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Critique de ODP31


La vie de Romain Gary fut aussi romanesque que ses écrits et il me fut impossible de terminer un chapitre sans imaginer le contexte particulier de son écriture pendant la seconde guerre mondiale.
Le jour, le pilote de la RAF, matricule 30049, décollait depuis l'Angleterre à bord d'un corbillard ailé, traversait la Manche et larguait des bombes sur les positions nazies.
le soir, de retour de mission, Roman Kacew devenait Romain Gary. Il écrivait peut-être dans une semi-obscurité, entouré parfois par les chants alcoolisés de ses frères d'armes en cas de victoires, plus souvent par un silencieux recueillement quand l'un des leurs manquait à l'appel. J'extrapole.
La nuit, l'histoire du roman prenait corps. Celle du jeune Janek et de ses compagnons dans le maquis polonais. Ils combattent l'envahisseur allemand et tentent de survivre dans le froid, affamés, seulement réchauffés par la fraternité, l'espoir d'une prochaine victoire et le récit de légendes contés par le vieux patriote Dobransky.
Chaque jour, Romain Gary enchaînait donc deux batailles pour la même guerre, l'une réelle, l'autre imaginaire.
Le récit est fragmenté, un peu parce que le texte fut retravaillé une dizaine d'années après sa sortie par l'auteur pour une édition américaine, mais surtout parce qu'il fut écrit en période de guerre, sans garantie de lendemain.
La mort frappe n'importe quand, n'importe qui, n'importe comment et le roman évoque très bien le fatalisme des personnages qui est aussi celui de l'auteur.
Certaines scènes de sacrifices continueront de hanter ma mémoire de lecteur avec l'entêtement d'un fantôme traînant ses chaînes dans un vieux manoir écossais.
Sacrifice d'honneur du père de Janek dès l'ouverture du roman, sacrifice de Zosia, la jeune compagne de Janek qui abandonne son corps aux allemands pour obtenir des renseignements, sacrifice d'un pianiste allemand inoffensif pour ne pas mettre en péril une opération, sacrifice aux horreurs de la guerre, « aux bonnes raisons, bien valables, bien propres, pour tuer un homme qui ne vous a rien fait ».
J'ai trouvé la narration extraordinaire.
Dans la notice passionnante rédigée par Mireille Sacotte pour l'édition récente des oeuvres de Romain Gary dans La Pleiade, j'ai appris que le roman aurait pu s'intituler « Rien d'important ne meurt jamais » et je trouve que ce titre aurait été plus évocateur que « l'Education européenne » pour saluer le don de soi et l'abnégation des personnages.
Les légendes contées par Dobransky et l'évocation de Nadejda, héros mythique de la résistance polonaise, constituent des respirations qui réchauffent le moral des partisans dans le roman et aère l'attention du lecteur par plusieurs effets comiques ( peut-être pour que nos paupières ne gèlent pas dans les pages de l'hiver polonais).
Comment ne pas terminer enfin ce billet par la citation la plus célèbre de ce premier roman de Romain Gary :
« -Le patriotisme, c'est l'amour des siens. le nationalisme, c'est la haine des autres…. »
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