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EAN : 978B0000DPC26
Les Belles Lettres (30/11/-1)
4/5   1 notes
Résumé :
274 pages
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Que lire après Oeuvres complétes : Marc Antoine - HippolyteVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Quatrième tragédie de Robert Garnier, la pièce a été publiée en 1578. Un certain nombre de représentations de la pièce sont attestées, en province et à Paris, même s'il est difficile d'imaginer à quoi pouvaient vraiment ressembler ces représentations ; il n'y a pas d'indications de mise en scène, les lieux où se passent l'action ne sont pas non plus précisés.

Robert Garnier reprend dans ce texte le sujet de la première tragédie humaniste en langue française imitée de l'antique : celui de la Cléopâtre captive d'Etienne Jodelle. La source principale des deux pièces est la même : Plutarque, mais les deux auteurs traitent au final le sujet différemment. le fait de reprendre les mêmes événements et personnages moins de 25 ans après Jodelle, montre à quel point cette thématique correspondait à la sensibilité de l'époque ; elle sera abordée plusieurs fois encore, en particulier dans la pièce importante du point de vue historique de Mairet ; la pièce de Garnier connaîtra même une traduction anglaise.

Le premier acte se compose d'un long monologue de Marc Antoine suivi par une intervention du choeur. Marc Antoine fait état de sa situation désespérée qui ne lui laisse que la perspective de la mort. Il se plaint surtout de ce qu'il considère comme une trahison de Cléopâtre, et déplore s'être abandonné à la passion et à la luxure qui l'ont mené au désastre. le choeur dit les instabilités de la fortune, la vanité de la gloire et des honneurs.

Au deuxième acte, Philostrate (philosophe) déplore les coups du destin. le choeur lui répond en plaignant les malheurs à venir, et en évoquant quelques malheurs historiques ou mythologiques. Ensuite, Cléopâtre échange avec ses familiers. Fidèle à Marc Antoine, elle n'envisage rien d'autre qu'une issue funeste et se refuse à l'éventualité d'essayer de se sauver et à abandonner son amant. le choeur conclut en pleurant les malheurs de l'Egypte et la dureté du conquérant romain.

Au troisième acte nous revenons auprès de Marc Antoine, qui regrette avant tout ce qu'il pense être un abandon de Cléopâtre. Lucile, son ami, essaie de lui démontrer que cette dernière ne l'a pas trahi. de même il lui fait miroiter la possibilité d'un pardon d'Octave. Mais Marc Antoine répond par un éloge de la mort, qui permet de garder la tête haute, de rester fidèle à soi-même. le choeur renchérit.

Le quatrième acte nous amène auprès du vainqueur, Octave. Qui se réjouit d'avoir réduit à néant l'orgueil de Marc Antoine, et d'être resté le seul maître de Rome et du monde, et n'hésite pas devant le meurtre et la destruction pour arriver à ses fins. Il s'humanise toutefois devant l'annonce de la mort de son ennemi, hier ami. le choeur des soldats déplore les guerres civiles, et espère d'avoir enfin gagné la paix.

Dans le cinquième acte, Cléopâtre dit adieu à ses enfants, fait amener le corps agonisant de Marc Antoine au tombeau, et se donne la mort.

La pièce est évidemment très statique, sans véritables événements, juste la mort annoncée des deux amants royaux. Au contraire de la pièce de Jodelle, Marc Antoine est encore en vie au début de la pièce, il est aussi présent que Cléopâtre au final. Les deux déplorations se répondent dans une forme de parallèle, même si les deux personnages ne se parlent pas. Mais Cléopâtre est un personnage au final très positif chez Garnier, aussi éprise de Marc Antoine qu'il l'est d'elle, elle lie complètement son destin au sien. Marc Antoine est un personnage complexe, rongé par le doute sur l'abandon possible de sa maîtresse, habité par la culpabilité d'avoir cédé à cet amour, sa perte est vue comme une sorte de punition. Epris de gloire et d'honneurs, ayant un sentiment fort de sa valeur, il vit le revers de fortune à la fois comme une injustice (devant la valeur moindre de son adversaire) et comme logique compte tenu de sa dégradation par la passion. le choeur lui répond en représentant à la fois les malheurs sur les peuples des revers de la fortune des grands, ce qui avait sans aucun doute un retentissement fort dans la France en proie aux guerres de religion, mais aussi en se réjouissant de n'être pas des personnages éminents, chez qui le malheur peut survenir très vite après le sommet, la trop grande fortune des humains étant en quelque sorte insupportable aux puissances divines.

Il est aussi un peu étonnant de lire une telle glorification du suicide, pourtant pêché capital, une glorification directement inspirée par les stoïciens, dont Sénèque : la seule façon d'échapper aux coups du sort et de préserver sa dignité, la maîtrise des évènements quelles que soient les revers de la fortune. Mais l'humanisme de la renaissance est sans aucun doute complexe.

Je suis émerveillée à chacune de mes lectures de Robert Garnier par sa langue, le rythme et la musique de ses vers. Ce texte est une déploration somptueuse, un poème funèbre, sans doute plus que ce que l'on considère aujourd'hui comme une pièce de théâtre, mais c'est vraiment une très belle oeuvre.
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Troisième pièce de Robert Garnier, Cornelie, publiée en 1574, aborde des thèmes proches de ceux de Porcie. Ici l'héroïne est la femme de Pompée.

Après un premier acte dans lequel Cicéron déplore le sort de Rome, victime des ambitions et guerres civiles, dans le deuxième, Cornellie déplore la mort de son deuxième époux, Pompée, qui suit celle du premier, Crassus. Elle s'attribue la cause de tous ces malheurs et veut mourir. Cicéron essaie de la dissuader et condamne le suicide. Dans l'acte trois, Cornellie craint pour son père, Scipion, qui continue la lutte contre César. On lui apporte les cendres de Pompée. Dans le quatrième acte, nous sommes avec les vainqueurs, César et Marc Antoine. Ce dernier pousse César à exterminer tous ses ennemis, César est plutôt enclin à la clémence, maintenant qu'il a triomphé. Dans le dernier acte, on raconte à Cornellie la mort de son père, Scipion. Malgré son désir du suicide, elle décide de vivre pour honorer les tombes de son mari et de son père.

Le résumé montre à quel point la construction de cette pièce est peu satisfaisante, il y a beaucoup d'événements, et tout cela se bouscule un peu dans une certaine confusion. On voit bien que les fameuses règles des trois unités du théâtre classique n'étaient pas encore en vigueur. Les lieux de l'action ne sont pas vraiment indiqués, ils sont visiblement multiples, la durée de la pièce n'est pas non plus indiquée, et il n'y a pas vraiment d'unité d'action. La pièce est très statique, il y a de très longues tirades, entrecoupées de stichomythies, au contenu moralisateur, et des interventions du choeur. Incontestablement le genre se cherche.

Néanmoins, Garnier progresse dans cette pièce, qui n'est pas intéressante, et propose des éléments nouveaux. La question de la guerre civile, au fond le pire malheur pour un pays, à laquelle Garnier était forcément très sensible, compte tenu du contexte français de l'époque (guerre de religion) donne lieu à des passages touchants et justes. Il y a visiblement une tentative pour trouver une progression dramatique, même si elle n'est pas encore convaincante, et des effets dramatiques qui vont pouvoir toucher les spectateurs. Corneille va sans doute souvenir dans sa Mort de Pompée de la pièce de Garnier, l'urne et le récit de la mort par Philippes ont visiblement des ressemblances. Evidemment, la Cornélie de Corneille a une toute personnalité et envergure que le personnage de Garnier, mais quelque chose est là. L'enchaînement impitoyable de la violence, la mort de Pompée, mais aussi la mort annoncée de César, comme une suite logique, et du coup la mort de Brutus évoquée dans la première pièce de Garnier, introduisent la notion de la fatalité, si essentielle à la tragédie antique.

Et j'ai trouvé les vers de Garnier, malgré les difficultés de la langue du XVIe siècle, belle et poétique.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Je sçay bien que mes cris Proserpine n'écoute,
Que les Enfers sont sourds, et que Pluton n'oit goutte,
Et qu'inutilement en pleurs je me noyrois,
Si pour les esmouvoir sur Pompé je pleurois :
Pompé ne reviendra de la palle demeure,
Revoqué par mes pleurs, et c'est pourquoy je pleure :
Je pleure inconsolable, ayant un bien perdu,
Hélas, qui ne pourra m'estre jamais rendu.
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Allons mon cher Lucile : hé pourquoi plorez-vous ?
Cette fatalité commune est à nous tous,
Nous devons tous mourir : chacun doit un hommage
Au Dieu, qui les Enfers eut jadis en partage.
Apaisez vostre ennuy, las ! et ne gemissez,
Car par vostre douleur mon mal vous aigrissez.
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Les guerres et leur suitte amere
Font icy de long temps sejour,
Et la crainte de l'adversaire
Augmente en nos coeurs nuict et jour.
Nostre malheur toujours empire :
Moindre estoit hier notre ennuy
Qu'ores, et demain sera pire
Que n'est encores ce jourdhuy.
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Or soit que son amour ou soit faulse, ou soit vraye,
Elle a faict en mon ame une incurable playe :
Je l'aime, ainçois je brusle au feu de son amour,
J'ay son idole faux en l'esprit nuict et jour,
Je ne songe qu'en elle, et tousjours je travaille,
Sans cesse remordu d'une ardente tenaille.
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Toy seule, Cleopatre, as triofé de moy,
Toy seule as ma franchise asservy sous ta loy,
Toy seule m'as vaincu, m'as domté, non de force,
(On ne me force point) mais par la douce amorce
Des graces de tes yeux, qui gaignerent si bien
Dessur ma liberté, qu'il ne m'en resta rien.
Nul autre desormais, que toy, ma chere Roine,
Ne se glorifiera de commander Antoine.
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