Immersion dans l'univers grisâtre et anxiogène de la Russie soviétique du début du siècle dernier. Alors que la propagande laissait miroiter une vie de rêve, certains américains anéantis par les conséquences de la faillite économique, ont pu se laisser berner par les promesses d'un avenir meilleur. C'est le cas pour notre héros, Jack. La mort dramatique de son père et une altercation tragique avec son logeur, finissent par le convaincre, de tenter l'aventure, confrontés par les propos de son ami Andrew , qui ne voit pas d'autre alternative.
Fini les Etats-unis et bonjour la désillusion. On découvre la vie quotidienne du peuple russe et des immigrés dont le sort n'est pas plus fameux. L'argent achète ce qui peut être acheté , c'est à dire peu de choses, si on ne fait pas partie des élites.
Quelques figures féminines croisent le chemin de l'américain, qui a su profiter d'opportunités pour améliorer son quotidien. Et son tempérament de fouineur le met vite sur la piste de complots ourdis contre ses compatriotes. le danger ne l'arrête pas dans ses investigations. Passions, trahisons, soupçons, sont les ingrédients d'une recette romanesque relevée à la sauce paranoïa.
Certes dans un roman avec un certain suspens, on soupçonne un peu tous les personnages, mais ici, on sent que c'est un mode de vie.
Hormis quelques longueurs ( et on est dans un univers où il ne fait pas bon trainer), l'ensemble se parcourt avec plaisir (un peu moins cependant que le magnifique Lecteur de cadavre, mais il faut dire que je suis plus attirée par la médecine légale que par la géopolitique du vingtième siècle).
Mention très honorable donc pour cette fresque historique romancée, dont l'auteur commente en post face les sources, et fait la part de la fiction et des bases réelles, qui ont donné une trame à l'ouvrage.
« L'agence commerciale AMTORG offre aux chômeurs américains des milliers de postes de travail dans les usines de l'Union soviétique ». Cette annonce parvient jusqu'à Jack Beilis, un sans-emploi new-yorkais d'origine russe licencié de l'usine Ford Motor & Co, qui doit quitter précipitamment les Etats-Unis. Cédant aux sirènes de son vieil ami Andrew Scott, syndicaliste et communiste fervent qui lui vante de meilleurs salaires, un logement gratuit et des congés payés, il embarque en 1932 à bord du S.S. Cliffwood et intègre la Gorkovsky Avtomobilny Zavod, l'usine automobile de Gorki.
Mais "le dernier paradis » perd rapidement de sa superbe aux yeux de Beilis et des autres Américains. le modèle soviétique tant vanté aux ouvriers et aux minorités durant la crise se lézarde au fil des mois. Les salaires minorés, les conditions de vie, l'approvisionnement chaotique, le poids écrasant de la bureaucratie laminent leurs derniers espoirs. Lorsque des dysfonctionnements et des sabotages apparaissent dans les usines de montage, les boucs émissaires sont tout trouvés. Beilis, parfaitement bilingue, se trouve à son corps défendant pris dans un vaste complot mêlant espionnage et trafic à grande échelle.
Antonio Garrido nous offre avec le dernier paradis une bonne intrigue au pays des Soviets, inspiré de la mésaventure de milliers d'Américains qui avaient quitté leurs pays en quête d'un avenir meilleur. En l'absence de relations diplomatiques entre les deux nations, on les oublia là-bas, otages des plans de productivité, des revirements politiques, et des besoins de la propagande. '
C'est probablement le choix de Garrido d'aborder le thème de l'immigration ouvrière en Union Soviétique qui m'aura le plus intéressée. Nous avons tous lu probablement un jour un « Retour d'U.R.S.S. » à charge ou à décharge quand les intellectuels occidentaux se fendaient d'un séjour à l'Est sous la houlette de l'Intourist. On connait davantage le nom des victimes occidentales de l'appareil de répression soviétique quand elles furent liées au monde politique (Hugo Eberlein...) ou intellectuel (Jacques Rossi…), mais le sort des travailleurs étrangers était tombé dans l'oubli.
Le dernier paradis est un long voyage, depuis les files d'attente devant les soupes populaires aux ateliers de l'Autozavod, un thriller honnête et instructif qui prouve une nouvelle fois l'intérêt croissant des romanciers espagnols comme Victor del Arbol (Toutes les vagues de l'océan), Juan Manuel de Prada (Une imposture) Jeronimo Tristante (El rojo en el azul) pour cette période.
Je remercie les éditions Grasset et Masse critique pour cette lecture.
1932. Brillant mécanicien, Franck Beilis a été licencié par Ford parce que d'origine juive. Depuis, il cohabite et survit avec son père, devenu alcoolique à la mort de son épouse, dans un appartement de Brooklyn.
À bout de ressource, il reprend contact avec Andrew, un ami d'enfance devenu syndicaliste communiste. Celui-ci tente de le convaincre d'émigrer en URSS. Il y parviendra après que Jack, au cours d'une altercation, soit convaincu d'avoir tué le propriétaire de l'appartement de son père.
La trame de l'histoire, basée sur des réalités historiques, tient la route. On adhère volontiers à ce mariage contre nature entre un chantre du capitalisme américain (Ford) et un état communiste (l'URSS) pour construire une usine d'automobiles à Gorki - l'argent n'a pas d'odeur ! -, comme on imagine bien que des ouvriers, victimes du crash boursier de 1929, rêvent d'un avenir meilleur en Russie communiste.
En revanche, les multiples aventures de Jack, un apprenti capitaliste au pays des Soviets, finissent par exaspérer. Et ce n'est pas l'épilogue qui sauvera la face !
Le roman est centré sur un Jack Beilis qui ne sait plus en quoi croire ou à qui faire confiance. La personnalité des autres personnages, qui va de l'effacement à la manipulation, manque généralement de subtilité, même si les jeux d'acteurs sont bien dissimulés. On est finalement peu surpris par les "vrais" caractères révélés lors du dénouement.
Entrer dans le roman demande un petit effort. Ensuite on se laisse prendre par la narration, jusqu'à l'épilogue. C'est bien et simplement écrit ; il y a du rythme, un peu comme dans un thriller. L'auteur délivre donc un roman plutôt long, qui se laisse lire sans grande difficulté.
Dommage que cela ressemble trop à un remake de "Tintin au pays de soviets"...
Dans ce récit Antonio Garrido coche deux cases jouant habilement entre faits historiques et épopée romanesque.
L'Amérique a toujours été la patrie où rêvent de s'exiler les persécutés, Garrido déroge à la règle et nous mène en Russie, dernier paradis rêvé pour des américains qui fuient la misère et la famine lors de la Grande Dépression.
En passant par les industries Ford et Staline, le voyage au fond de la Russie qui lutte contre le capitalisme est fascinant.
Brillant conteur, l'auteur peint les frasques, les amours et les désillusions de ses personnages. Il reconstitue dans ce roman envoûtant les coulisses d'une machinerie politique et économique où l'on ne sait jamais qui tire vraiment les fils du destin.
Lecture commune en compagnie de Phoenicia à qui j'ai pioché ce roman pour Octobre. le temps que je puisse le commencer, Phoenicia l'avait déjà fini. J'ai acheté ce livre suite à mon coup de coeur du « Lecteur de cadavres ». J'ai hésité un moment avant de l'acheter car la période traitée me plaisait moins, j'avais néanmoins envie d'en découvrir un autre de cet auteur.
Malheureusement, même si le style de l'auteur est toujours aussi agréable, l'histoire m'ennuie, je n'arrive pas à m'intéresser à celle-ci plus de 2 min et je n'ai pas la curiosité d'en savoir plus. J'ai relu le résumé mais je crois qu'il en dit beaucoup trop, l'histoire est très lente à se mettre en place. Même en lisant en diagonale certains passages, ça ne me donne pas envie de pousser plus ma lecture. Je dois avouer que la période choisie n'est pas ma préférée alors que pour le lecteur de cadavres, beaucoup plus. Ayant dévoré son deuxième roman, je ne pense pas qu'il ait été aussi long à démarrer.
Comme vous l'aurez compris, cette lecture a été une déception pour ma part, mais je dirais que c'est plus ma faute que celle de l'auteur, j'aurais du continuer à hésiter pour l'acheter. Généralement quand j'hésite à l'achat, c'est que le résumé ne me plaît pas autant que pour d'autres romans. Je lirais très certainement son premier roman pour me faire une idée complète du style littéraire de cet auteur. Celui-ci n'était tout simplement pas pour moi. Je vous conseille donc de le découvrir pour vous en faire votre propre avis. Pour ma part, je n'ai même pas pu atteindre la barre des 100p.
Sur ce, bonnes lectures à vous :-)
Au fur et à mesure que le train s'approchait de la gare de Leningrad, commencèrent à surgir, l'un après l'autre, de sombres immeubles de ciment que Constantin compara à des ruches pour ouvriers.
- Et vous serez bientôt les abeilles qui vivent à l'intérieur.
-Alcoolique ? Même bourré, ce vieux truand en remontrerait à n’importe lequel des avocats qui convoitent un siège au Parti et qui grouillent comme des poux. Et puis, en Union soviétique, boire de la vodka n’est pas un malheur. C’est une aubaine !
- Joli, mais triste, murmura Jack à Natasha.
- Ce n'est pas triste. C'est une chanson d'amour. Peut-être mélancolique, mais pleine d'espoir.
- C'est ce que disent les paroles ?
- Il n'y a pas de paroles. L'espoir s'entend avec le coeur.
(...)
- C'est ainsi qu'on s'aime en Russie, Jack. Quand on est vraiment amoureux, on ne perd jamais espoir.
L’alcool lui embrasa la gorge mais le réconforta. Pour la première fois depuis longtemps, une sensation de chaleur envahit son estomac, et il ferma les yeux pour savourer ce plaisir. Les dernières gorgées lui rendirent assez d’énergie pour faire naître une lueur d’espoir. À la différence de son père, il était jeune et fort, il avait deux mains habiles et l’obsession maladive de trouver un travail qui les sortirait du marasme.
Malgré le malaise qui l’accablait, Jack ne trouva pas la force de s’excuser. Il enfonça le chapeau sur sa tête et sortit de l’établissement. Dès qu’il fit un pas dans la rue, la pluie lui fouetta le visage. Il regrettait de l’avoir frappé, mais Andrew l’avait bien cherché. Les problèmes avec son père ne regardaient que lui, et personne, pas même Andrew, n’avait le droit de les lui jeter au visage.
Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell