J'ai beaucoup aimé ce livre, que ce soit sur la forme et le fond. Il relate deux voyages ethnologiques de l'auteur à Chambri, village proche du fleuve Sepik en Papouasie Nouvelle-Guinée. Les carnets relatent la compréhension de l'auteur de la culture de ce village (les groupes culturels étant en fait très nombreux en Papouasie, on sent que ce qu'il apprend est relatif à ce village et sûrement très différent dans le village voisin), agrémenté d'aquarelles pour aider à la compréhension du lecteur. J'aimerais d'ailleurs trouver et lire beaucoup plus de livres comme celui-ci: intéressants, beaux et donnant à découvrir des cultures éloignées de la nôtre en mettant les différentes notions au niveau de néophytes.
On trouve tout d'abord une légèreté du ton très appréciable pour une forme de voyage assez aventurière: l'auteur a vu une exposition à Bâle sur l'art papou et 2 semaines plus tard il débarquait en Papouasie où il ne connaissait personne et n'avait pas réservé d'hôtel.
On sent qu'il y a une curiosité et une ouverture d'esprit forte ainsi qu'une facilité pour les rencontres : il va cueillir des mangues dans le jardin avec le gardien du musée à Port Moresby, il a passé des jours à se promener dans la ville pour saluer les gens, faire naître un sourire ou une conversation. J'aime beaucoup sa façon de voyager et j'apprécie énormément la façon dont il en parle. ça fait penser un peu aux livres de
Nigel Barley, avec l'humour noir anglais en moins.
Les carnets sont par ailleurs clairement des carnets de croquis. On y trouve de belles aquarelles du voyage en lui-même et de très belles reproductions au crayon d'oeuvres papoues réparties dans des musées prestigieux autour du monde. Une carte montre aussi l'itinéraire de l'auteur, ce qui est très appréciable car je n'étais pas familière de la géographie de la Papouasie Nouvelle-Guinée.
Ces aquarelles sont des supports à la description détaillée de la vie dans ce village de Chambri avec ses joies (jeux de ficelle) et ses problèmes (plantes aquatiques envahissantes qui empêchent les femmes d'aller pêcher et provoquent donc la famine), son organisation (chemin des hommes et des femmes, maison cérémonielle, moustiquaires, crochets rituels…) et rendent le propos ethnologique beaucoup plus abordable.
J'ai eu l'impression de plonger à l'époque où des botanistes et scientifiques s'embarquaient sur les navires pour documenter par leurs dessins et aquarelles les découvertes du bout du monde. Ces carnets m'ont fait penser à Humboldt dont j'avais découvert l'oeuvre lors d'une exposition et qui m'avait très fortement impressionnée (même si les aquarelles sont beaucoup moins fines) et ont réveillé chez moi plein de rêves de voyages en terra incognita.