Moi-même, je crois que ces Peaux-Rouges sont en vérité les créatures du mal dont nous entretiennent les Saintes Ecritures. Sans aucun doute ils se sont ligués avec ces abominables papistes que sont les Français du Canada. Ces Français, on me l'a rapporté, payent aux Indiens une somme fixe en or pour chaque douzaine de scalps anglais.
On s’arrachait le moindre fragment de nouvelles sur les Tappau : ainsi son chien avait hurlé la nuit durant sans qu’on ait pu le faire taire ; sa vache avait soudainement manqué de lait deux mois après avoir vêlé ; la mémoire du pasteur lui avait manqué un matin pendant une minute ou deux en récitant la prière au Seigneur ; il avait même omis un membre de phrase lors de ce lapsus subit. On pouvait interpréter et comprendre, grâce à ces signes avant-coureurs, les maux étranges de ses enfants. Tel avait été le fond de l’entretien de Grace Hickson avec ses amies. A la fin une controverse s’éleva : dans quelle mesure devait-on considérer ces assujettissements au pouvoir du Malin comme la preuve d’un péché commis par le pasteur Tappau et, dans ce cas lequel ?
Presque chacun dans Salem était réveillé et debout, cet affreux matin, même si peu étaient sortis, tandis que Loïs avançait au long des rues. Là se trouvaient les potences érigées à la hâte, leur ombre noire traversant la rue avec une signification épouvantable. Elle devait maintenant passer la prison aux barreaux d'acier ; à travers les fenêtres sans vitre, elle entendit le cri rempli de peur d'une femme, et le bruit de nombreux pas.
Les gens ont la terreur des vrais dangers et dans leur peur peut-être, en imaginent qui n’existent pas.
C’était un bienfait que toute sorcière disparaisse de la face de la terre, Indienne, Anglaise, païenne ou, pire, chrétienne baptisée qui avait trahi le Seigneur, comme Judas, et rejoint Satan.
Loïs savait qu’elle n’était pas elle-même sorcière mais n’était pas la dernière à croire que le crime était au-dehors, et largement partagé des esprits maléfiques qui avaient choisi de donner leur âme à Satan.
Se séparer est toujours pénible, mieux vaut avoir les temps durs derrière soi.
"La fille du pasteur, la fille du pasteur, là-bas dans les bras de sa nourrice ; ton papa n'a jamais essayé de me sauver et nul ne te sauvera quand on te prendra pour une sorcière !"
D'ailleurs il y aurait beaucoup à dire sur les fables qui circulaient à l'époque dans ces contrées lointaines. On croyait dur comme fer aux manifestations des esprits bons ou mauvais, constamment révélés au cours de la vie humaine ; un grand nombre passaient pour des messagers du Seigneur. On prenait la Bible, on laissait les pages s'ouvrir au hasard ; le premier texte venu était regardé comme une révélation divine, un ordre. On entendait des bruits qu'on ne parvenait pas à identifier ; ils étaient dus probablement aux esprits malins qui n'avaient pas encore été chassés des régions désertiques où ils avaient si longtemps régné.
Ainsi, même des chiens furent accusés de sorcellerie, durent éprouver les sanctions légales et furent enregistrés parmi ceux soumis à la peine capitale.