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EAN : 9782851978578
51 pages
L'Herne (14/02/2008)
4.11/5   9 notes
Résumé :
"On parle volontiers chez vous d'Anglo-Saxons à propos de nous autres Américains. Pouvez-vous me dire ce qu'on entend exactement en France par Anglo-saxons lorsqu'on évoque les États-Unis ?"

Nous sommes dans la salle à manger de la Maison-Blanche. Le repas vient à peine de commencer. La conversation aussi. Nous n'avons même pas eu le temps de "bavarder". Je dis bien "bavarder" : Kennedy vous interroge plus qu'il ne parle.

Ce cerveau adm... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Découvert grâce à l'opération Masse Critique, je remercie grandement les éditions l'Herne et Babelio pour cet envoi !

Je ne m'attendais pas du tout à recevoir un recueil de plus de 200 pages de pensées, interviews, nouvelles, préfaces, réflexions en sélectionnant ce titre lors de l'édition masse critique, ayant découvert avec tristesse que la nouvelle éponyme "un soir avec Kennedy" ne dépassait guère les 30 pages, mais quelle belle surprise et quel beau cadeau pour moi qui cherche toujours à comprendre et connaître de plus en plus Romain Gary, tant l'auteur que l'homme et sa personnalité.
Je trouve un peu dommage d'avoir justement limité le titre de ce recueil à cette simple première nouvelle (par ailleurs très intéressante et instructive pour comprendre en quelques anecdotes le personnage complexe de Kennedy), alors que le livre foisonne de petites pépites d'intelligence qui mériteraient d'être davantage mises en avant.

Quoi qu'il en soit, après ma lecture, il y a peu, de "La nuit sera calme" du même auteur, c'est avec un immense plaisir que je retourne voir ce qui se passe dans la tête de mon auteur fétiche, et cet entretien intimiste avec Romain Gary fût délicieux - d'ailleurs quelques passages des deux livres sont communs; je pense, néanmoins, que cette oeuvre est peut être à réserver à ceux qui connaissent déjà l'auteur, la découverte de Romain Gary commençant pour moi plutôt par la lecture de l'extraordinaire "La vie devant soi".

De nombreux thèmes sont abordés, et notamment ceux qui sont les plus chers à l'auteur: les femmes, la littérature, De Gaulle, le cinéma, la politique, sa mère, ses oeuvres... tout un programme qui est aussi enrichissant qu'il en a l'air.

Aux amoureux de Romain Gary, à lire absolument.
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Paru dans la revue "Arts et loisirs" en 1967, soit des années après la mort de Kennedy, le récit "Un soir avec Kennedy" rapporte un dîner à la Maison-Blanche que l'écrivain diplomate Romain Gary avait eu, en compagnie de Jean Seberg, en tête-à-tête avec le couple présidentiel. D'emblée Gary nous avertit que le texte qui va suivre a été écrit d'après les notes en vrac qu'il a écrites après cette soirée, dont il a gardé l'essentiel des impressions qui avaient été les siennes.

Même si l'aspect laudatif semble exagéré (cela dit, Kennedy étant mort quand le texte fut publié, on ne peut le qualifier de flagorneur, son auteur ne pouvant en tirer aucun avantage et semblant sincèrement ému) le récit offre une vision plus inattendue de Kennedy, tranchant avec l'image de play-boy bronzé, tombeur d'actrices, au sourire éclatant.

Ce qui revient le plus dans les souvenirs de Romain Gary, ce qui l'a visiblement le plus frappé, est la puissance intellectuelle de John Kennedy : "machine intellectuelle", "mécanique cérébrale", ces termes reviennent constamment. L'homme lui semble une machine à enregistrer les informations qu'il sollicite en un interrogatoire serré, sans se départir de son élégance charmeuse (Barack Obama n'est donc le que second dandy au cerveau brillant élu à la Maison-Blanche).

Sa curiosité concernant la personnalité de Charles de Gaulle, son attention à ce que pense la France peut étonner aujourd'hui, tout comme peut étonner l'aveu même du président que la création d'un secrétariat à la culture est directement inspirée du ministère français et apparaît comme un excellent moyen de "changer l'image des États-Unis dans le monde". Romain Gary note qu'avec l'arrivée des Kennedy à la tête du pays, la culture contemporaine, l'avant-garde intellectuelle, américaine ou européenne (le nom de Godard est cité), est enfin à l'honneur, non, là encore, sans arrière-pensée politique, car il s'agit, et Kennedy l'affirme en toute franchise, de "laisser à la Russie le monopole d'un académisme artistique poussiéreux".

De fait, la relative détente qui suivit la mort de Staline ne se traduisit, dans le monde des arts et de littérature, que par un élan avorté, Khrouchtchev s'étant laissé influencer par les gardiens de la ligne réaliste soviétique qui reprirent les choses en main.

La question de l'Europe et de sa méfiance envers les États-Unis, de même que le souhait de la politique américain d'une Europe dynamique, même concurrentielle, pourraient être repris aujourd'hui, en ne changeant que le nom du président, tant, de ce côté-là, malgré l'effondrement du bloc communiste, les stratégies ont peu changé.

Bien qu'il semble douter que "l'admiration et la vive sympathie qu'ils m'inspirent n'apparaissent pas assez clairement dans ce texte", il faut bien reconnaître qu'il s'agit plus d'un texte hagiographique sur les Kennedy qu'un reportage froid et neutre. Ainsi, la vision idyllique, celle d'un couple de conte de fée, que lui inspirent les Kennedy peut faire sourire, maintenant qu'aucune des biographies du président ne nous laisse ignorer ses frasques extra-conjugales.

La conclusion résonne comme une ironie du sort, ou ce qu'on aurait appelé chez les anciens Grecs, une louange "funeste", propre à s'attirer la colère des dieux :

Il est difficile en le regardant de ne pas se dire : "Voilà un homme né sous une heureuse étoile." Il est difficile de ne pas se dire : "La chance."

et le mot de la fin est que Kennedy était :

Un de ces hommes providentiels à qui il ne peut rien arriver.


Le second texte du recueil est beaucoup plus captivant, et même plus jouissif, car bien plus vachard. Il s'agit d'une charge presque pamphlétaire, mi-sérieuse mi-facétieuse, à l'adresse des écrivains du Sud et de leurs éternels "histoires de nègres", qu'il introduit par une interrogation très drôle :

"Le temps ne serait-il pas venu pour les écrivains blancs américains de laisser enfin leurs Noirs tranquilles ? Pendant combien de temps continueront-ils encore à faire suer le burnous?"

Car c'est bien de cela qu'il s'agit, pour Romain Gary : de littérature coloniale ou post-coloniale. Faulkner, McCullers, Styron, Tennessee Williams, Porter, des écrivains coloniaux ! (même s'il reconnaît que cela inspire des "oeuvres sublimes" et que la veine sudiste a fourni à la littérature américaine ses meilleurs romans). Mais tout de même, enchaîne narquoisement Gary,

"Après avoir exploité pendant des générations la main d'oeuvre africaine sur leurs plantations, les sudistes vont-ils continuer pendant longtemps encore à profiter de la peine de leurs Noirs pour le plus grand bien de leurs oeuvres littéraires, et n'est-il pas un peu révoltant, en 1962, alors que la campagne pour l'égalité des droits triomphe partout en Amérique, de voir les jeunes écrivains blancs du Sud faire encore leur entrée dans le monde portés sur le dos de leurs nègres bien-aimés ?"

Accusés de surexploiter la fibre de la "repentance" comme on dirait aujourd'hui, le romancier français leur cite Mauriac en exemple, dont l'oeuvre toute entière repose sur la culpabilité et le péché sans qu'il ait eu besoin d'avoir lynché un seul nègre (être catholique suffit amplement à l'auto-flagellation).

Le piquant est qu'on peut se demander ce qu'il penserait aujourd'hui de cette industrie de la mémoire des coupables-victimes, de la culture mémorielle, de la post-Shoah, post-génocide, post-colonialisme en Europe, puisque non content de leur envoyer Mauriac dans les gencives, l'auteur leur montre triomphalement les Allemands d'alors qui, bien qu'ayant "exterminé six millions de juifs" ne semblent pas y penser chaque matin.

Bien que compatissant au fait qu'ayant l'habitude d'être servi par une "innombrable domesticité", il lui sera dans un premier temps difficile d'arrêter de "vivre du noir" et de la "culture poétique de vos exquises blessures", Gary appelle donc le Sud littéraire à "libérer les Noirs" de ses romans. Cela ferait un peu d'air aux écrivains noirs eux-mêmes et ainsi "vous pourriez enfin trouver d'autres chats (noirs) à fouetter."


"Ils bouffent leur société avec appétit" paru dans le Monde en 1977 est une explication et une apologie de la littérature américain, qualifiée de "mont Everest sans sommet", tant le nombre de romanciers de premier ordre abonde. Cette fois, ce ne sont plus les sudistes mais le roman francais qui en prend pour son grade, si on le compare avec la "vitalité" américaine et les raisons de cette vitalité :

"La raison de cette vitalité est que le romancier américain continue à se nourrir de la société américaine qu'il absorbe et évacue, alors que chez nous le romancier cherche à rompre ce rapport et émigre dans les marges où l'on ne se nourrit que de soi-même ou de vide. On proclame alors "la mort" du roman pour se justifier. La vitalité du roman américain est en symbiose avec la vitalité des États-Unis – ce n'est pas un jugement de valeur –, le roman est encore, là-bas, un genre "physique"."

Dans l'article suivant, il approfondit cette figure du romancier athlète avec Norman Mailer, antinomie de l'écrivain germano-pratin nombriliste (cliché du romancier français). Norman, il est vrai, n'a pas beaucoup de temps pour se regarder le nombril :

"Romancier, journaliste, homme politique, il en est à son quatrième mariage, à son cinquième enfant. Il boit. Il boxe. Il tue."

C'est pourtant à un Français que Romain compare son ami Mailer, mais pas un écrivain, un cinéaste : Jean-Luc Godard, car selon lui, "American Dream" est écrit comme Godard a filmé "Pierrot le Fou".

Cet éloge de la littérature américaine hérite aussi des coups de patte moqueurs dont est friand l'auteur. Ainsi le sexe, sujet de prédilection dans la littérature des deux continents, n'est pas du tout traité de la même façon aux États-Unis, où ce terme fait finalement plus référence aux performances de l'organe viril, à sa taille, qu'à la question des rapports entre les genres, ou l'érotisme à deux, ce qui amène Romain Gary à évoquer "ces gosses, dans les commodités de collège, qui comparent leurs possibilités."

De fait, cela rappelle irrésistiblement cette scène racontée par Hemingway dans "Paris est une fête", où Scott Fitzgerald, que l'exquise Zelda a réussi à persuader qu'il était quasiment infirme de ce côté-là, se laisse convaincre par "Papa" de lui montrer l'objet litigieux dans les toilettes du restaurant ou de l'hôtel où ils dînent, à seule fin d'être rassuré sur sa normalité...

Pour l'écrivain français, on ne mesure pas assez "la fantastique influence de Jack London qui a été la première incarnation de ce mythe de puissance", entre boxe, alcool et sexe (encore que chez London, les fusils sont plus souvent dehors que l'organe masculin).

""La Brute", l'histoire de ce champion de boxe suprêmement intelligent… le voilà, le modèle, le mythe !"

Mais c'est peut-être là un portrait de l'écrivain nordiste que dresse Gary, celui des héritiers de Jack London, l'écrivain trappeur et boxeur, puisqu'il admet que les sudistes, eux, échappent à cette fascination des gants de cuir (trop occupés qu'ils sont, sans doute, à faire porter leur littérature par les esclaves de leurs anciennes plantations).
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Je remercie Babélio et les éditions de L'Herne pour l'envoi de ce livre dans le cadre de la masse critique.

Que dire ?

Je pensais lire un récit de Romain Gary sur la vie et les rencontres qu'il fit quand il était diplomate aux services de la France sur le sol américain.
Alors, certes, oui, il y a le premier écrit du livre qui est consacré à sa rencontre avec le Président Kennedy....mais cela ne dure que quelques pages !
Ensuite les "chapitres" reprennent des articles, des notes, des interviews de l'écrivain pour les rassembler ici.

A lire en pointillé, comme on déguste ce que l'on aime, pour faire durer la rencontre et l'atmosphère dégagée par ces mots de Romain Gary .

Admirateurs de "l'homme- Romain Gary" ne passez pas votre chemin !
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« Un soir avec Kennedy » est un recueil d'articles et d'interviews publiés dans des revues et magazines. C'est un texte étonnant et assez inattendu que Babelio m'a envoyé dans le cadre de Masse critique et je l'en remercie. Je fais partie des « fascinés » par le Président Kennedy et, malgré tout ce qui a été dit au sujet de ses frasques sexuelles, je reste persuadée qu'il s'agissait d'un Grand Homme. L'Histoire l'a prouvé. Visiblement, Romain Gary était du même avis puisqu'il insiste dans ce texte sur la fine intelligence du Président et sa capacité à comprendre les choses et à anticiper avec une rapidité extrême.
Diplomate et vivant aux USA, Romain Gary a pleinement conscience de la relation que porte le peuple américain à son passé esclavagiste mais également aux problèmes raciaux (toujours bien présents aujourd'hui) et aux inégalités récurrentes, dans un pays qui se prend régulièrement les pieds dans le tapis.
J'ai également beaucoup apprécié son regard sur les cinéastes de la Nouvelle Vague. Gary se décrivait comme étant pour les français un écrivain « outsider ». Pour moi qui ne suis pas fan de cet auteur, je dois avouer que j'ai trouvé ce texte à la fois incisif et amusant, plein de tendresse et d‘humour, comme une parenthèse dans une oeuvre, une belle leçon de vie.
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Ce petit recueil contient les notes de l'écrivain, jetées sur le papier, à la suite d'un dîner auquel il avait été convié par JFK à la Maison Blanche et qu'il publia sous forme d'article suite à son assassinat.
Plus qu'un hommage, un texte qui montre, dévoile et témoigne.

Ce n'est pas simplement ce volume que j'ai reçu de Babelio mais un petit coffret contenant 3 de ces petit opus. Mais j'orienterais plus ma critique sur ce volume, par intérêt et commodité ;)

Plus qu'un compte-rendu de la soirée et de leur conversation, ces notes sont des réflexions sur Kennedy, l'homme plus que la fonction.
On sent chez Gary une profonde admiration pour l'esprit analytique et l'ouverture du Président, sa bonne culture littéraire et sa soif artistique. Un respect qui s'instaure malgré les différences culturelles et les divergences d'opinion.

Pour le lecteur, c'est avant tout l'occasion d'entrapercevoir JFK derrière la façade du président américain. Une autre facette, si ce n'est intime au moins plus humaine et conviviale.
Occasion également de se souvenir qu'au-delà de l'écrivain, Gary qui a vécu aux États-Unis a beaucoup écrit sur le sujet, et participé à la vie politique en tant que diplomate.

Ce petit recueil est suivi de deux autres textes sur l'Amérique, sa littérature et son rapport à son passé esclavagiste notamment. Un oeil assez critique, pour ne pas dire virulent, que je ne connaissais pas au Gary romancier :)

Les deux autres opus du coffret sont deux ébauches de romans inachevés : le Grec et À bout de souffle.

C'est toujours un plaisir de lire Romain Gary, même en dehors du format roman pour lequel il m'était plus connu :)

Lien : http://www.perdreuneplume.co..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Je sais bien que la puissance inspire par définition de la méfiance et c'est une chose excellente. Il faut se méfier non seulement de la puissance des autres mais de sa propre puissance.
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De toute façon, je suis très peu choqué par ce que les hommes font quand ils enlèvent leur pantalon: pour faire leurs vraies saloperies, ils s'habillent.
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De toutes façons, je suis très peu choqué par ce que font les hommes quand ils enlèvent leur pantalon : pour faire leurs vraies saloperies, ils s'habillent.
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Vidéo de Romain Gary
"Un monument ! Une biographie indispensable pour (re) découvrir Romain Gary, cet auteur incroyable ! " - Gérard Collard.
Dans le Jongleur, Agata Tuszyska peint un portrait unique de Romain Gary, unique auteur à avoir reçu deux fois le Prix Goncourt (pour Les Racines du Ciel et La Vie devant soi), diplomate, scénariste, pilote de guerre, voyageur; et montre comment son personnage va au-delà des limites de la pirouette artistique et des responsabilités humaines.
À retrouver en librairie et sur lagriffenoire.com https://lagriffenoire.com/le-jongleur.html
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