Quand Rachid est arrivé d'Algérie à Paris, il a tout de suite trouvé du travail dans une gare comme balayeur, et celle-ci est devenue son univers. Il la connait dans ses moindres recoins, il connait aussi tous les horaires des trains, il habite juste à côté. Il est heureux dans cet endroit qu'il s'est approprié. Mais un jour il est convoqué et on lui annonce qu'il est licencié, une machine à nettoyer va remplacer plusieurs balayeurs. Que peut-il trouver d'autre, que va-t-il faire ? Il décide de continuer à balayer sa gare comme si de rien n'était, et il squatte un vieux wagon désaffecté. Mais cette solution ne va pas pouvoir durer....
J'ai vraiment été très touchée par ce récit plein d'humanité et très actuel. Ou comment la vie d'un homme peut être détruit en quelques instants sans qu'il puisse rien faire. En revanche pas de happy end, les contes de fée n'existent pas quand on s'appelle Rachid et qu'on est balayeur !
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L'arrivée du train de 9h51 en provenance de Marseille fit s'envoler une poignée de pigeons gris qui s'éparpillèrent en applaudissant du bout des ailes dans le ciel rouillé de la gare. Appuyé sur son balai, Rachid les regarda se poser un à un sur les poutrelles métalliques qui s'entrecroisaient au-dessus du réseau compliqué des rails. La verrière était si poussiéreuse que, quelle que soit la saison, il faisait toujours le même temps, blanc-jaune le jour, bleu électrique la nuit. Ni ces pigeons ni Rachid ne connaissaient d'autre ciel que celui de la gare et ça suffisait largement. Rachid n'aurait pas pu dire depuis combien de temps il travaillait ici, ses souvenirs n'arrivaient pas à remonter si loin. Il avait bien quelques images de ciel bleu sans limite, sans nuage au-dessus d'une mer aussi bleue et aussi plate qui traînaient tout au fond de lui mais tout cela était rangé dans un coin de sa tête où il ne mettait plus les pieds depuis bien longtemps. C'était dans un autre pays, dans un autre temps, presque dans une autre vie. Sa vraie vie, celle de tous les jours, avait commencé juste à la descente de ce train de 9h51 en provenance de Marseille. Comme elle lui avait paru grande cette gare, immense, plus grande que tout ce qu'il avait connu de grand jusqu'alors, c'est-à-dire la mosquée de son village et on aurait pu en mettre au moins dix là-dedans.
Pascal Garnier que (re)lisez-vous ?