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Critique de batlamb


« Je cherche un homme » : voilà en substance ce que Romain Gary ne cesse de répéter dans ses livres, avec l'insistance de Diogène brandissant sa lanterne au visage des passants.

Dans son troisième roman, l'amour de l'humanité est déjà une « promesse de l'aube », qui ne vient pas de la mère (contrairement au fameux roman autobiographique de Gary), mais d'un père idéaliste, mort juste avant la Libération. Ce dernier adresse des mots-testaments au héros orphelin : « Il te reste tous les autres hommes ».

Mais ce père n'avait pas prévu que tous les personnages du roman seraient en mal d'identité. Tels des bernard-l'ermite, les vieux se réfugient dans les coquilles d'appartements chaotiques (empruntées à d'autres) et d'idéologies bancales, justifiant leur déchéance. Et les jeunes sont formatés par les films noirs hollywoodiens, machines à illusions, où tout est faux, à commencer par la voix de Lauren Bacall.

Au propre et au figuré, ils se cherchent des habits. Et la forme qu'ils obtiennent ainsi est une forme sans eux. « Tous ces beaux vêtements avec personne dedans » : ainsi le héros voit-il le monde lors d'une crise hallucinatoire, influencée par la vision de rangées de vêtements vides amassés dans le repaire de son gang juvénile. Une bande abritée par une sorte de Fagin à la judéité inversée (eu égard à son passé trouble sous l'Occupation…). Bien avant Mme Rosa dans la Vie devant soi, ce vieillard (répondant au doux nom de Vanderputte) incarne les parties honteuses de l'humanité, que celle-ci considère au mieux comme de la crasse et au pire comme une monstruosité… ce qui l'amène à se renier elle-même.

L'humanisme pessimiste de Romain Gary s'appuie ici fortement sur le roman Ferdydurke de Gombrowicz. On peut le constater dès la découverte des deux premiers camarades du héros, Josette et Léonce, qui évoquent respectivement le charme provocant de la « lycéenne moderne », et l'écolier désireux d'échapper à son environnement citadin. le thème du vêtement rejoint également celui de la forme chez Gombrowicz. Pour ce dernier, la forme est la négation de ce que nous sommes réellement, bien que nous soyons obligés de nous exprimer par elle, de la même façon que s'habiller est un besoin primaire. Cette aporie débouchera ici sur une fin parfaitement cynique, même si entretemps, l'immaturité de ces jeunes délinquants fait souffler un vent de rébellion contre les institutions les plus enracinées, celles-là même qui s'incarnent dans l'uni-forme bien plié et repassé.
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