leur rivalité au moment du rut, le plus fort a percé la boîte crânienne de son rival, le tuant sans doute sur le coup dans la violence du choc. Sa victime est tombée à terre, toujours liée par les bois à son assassin, lequel, ne pouvant ni se dégager ni manger, est mort de faim.
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Jeudi 26 novembre--4ème jour
Les grandes eaux de Versailles ne sont que ruisselet, mesurées au débit de ce qui m'environne. Ce sont les jeux d'eau de la villa d'Este démultipliés à l'infini, les fantaisies d'un fontainier de génie pour un cardinal romain devenu fou. Hippolyte d'Este avait son allée des cent fontaines ? Qu'il pâlisse, qu'il jalouse cette vallée des dix mille cascades.
Malgré le froid et le déluge que nous subissons, cette remontée est un enchantement, et je la parcours avec une joie sans limite : c'est bien cela que je suis venu chercher, ces excès dans le paysage, ces scènes que bien peu ont vues. Autour de moi tout chante la puissance souveraine de l'eau, le lac, les cascades, les névés suspendus, la pluie, mes vêtements trempés, la brume, tout se mêle, se confond, déborde, dans une fantaisie baroque hallucinée.
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Je crois me souvenir de l'énoncé d'une loi scientifique. Plus on va vers l'équateur, plus les espèces sont variées et leurs effectifs faibles; plus on va vers les pôles, moins on a d'espèces, mais avec de très grandes populations. Aucune évidence ne justifie pareille logique, les lois de la nature sont plus arbitraires que celles des hommes, et la proposition pourrait parfaitement être inversée, mais enfin c'est ainsi.
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Rien ne serait plus hypocrite que de laisser croire à la chronique d'un exploit. L'effort que nous affrontons -vingt-cinq jours de marche avec vingt-cinq kilos sur le dos- n'eut pas impressionné les grognards de la Grande Armée. Il ne surprend que notre paresse contemporaine, où ascenseurs, escaliers mécaniques, voitures, trains et métros nous reposent en permanence.
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L'île nous ignore, et n'a que faire de nous. Elle est. Nous passons.
(p.43)
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Ainsi, j'ai choisi de perdre le temps. Dans ces paysages où ne résonnent les cloches d'aucune église, s'en remettre au mouvement des astres, aux impératifs de l'estomac, à la dictature de la fatigue. Je me suis progressivement désintoxiqueé de l'impérialisme du cadran.
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Kerguelen est une île océanique, et a certains traits d'un continent minuscule. A l'échelle de la planète, un accident négligeable, au mieux une curiosité. Kerguelen est un avorton, une tentative inaboutie. Un continent qui n'a pas réussi.
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Vers la cabane Ring
Lundi 23 novembre--1er jour
Les îles Nuageuses ferment l'horizon, et, fidèles à leur nom, restent encapuchonnées comme deux vieilles dames craignant de s'enrhumer. L'océan austral, animé d'une faible houle, comme un coeur qui bat, s'irise de nuances ardoise, suggérant une dureté qu'aucune étrave ne parviendrait à fendre. À gauche, un cap parallèle, empilement tabulaire de coulées basaltiques, protège une baie ouverte au Nord, en apparence accueillante.
... Je me tiens au Sud du monde, sur une terre inhabitée.
... Nous ne parlons pas. Nous nous préparons à traverser un néant
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