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sur 827 notes
« Un premier Gaudé avant la guerre »

Pourquoi ce petit clin d'oeil au dernier verre de Lehane ?

Au moins trois bonnes raisons à cela. Un, il s'agit de leur premier roman qui les a fait connaitre et je suis devenu un fervent admirateur de ces deux grands auteurs de talent. Deux, la guerre peut être mondiale comme en 14-18 en Europe ou une guerre des gangs comme dans la banlieue de Boston…. Et trois, j'ai repensé à cette scène dans le roman où cet officier, le lieutenant Rénier, avant de charger pour s'emparer d'une tranchée ennemie, partageait sa fiole de gnôle avec ses hommes jusqu'à la dernière goutte pour tenter de faire face à la peur. Cette peur de mourir avant l'assaut !

Après avoir découvert et apprécier Laurent Gaudé dans « le soleil des Scorta », je me suis donc plongé dans son roman écrit en 2001, décrivant l'horreur de la guerre des tranchées en 1914. Un seul mot, «Cris».

Mais de quels cris s'agit-il dans ce livre ? Et pourquoi ?

L'auteur compare dans son roman les avancées des combattants, de tranchée en tranchée, à des vagues qui se déversent telles de lames de fond. En l'occurrence, ce mot « Cris » m'a évoqué irrésistiblement la superbe chanson de Balavoine «Tous les cris les S.O.S.» et cette bouteille jetée à la mer. En parcourant les paroles de ce titre, j'ai constaté des similitudes étonnantes et troublantes avec le récit de Gaudé.

« Et je cours
Je me raccroche à la vie
Je me saoule avec le bruit
Des corps qui m'entourent
Comme des lianes nouées de tresses
Sans comprendre la détresse
Des mots que j'envoie »

Je me voyais regarder cette scène où notre lieutenant, après le déluge d'une pluie d'obus sur les positions adverses, lançait l'attaque en haranguant ses soldats et tombait dans la tranchée ennemie jonchée de cadavres allemands.

D'autres cris surgissent également du champ de bataille. Outre ceux des blessés, ou pire des gazés, des cris d'un mi-homme mi-animal sèment le trouble sur les positions avancées. Comme Lansdale et son « Homme-chèvre » des « Marécages » ou encore Crabb et Willie le Siffleur dans « La bouffe est chouette à Fatchakulla », Laurent Gaudet met en scène l' «Homme-cochon», un soldat fou et hirsute, qui se joue des éclats d'obus et des balles entre les deux lignes ennemies.

Vous l'aurez donc compris, c'est un roman qui ne se veut pas historique mais littéraire focalisé sur les émotions ressenties par ces hommes au front, Rénier, Boris, Marius… et de Jules, un soldat échappant aux combats grâce au billet bleu de permission accordé pour une semaine.

Cette écriture magnifique, qui donne la parole à chacun des personnages à tour de rôle, illustre parfaitement cette guerre de tranchée si cruelle et inhumaine. Pour moi, Gaudé réussit à capter toute l'attention du lecteur du début à la fin grâce à cette alternance entre le front et le récit de Jules loin des tranchées. Un peu comme si l'auteur nous permettait de souffler à l'image des relèves de soldats durant la guerre. Mais le répit s'avère de courte durée…

Finalement, je considère ce livre comme une vraie réussite qui met en lumière toutes les émotions et souffrances qu'ont vécues et subies nos ancêtres français il y a tout juste un siècle. Comment ne pas évoquer, pour conclure, le souvenir de mon arrière-grand-père paternel, que j'ai eu la chance de côtoyer tout jeune, qui avait survécu à la guerre 14-18, notamment d'un éclat d'obus grâce à son portefeuille ! Oui, un miracle qui changera le destin d'une vie…comme un des soldats dans le roman.

Jetez-vous donc à cor et à « Cris » sur l'oeuvre somptueuse de Laurent Gaudé !
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Un long frisson m'a saisie dès la première voix de ce roman choral bouleversant : le frisson de l'horreur et de l'empathie, mais aussi celui de la reconnaissance du génie.

Car Laurent Gaudé est un maitre.
A coup de petites phrases où chaque mot est pesé, il m'a fait participer au plus près de la bataille des tranchées durant la guerre 14-18.
Il m'a immergée dans ces tranchées noires de boue et de cadavres.
Il m'a obligée à regarder en face ces hommes criant leur peur et leur douleur, clamant leur défi au ciel, exhibant leur folie, mais révélant aussi leur humanité. Car la bestialité, due au fait qu'il faut sauver sa peau, qu'il faut vivre, côtoie la compassion et l'héroïsme.

Les pensées de chaque combattant nous sont livrées et je ne peux qu'adhérer à ce flot de sensations et de sentiments ô combien humains.
Mais Laurent Gaudé permet au lecteur de grandir : sa pensée s'élève aussi au-dessus de la mêlée affreuse pour atteindre l'universel.
Cette contraction de l'intime et de l'absolu, servie par des images poignantes et des mots rudes nous rappelle inexorablement notre condition humaine.

Cris jetés en pleine face ennemie, cris lancés vers le ciel, cris de douleur et d'effroi, cris de supplication aussi, face aux civils qui ne peuvent pas comprendre ; cris d'espoir, enfin.

A la lecture de ce roman, comme à la lecture de toute l'oeuvre de Laurent Gaudé, on ne peut que s'accroitre. C'est cela, le génie.

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C'est un Cris, c'est un chant… c'est aussi le désert et le vent ! Ah non, pardon. Lapsus. Car ici, nous n'avons pas droit à de belles Musulmanes, mais à des Poilus tous aussi sales et fous les uns que les autres…

Sur la lancée de la Mort du roi Tsongor et sur les conseils avisés d'un babélionaute de talent qui se reconnaîtra, je suis parti à l'assaut de ces Cris. Dès le début de ce tout premier roman de Laurent Gaudé, nous sommes happés dans un univers tourmenté, grâce à de petites phrases chics et chocs qui désorientent le lecteur et qui l'empêchent de lâcher ce bref ouvrage. En effet, si j'ose le dire, si c'est un cri, si c'est un chant, alors c'est aussi la guerre et le sang !
Les tranchées comme on se les imagine, mais en pire, et surtout avec un brouhaha de tous les instants : obus qui éclatent, hurlements à la mort des blessés de l'attaque précédente et encouragements guerriers lors de chaque avancée de l'infanterie. Mais il n'y a pas que ça, car des invectives sont inlassablement poussées depuis le coeur du champ de bataille et résonnent à l'esprit de ces Poilus bien tourmentés ; bientôt, ces voix résonnent aussi dans leur tête, même une fois éloignés du champ de bataille. À travers cette cacophonie impalpable derrière ces pages que nous lisons, Laurent Gaudé réussit malgré tout à nous faire vibrer, tantôt au rythme des secousses des obus, tantôt au rythme des soubresauts des mutilés aux portes de la mort, tantôt même aussi au rythme des mouvements compulsifs et saccadés de nos esprits, tantôt enfin à celui de ces guerriers qui n'en étaient pas avant d'aller à la guerre, mais le restèrent après en être revenu, jusqu'à leur dernier cri.

C'est donc avec un plaisir non retenu que j'ai retrouvé en ces Cris l'épopée individuelle, magnifiée plus tard dans La Mort du roi Tsongor, que j'apprécie d'autant plus après une telle lecture. Laurent Gaudé montre là tout son talent de conteur dans un chant qui honore ceux qui sont morts au champ d'honneur.

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Si le theme de la 1ere guerre mondiale fascine à juste titre , Gaudé , lui , a pris le parti de se focaliser sur l'humain . Dans cette premiere oeuvre d'une justesse remarquable , il pose déjà les jalons de ce que sera sa marque de fabrique en devenir .

Ce que je retiens tout d'abord , c'est effectivement l'originalité du propos . Loin de vouloir offrir un témoignage historique saisissant , Gaudé , au travers de cette boucherie sans nom , interpelle par les innombrables monologues intérieurs de ses protagonistes , offrant ainsi un récit s'apparentant beaucoup plus à une piece de théatre qu'à un véritable roman .
Dans ce bourbier mortifère , aucun héros , juste des hommes liés et animés par un meme destin guerrier , les memes tourments inhérents . Ils ne sont que prénoms , noms et grades , forts de leur humanité et de leur foi déclinantes au fil de ces combats meutriers , toujours plus avides de larmes , de sang et de cadavres . La terre réclame son du journalier ! Nulle échappatoire si ce n'est tuer ou etre tué...
L'on ne sait rien de ces soldats , si ce n'est ce profond sentiment commun de vacuité et de désespérance les habitant un peu plus chaque jour . Plongés dans l'horreur la plus totale , ils nous offrent , par le biais de leurs pensées les plus intimes , une véritable réflexion sur la guerre et la propension déprimante qu'à l'humain à s'auto-détruire . Véritable plaidoyer anti-militariste , Cris , en un peu moins de 130 pages , révolte autant qu'il désespère !
Il vous propose son petit musée des horreurs ou faim , froid , folie , tourments du corps et des ames en sont les fleurons récurrents . Tragiquement démoralisant , ce petit opuscule n'en demeure pas moins parfaitement maitrisé ! Faisant fi de tout manichéisme et d'héroisme outrancier , il ne fut pas sans me rappeler les bouleversantes BD de Tardi sur le sujet...

Cris , beaucoup plus puissants que ceux de Christophe ! En plus , y a meme pas d'Aline dedans alors...
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Ils ont peur et se battent. Marius, Boris, Ripoll, Bardoni, Rénier, Jules, M'bossolo, le gazé veulent sauver leur peau mais se savent condamnés. Sacrifiés.

Tout refus de livrer bataille est une condamnation à mort… indigne celle-là. Mais ils continuent pour ne pas abandonner leurs compagnons, se doutant que leurs corps servent de rempart à un monde qui préfère les ignorer.

L'un après l'autre, des soldats de la Première Guerre mondiale nous crient leur sacrifice inutile et l'horreur des combats. L'ineptie de la guerre et l'indifférence de ceux qui n'y sont pas. C'est effrayant, douloureux et empoignant.
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Cris.
Quelle lecture assourdissante nous offre une fois de plus Laurent Gaudé!!!
Un écho qui résonne titre après titre. Une onde de choc qui se propage.

Cris.
Ceux de la terre, blessée par le prédateur, l'homme.
De la campagne, scarifiée à grands coups de tranchées. L'homme creuse pour se terrer comme un rat en attendant la mort. Aujourd'hui, demain, qu'importe, il n'y a que des jours sang.
1914, l'arrogance. 1918, les feuilles mortes, elles aussi, se ramassent à l'appel…
Cris.
D'un monde au visage vérolé, à la gueule cassée, ravagée, suintant la dévastation. D'un front aux rides creusées par les outrages des artilleries.
Cris.
Etouffés, dans les combles de la conscience où la vie suffoque. Cette vie qui se débat dans la boue, qui s'asphyxie dans la poussière.
Cris.
Silencieux, intérieurs, comme pour ne pas répandre sa peur aux camarades d'infortune. L'ultime moment de dignité face à l'angoisse.
Cris.
Du temps d'une mort annoncée, programmée à la prochaine attaque, espérée à la prochaine retraite.
Cris.
De folie libératrice. La démence devient une issue, la seule. Juste pour s'échapper quelques instants en attendant l'échéance.
Cris.
Pour témoigner auprès du monde, pour garder vivants les poilus, dans le souvenir. Les rendre éternels, eux qui n'ont eu le temps de rien.
Pour ne pas oublier que la chair retourne à la terre et qu'en 14-18 l'humanité a fourni un terreau si cher...
Cris, une lecture qui laisse aphone…
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Un grand merci à Jérôme (jeranjou) qui m'a conseillé cet ouvrage et sans lequel, je ne m'y serait probablement jamais intéressée. Car il est vrai que l'on en a parfois marre de lire des livres sur la Première guerre mondiale, à force de trop ressasser le passé, on en oublie parfois le présent (j'exagère bien sûr car notre Histoire ne doit jamais être oubliée, bien au contraire !) mais ces ouvrages-là, à force, sont parfois répétitifs voire même rébarbatifs.
Eh bien là, pas du tout...En donnant la parole tour à tour à ses personnages, Laurent Gaudé nous rappelle avant tout qu'avant d''appartenir à une armée, que ce soit celle de la France ou de l'Allemagne, peu importe, ces hommes-là n'étaient pas que de la chair à canon ou des machines à tuer mais ils étaient avant tout des hommes : ils s'appelaient Marius, Jean ou Boris parmi tant d'autres mais ce que j'ai trouvé extraordinaire ici, c'est que l'auteur leur rend avant tout leur humanité. Il y a d'un côté les Français, certes et de l'autre, non pas les "méchants Allemands " mais simplement "L'Ennemi". Auriez-vous réfléchi à deux fois si l'on vous avait dit qu'il ne s'agissait pas simplement de tuer mais tout simplement de survivre ?

Un ouvrage très court, très bien écrit, qui se lit en un rien de temps et qui nous enseigne qu'il ne faut pas juger mais tout simplement essayer de comprendre et que toutes les horreurs qui se sont déroulées; continuent d'ailleurs et continueront sûrement, sont faites par des hommes. Attention ! Je ne dis pas qu'il faut toutes les approuver (loin de là) mais simplement essayer de comprendre ! A lire !
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Ce premier roman de Laurent Gaudé est pour moi une véritable prouesse littéraire. On peut comprendre l'engouement qu'a suscité cet auteur.
Même si le roman se passe pendant la guerre 14-18, il n'est pas pour autant historique mais semble bien ancré dans la réalité. On suit le parcours de plusieurs soldats, Jules, Romain, Boris, de jeunes hommes aux destins tragiques, prisonniers dans les tranchées, la boue et au milieu des cadavres, véritablement otages de cette guerre. On ressent leurs peurs et la folie de la guerre.
L'écriture de Laurent Gaudé est ici remarquable : il n'y a que des phrases courtes et les mots sont justes. La structure du roman étant aussi particulière, on ressent d'autant plus l'oppression, la peur, la folie, l'étouffement et l'horreur de la guerre.
Un livre que j'ai refermé avec beaucoup d'émotion.
Un livre dans lequel je me suis sentie prisonnière.

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La guerre de 1914 : des cris déchirants, bouleversants, inhumains et une solidarité sans faille.

Dans un condensé de 180 pages Laurent Gaudé fait s'exprimer en style chorale les différents soldats et le médecin. L'écriture ciselée, incisive et percutante alimente de courts paragraphes qui nous atteignent avec violence et nous heurtent.

Il est impossible de sortir indemne de cette lecture.

Merci à vous ami(e)s Babelio pour cette découverte.
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En 2001, avec "Cris", Laurent Gaudé n'a finalement pas tout à fait troqué le théâtre pour le roman. Dans "Cris" et comme d'ailleurs dans la majorité de ses livres suivants, on retrouve une très grande part de théâtralité. Laurent Gaudé, romancier, garde sa casquette d'écrivain dramatique et j'aime beaucoup !

"Cris" c'est la Première Guerre à "bras-les-mots" ; cette "grande fresque de fureur et de poudre".
Nous connaissions l'inhumanité de cette guerre. Ici, cette inhumanité nous saute franchement à la figure, elle gueule sur nos têtes à pleines dents comme ces cris infinis des hommes que la guerre fait exploser dans un paysage sonore assourdissant. Comme ces voix narratives des soldats, du Médecin, du lieutenant, qui se coupent, s'entremêlent, qui s'élèvent tout à tour pour raconter l'effroi, la terreur, la stupeur, la peur, l'horreur, la souffrance, des voix qui résonnent, qui nous font perdre le fil, et nous plongent dans le chaos qui règnent dans les tranchées, ce grand lit froid dans lequel les soldats sont confinés dans des conditions abominables.

Une guerre assassine. Les soldats jouaient leur vie aux dés. Ils étaient devenus des soldats "termites", des « hommes de la terre. Invisibles. Meurtriers tapis au ras du sol. Aux aguets...» , des ombres d'eux-mêmes, des pauvres hommes qui même vivants semblaient avoir perdu « ... plus de regard, plus de force dans le corps...», laissés seuls « dans ce siècle béant qui happe des hommes et vomit de la terre. »
« Je vois le grand-siècle du progrès qui pète des nuages moutarde, je vois ce rand corps gras éructer des bombes et éventrer la terre de ses doigts. »
Une guerre qui ne ressemble pas aux précédentes. Une guerre "moderne". Une guerre violente et cruelle. Une guerre traumatisante.
« Tes ancêtres, lieutenant Rénier, ont eu plus de chance que toi. Nous sommes la relève. Et nous ne connaissons rien de ce front, rien de cette guerre, rien des règles qui régissent le combat. Nous sommes les fils de l'ogre. Ce grand siècle moutarde qui naît a commencé par tuer les hommes qui n'étaient pas siens, et maintenant il nous regarde tous. Ses fils. »
Une tragédie criante d'angoisses. Une narration efficace, étourdissante.
À ne pas bouder !
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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