« Charge d'âme » a été publié en 1977 par Romain Gary.
Si son souffle continue à émettre aujourd'hui, c'est à travers ses livres. C'est pourquoi je ne cesse de le relire depuis que je l'ai découvert à 15 ans. Pour partager, un peu, le cheminement de cet homme, qui a eu une vie si riche d'événements, de lieux et de rencontres et qui est toujours resté si profondément humain et fraternel.
Marc Mathieu est un scientifique. C'est un génie, un créateur. Comme il se doit dans le domaine de la création scientifique, il a le pouvoir de détruire le monde.
Il met au point un carburant avancé. Il s'agit de « capter les âmes » au moment de la mort et d'utiliser l'énergie du « souffle » comme carburant.
Idée géniale déjà évoquée dans « La tête coupable » dont le héros n'était autre que Marc Mathieu qui se cachait en Polynésie sous le pseudonyme de Gengis Cohn - avec Gary, même ses personnages de roman ont des pseudo…
Gengis Cohn était le nom déjà donné à un autre personnage dans son roman « La danse de Gengis Cohn ».
S'il y a un lien qui existe entre ces trois livres, c'est sûrement l'humanité, et la réflexion sur la déshumanisation de l'homme.
Autant l'idée du livre est géniale, autant il me semble resté à l'état de brouillon (avancé lui aussi, tout de même…) du point de vue de l'écriture. Fort de nombreuses répétitions, dont Gary est coutumier, il est aussi moins percutant dans les formules et moins poétique dans les descriptions. C'est du moins mon impression générale.
Écrit à une période où Gary a été très prolifique, très préoccupé aussi certainement par Ajar, il reprend beaucoup de grands thèmes évoqués à maintes reprises par l'auteur. On y retrouve son cynisme et sa lucidité.
« Heureusement, la mise au point de la bombe à neutrons permettait désormais de limiter les dégâts en ne tuant que les populations et en laissant intactes, debout, et pouvant continuer à servir, les assises matérielles de la civilisation. »
Mais un cynisme et une lucidité contrecarrés par de l'espoir, parce que « le désespoir tout seul, ce serait seulement un manque de talent ».
« - C'est ça, parle-moi du massacre des bébés phoques en Norvège et au Canada, ou de celui des éléphants en Afrique. Rappelle-moi le nombre de chiens que les Français laissent crever chaque fois qu'ils partent en vacances. Il y avait longtemps… Ah oui, et les baleines ! J'ai oublié l'extermination des baleines ! Ou les cinq millions de Juifs partis en fumée… Vas-y, parle-moi de la pollution irréversible du milieu marin ! Qu'est-ce que tu attends ! La déshumanisation, tu parles ! La déshumanisation, c'est humain !
Il s'interrompit. Ce qu'il y avait d'extraordinaire, dans tout ça, c'est que toutes les preuves accumulées ne prouvaient rien. L'illusion lyrique demeurait, comme si l'homme ne pouvait mettre fin à sa foi qu'en mettant fin à lui-même. »
On retrouve ici quelques « tableaux » de « La danse de Gengis Cohn » ou de « La tête coupable », comme le christ portant sa croix, revenu voir comment ça se passe deux mille ans après, harcelé par quelques artistes sans scrupules.
« Durant presque toute la durée de leur marche, alors qu'ils titubaient sous le poids de la bombe en avançant dans la direction du « cochon », le « paysan » leur tint compagnie, avec sa lourde croix. Ce fut seulement lorsque leur psychisme commença à s'habituer à cette compagnie, selon un processus d'accoutumance qui n'a jamais manqué de s'accomplir dans l'histoire, avec l'atrophie correspondante de la sensibilité, c'est alors seulement que cette présence perdit de sa visibilité, et les six professionnels se retrouvèrent seuls, peinant sous le poids écrasant dont ils étaient chargés, entre deux haies de soldats qui étreignaient leurs armes en leur jetant des regards meurtriers. »
Comme j'approche de la fin – de ma relecture de Gary – une dernière citation, de mauvais augure.
« Lorsqu'un homme est prêt à donner sa vie pour un cliché, c'est la fin des clichés et le début de l'authenticité. »
N'oublions pas que nous avons nous aussi charge d'âme, à commencer par nous-mêmes…
Et pour le petit air, j'en veux bien un :
« Personal Jesus
Your own personal Jesus
Someone to hear your prayers
Someone who cares
Your own personal Jesus
Someone to hear your prayers
Someone who's there
[…]”
Extrait de “Personal Jesus”, Depeche Mode :
https://www.youtube.com/watch?v=i2GEOcEcRtY
Je le sentais, cette lecture répondant à un challenge, ne serait pas dans mes cordes. J'ai eu beaucoup de mal à adhérer au sujet. Certes si on peut faire preuve d'imagination et se dire que ça relève de la SF, ça reste néanmoins difficile d'y croire.
Trop scientifique, trop politique à mon goût , je n'ai pas choisi sûrement le meilleur de Romain Gary.
Je n'ai pas non plus trouvé l'écriture très charmante, les personnages non plus, du coup, même en faisant des efforts, le mélange de tout ça, a été moyen.
Ce livre est présenté par l'auteur comme une sorte de plaisanterie. Mais qui n'est pas si légère que cela.
On a découvert une nouvelle source d'énergie, éternelle, sans retombées écologiques. Idéale ? C'est selon les points de vue. Pour certains elle est effectivement parfaite, pour d'autres elle est diabolique. Qu'est ce donc ? L'âme humaine ! Oui vous avez bien lu, l'âme humaine. Un capteur à une distance de 75 m permet de recueillir cette énergie qui sera transférée dans une lampe, un moteur de voiture, un appareil photo…
Je n'ai pas tout compris et je dois dire que je l'ai modérément apprécié. Mais je continuerai à découvrir Romain Gary.
La science-fiction n'est pas un genre littéraire que j'affectionne et Charge d'âme peut être considéré comme de la SF, j'ai donc eu du mal à rentrer dans cette fable.
Lire en 2020 un texte écrit en 1977 permet de juger si Romain Gary a été visionnaire ou non. L'expression "carburant avancé" qu'il utilise date de l'époque, c'est ce qu'il dit dans sa note d'introduction: c'est un terme utilisé par les experts de l'énergie nucléaire pour désigner le plutonium.
En dehors du fait que cela soit de la science-fiction, l'une des raisons qui font que je n'ai pas accroché à ce livre, c'est que le style d'écriture ne m'a pas séduite et m'a même déçue, car j'aime habituellement les oeuvres de cet auteur.
J'ai trouvé le traitement du sujet, intéressant pat ailleurs, un peu ardu, trop scientifique pour un néophyte. Je comprends - du moins, je le crois, car je n'ai pas tout compris à ce livre - le but de la démonstration de l'auteur, qui n'est pas sans rappeler le 1984 de George Orwell en un sens car l'esprit est asservi par les technologies avancées, la course au toujours plus de technologie, toujours plus de science, toujours plus de croissance, quelque soit le prix à payer. L'homme devient un outil dans cette course, il est déshumanisé dans sa mort car on lui prend ce qui est le plus important: son âme. D'aucuns pourraient opposer l'idée qu'au contraire son âme survit en étant utile à d'autres, mais n'est-il pas préférable que le souvenir d'une personne aimée reste dans notre coeur plutôt qu'en alimentant une ampoule ou un moteur? Je vous laisse juge.....
Imaginant un monde où l'âme humaine peut être captée et utilisée en énergie pouvant faire fonctionner de la montre à la voiture en passant par le simple briquet, Romain Gary nous entraîne au coeur de l'affolement mondiale que provoque cette révolution énergétique. Pourtant solution aux nombreux problèmes écologiques, ce "carburant avancé", tel qu'il est nommé par les scientifiques, va modifier les rapports de force entre grandes puissances dans un monde où règne la Guerre Froide.
Un livre écrit en 1977 mais qui continue à être d'actualité. Dans une écriture légère, où la critique cinglante de la maîtrise de la science et de la recherche du rendement à tout prix se mêle à une finesse d'esprit et à un humour décapant, l'auteur nous amène à nous poser les bonnes questions sur la religion, l'idéologie, la solidarité socialiste, les sacrifices acceptés pour atteindre un objectif et leurs limites, sans nous perdre une seule fois en chemin. Grâce à des personnages hauts en couleur et de constantes péripéties, R. Gary nous mène comme dans une douce chute libre vers une vérité caché et son avis sur notre histoire.
En outre, ce court roman, sans être à mon sens un "Incontournable", reste intéressant quant au recul qu'il nous oblige à prendre face au fonctionnement de nos sociétés où la science et le progrès sont perçus comme LA solution à tous nos problèmes, sans que soit mentionné le revers de la médaille.
- C’est ça, parle-moi du massacre des bébés phoques en Norvège et au Canada, ou de celui des éléphants en Afrique. Rappelle-moi le nombre de chiens que les Français laissent crever chaque fois qu’ils partent en vacances. Il y avait longtemps… Ah oui, et les baleines ! J’ai oublié l’extermination des baleines ! Ou les cinq millions de Juifs partis en fumée… Vas-y, parle-moi de la pollution irréversible du milieu marin ! Qu’est-ce que tu attends ! La déshumanisation, tu parles ! La déshumanisation, c’est humain !
Il s’interrompit. Ce qu’il y avait d’extraordinaire, dans tout ça, c’est que toutes les preuves accumulées ne prouvaient rien. L’illusion lyrique demeurait, comme si l’homme ne pouvait mettre fin à sa foi qu’en mettant fin à lui-même.
Le bonheur à deux exige une qualité très rare d’ignorance, d’incompréhension réciproque, pour que l’image merveilleuse que chacun avait inventée de l’autre demeure intacte, comme aux premiers instants.
-Je suis aussi soucieux que vous de notre survie spirituelle. Provoquer un effondrement total de la civilisation technologique, comme le voudrait une certaine jeunesse, cela implique un gigantesque holocauste. Le genre d'arguments que mèneraient à supprimer les 3/4 de l'humanité pour laisser au quart restant une chance de repartir dans une nouvelle direction. Détruire la civilisation pour assurer la survie spirituelle de l'homme...[...]cela signifie la mort spirituelle de l'homme.
Le moment était venu de partir, mais Pei ne parvenait pas à s'arracher, et il restait là, avec son crâne rasé de près, triturant sa casquette, essayant désespérément de trouver de nouveaux mots d'amour à dire, des mots différents du vocabulaire bourgeois réactionnaire, quelque chose de doux et de tendre, une de ces petites choses qui rendent une fille heureuse.
- Les chiffres montrent que nous avons augmenté l'étendue des terres arables de dix pour cent, cette année. Nous avons mis au point des missiles qui peuvent porter une charge nucléaire à cinq mille kilomètres.
C'était une bonne excuse: Lan prit sa main dans la sienne et la serra tendrement.
Il faut toujours connaître les limites du possible. Pas pour s'arrêter, mais pour tenter l'impossible dans les meilleures conditions.
Dans quelle ville est né Romain Gary ?