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Critique de Levant


Levant
29 septembre 2016
A cheval donné on ne regarde pas les dents. le fameux dicton ne s'applique cependant pas dans le cadre de l'opération Masse critique. On attend en effet bien du lecteur que je suis une tentative de traduction impartiale de sa subjectivité quant à l'ouvrage offert. Laborantin que je serais le temps d'une lecture. Voyons voir donc ce que nous réserve l'étalon.

Le diplôme d'assassin, voilà un roman qui ne demandera pas de gros efforts d'adaptation pour en tirer un épisode de série de télévision moderne. Tout y est, le scénario improbable, l'épaisseur de l'ouvrage compatible avec le désormais obligatoire format de cinquante minutes, des personnages atypiques en but à tout ce qui fait figure d'institution en ce bas monde. Même la récurrence est envisagée. Notre héros, prêtre dans une institution religieuse, montre en effet de belles dispositions à l'enquête criminelle. C'est un gage de récidive. Il a curieusement trouvé grâce aux yeux du commissaire de police qui avait pourtant fait de lui un coupable idéal d'entrée de jeu. Mais cet ouvrage transposable satisfait surtout aux élans du courant humaniste en vogue dans nos médias, en gratifiant le pauvre-malmené-par-la-vie de l'absolution de ses péchés acquise d'emblée, quand bien même il aurait commis le pire. Notre binôme de circonstance, prêtre et commissaire de police, se transforme spontanément en chevalier servant du faible, avec cette propension aux bons sentiments devenue une clause du cahier des charges. Même si nul n'ignore que cette tendance est devenue à l'humanisme ce que la promesse est au discours politique : de la poudre aux yeux des gogos qui seront engloutis par le grand entonnoir du clientélisme médiatique. Et donc mercantile dans une société dont le bonheur est fondé sur le pouvoir d'achat.

L'idée de l'ecclésiastique qui s'acoquine avec un flic pour mener une enquête me rappelle toutefois une impression de déjà vu, en version féminine et connectée.
Nous voici donc avec un prêtre qui s'affuble de la soutane seulement pour se rappeler quotidiennement l'absurdité qu'il y a à rester fidèle à ses engagements. A moins que ce ne soit pour narguer ceux de son entourage que cette vocation tardive avait pu surprendre. Notre ecclésiastique propulsé sur le devant de la scène n'a en fait de goût affiché ni pour la religion, ce serait trop convenu, ni pour l'obédience de la franc-maçonnerie qui l'avait séduit un temps, ce serait suspect, ni pour la vie de famille non plus, dans les années soixante c'est déjà ringard. Il a laissé femme et enfant à leur domesticité pour se consacrer à un Dieu qu'il imagine donc volontiers sans églises. Il a peut-être en revanche quelque tentation pour l'interdit. C'était attendu. Son déguisement ecclésiastique lui sert de sauf-conduit pour se livrer à quelques trafics condamnables. On aime bien les héros qui biaisent avec la loi. Juste ce qu'il faut. C'est le piment de la sauce aigre douce.

Nous sommes donc à peine surpris de voir notre porteur de soutane rebuté par toute communauté se prendre d'amitié pour un autre-gagné-par-le-doute: le flic qui s'est vu confier l'enquête sur le meurtre d'un confrère enseignant de l'institution religieuse. C'est le pivot de l'intrigue. le flottement dans la vocation aura donc été le point de convergence de ces deux destins que tout prêtait à s'ignorer.

Beaucoup d'ambigüités planent sur les accointances. Elles deviennent connivences suspectes. On flirte avec le tout-peut-être-remis-en-question, même la probité de notre enquêteur improvisé. Heureusement qu'avec lui les sujets tabous n'en sont plus. L'hypocrisie ne fait pas partie de ses défauts, pas plus que la langue de bois. Il a l'avantage de bien connaître le milieu avec les inévitables perversions étouffées dans les institutions religieuses unisexes des années soixante.

Mais la morale est-elle sauve quand un crime est puni par un autre ?

Pas vraiment de suspense pour ce qui est de l'intrigue. Nos séries modernes nous ont habitués à la happy-end. C'est cousu de fil blanc. le chemin pour y parvenir est en revanche abracadabrantesque. Tout arrive à point à qui construit la trame de son intrigue autour d'un épilogue écrit d'avance. le couple police-justice est le grand perdant de l'histoire. Il est foulé au pied dans sa compétence, sans parler du code de déontologie de leurs professions respectives, face à nos justiciers de circonstance, champions de la lutte contre la perversion, aux pratiques adaptées au courant imposé par les séries modernes.

L'ouvrage serait-il sauvé par le style, une forme d'écriture ou de construction originales. Pas vraiment. Vous aurez compris que je n'ai pas vraiment adhéré au concept éditorial. Je promets toutefois un bel avenir à cette production calibrée pour les yeux d'un auditoire façonné pour la récurrence de cinquante minutes dans un trajet de RER ou entre deux pages de publicités. Tant pis pour la crédibilité. Ça aussi c'est périmé.

A cheval donné on ne regarde pas les dents. Mais en aurais-une contre l'auteur de cet ouvrage. Non monsieur le juge. Je jure que je ne le connaissais pas.

Je remercie Babelio et les éditions Envolume de m'avoir adressé cet ouvrage.
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