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Critique de nadejda


J’ai lu ce petit livre, composé d’articles écrit en 1970 par Romain Gary pour France Soir, suite au conseil de Junie posté en commentaire de ma lecture de Djibouti, premier roman de Pierre Deram paru chez Buchet-Chastel.
Je la remercie car ces textes viennent compléter parfaitement « Djibouti ».

Se situant bien des années avant l’expérience vécue par Pierre Deram, cette suite de textes en est proche mais n’a pas l’accent de profonde désespérance de ce dernier, même s’il est empreint d’une grande nostalgie.
Ils se rejoignent sur la dureté de la vie dans cette région du monde, sur l’effet produit par « le chaos de rocs noirs, issus des volcans éteints en même temps que la terre qu’ils ont bouleversée, qui offre un paysage « image de ce que sera un jour la fin du monde » :
« De l’avion qui m’emporte, je jette un dernier regard sur ces étendues noires où tout a brûlé, sauf la peine des hommes.
Le grand couchant des empires occidentaux vit ici ses derniers instants. L’heure du soleil est passée et le soleil a manqué tous ses rendez-vous. L’heure du soleil est passée, mais aussi celle de l’égoïsme, du mépris et de la rapine. Le couchant est irréversible, le soleil quand il se lèvera à nouveau viendra d’ailleurs. Mais en cette heure du couchant, le dernier rayon brille d’une lumière qui ne manque pas de beauté, même si elle n’éclaire surtout que le regret et le remords. » p 71

Ils sont aussi tous les deux « des collectionneurs d’âmes » titre attribué à Romain Gary dans le New York Times.
Romain Gary se rend dans cette région pour y retrouver les traces de soldats perdus qui ont participé aux guerres du Viet-Nam et d’Algérie, des hommes qui se sont sentis abandonnés par leur pays.
Il y rencontre Gossard, un médecin-capitaine de trente quatre ans d’un dévouement à toute épreuve :
« Il veut être ignoré.(…) je n’ai jamais rien vu de pareil : pendant dix ans, dix-huit heures sur vingt-quatre à courir des pistes impossibles, des pistes où l’on s’ensable dix fois sur vingt kilomètres, où les moteurs eux-mêmes font pitié, dans une chaleur qui fait maigrir de deux kilos par étape. Huit litres d’eau par jour est la ration minima, sans quoi vous finissez par avoir les reins bloqués. (…) La fraternité anonyme, sans visage, sans nom, sans lien personnel ; la fraternité à l’état pur, la vraie… Ce n’est ni un saint ni un héros ; c’est un homme qui aime la vie et l’amour au point de ne pas reconnaître au destin le droit de frapper la terre de malheur. »

mais aussi Maconnard devenu fou ou faisant semblant de l’être pour ne pas avoir à admettre que ses rêves ont été brisés et bien d’autres comme la petite prostituée au corps tatoué des noms de ceux qui s’en sont servi :  « Tous ces graffiti sur cette tombe vivante, on pourrait les remplacer par ces quelques mots « Ici est venu mourir l’honneur des hommes »
Pierre Deram éprouve aussi de l’empathie pour ceux dont il croise la route dans la fournaise et la nuit de Djibouti et nous montre que l’agonie se prolonge jusqu’à nos jours.

Romain Gary rejoint dans ces textes Joseph Kessel, dans un mélange d’horreur et de beauté, et par l'évocation de la misère et de la grandeur des hommes.
« Djibouti » de Pierre Deram est un roman coup de poing qui ne sort pas diminué du rapprochement avec ces articles de Romain Gary.
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