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Citations sur De sang et de lumière (67)

Nous sommes vieux comme le monde,
Héritiers de villes rasées, de peuples en mouvement,
Du désir fou de bâtir pour l’éternité,
D’offrir des temples, des statues, à ceux qui nous suivront.
Nous sommes les fils de l’incendie.
Et notre devoir est de contenir les flammes
- Chaque fois, le même combat renouvelé -,
Les contenir,
Pour qu’elles rayonnent
Plutôt que de tout brûler.
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Indisciplinée au temps,
Affranchie,
Sœur des fougères qui plient doucement sous le vent.
Solange,
La fille qui ouvre le ciel,
Et rachète,
Par le simple déhanchement de son sourire,
Nos vies indistinctes.

p.55 extrait de (Et pourquoi pas la joie?)
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Nous avons besoin des mots du poète, parce que ce sont les seuls à être obscurs et clairs à la fois. Eux seuls, posés sur ce que nous vivons, donnent couleurs à nos vies et nous sauvent, un temps, de l'insignifiance et du bruit.
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Je viens de terres brumeuses
Qui sentent l'odeur chaude des siècles,
La teinture et le houblon.
Je viens de terres que je ne connais pas
Qui portent des noms à la mine rouge et aux oreilles écartées :
Hazebrouck, Bousbecque, Wervicq, Wattrelos,
Battues par les vents,
Et transpercées d'humidité.
Le nord industriel,
Qui embrasse la Belgique
Dans un parfum de labeur.

...

Je viens de terres où je suis étranger,
De terres où je ne suis pas né,
Dont je ne parle pas la langue,
Et qui sont miennes,
Pourtant,
Parce qu'aimées.
Je suis né d'un regard sur la Méditerranée,
Cette mer déchirée,
Qui fit toujours commerce de vases, d'huile, de vin,
D'esclaves,
De tout.
Et les mélanges, les musiques qui se mêlent,
Les miracles dans le mariage des formes,
L'aubergine et la tomate,
Les épices et le poisson grillé,
Sur les bords de la mer Egée comme à Tunis.
J'ai ses lumières en moi.
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L'Europe et la Méditerranée,
Les deux saignent,hésitent et tremblent.
Je viens d'un combat permanent,
De sang et de lumière.


p.97
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Les mots sont
Vieux
Comme la souffrance des peuples.
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À Fréthun,
La forteresse surgit d'un coup.
Terrain quadrillé.
Tourelles et chiens de garde.
Ils ont inondé des zones entières pour les rendre inaccessibles à vos pieds.
Ils ont clôturés, barrés,
Long grillage sur le bas côté de l'autoroute,
Double rangée, toute neuve,
Infranchissable.
Ils sont là partout,
Les signes de notre violence

...

Ci gît la France qui n'a pas le courage de ses valeurs.
Ci gît l'Europe et mon âme
D'avoir vu votre misère.
Ci gît un peu de l'homme d'où qu'il soit,
Car en ces terres le mot "frère" a été oublié.
Et lorsque les pelleteuses auront fait place nette,
Lorsqu'elles auront pietiné ce que vous avez patiemment construit
Elles s'apercevront peut être,
Mais trop tard,
Que ce sur quoi elles roulent,
Ce qu'elles tassent,
Et font disparaître,
C'est notre dignité.
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Merci,
D'avoir construit cette église la plus belle que j'aie jamais vue,
Merci,
Je n'irai pas y prier car je n'ai pas de Dieu
Mais elle est le signe de votre dignité
Et d'un espoir,encore,en vous,malgré la crasse et l'usure du vent.

p.85
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Je veux une poésie moite et serrée comme la vie de l'immense majorité des hommes. Je veux une poésie qui connaisse le ventre de Palerme, Port au Prince et Beyrouth, ces villes qui ont des visages de chair, ces villes nerveuses, détruites, sublimes, une poésie qui porte les cicatrices du temps et dont le pouls est celui des foules.

Je veux une poésie qui s'écrive à hauteur d'hommes. Qui regarde le malheur dans les yeux et sache que dire la chute, c'est encore rester debout. Une poésie qui marche derrière la longue colonne des vaincus et qui porte en elle part égale de honte et de fraternité. Une poésie qui sache l'inégalité violente des hommes devant la voracité du malheur.

Je veux une poésie qui défie l'oubli et pose des yeux sur tous ceux qui vivent et meurent dans l'indifférence du temps. Même pas comptés. Même pas racontés. Une poésie qui n'oublie pas la vieille valeur sacrée de l'écrit : faire que des vies soient sauvées du néant parce qu'on les aura racontées. Je veux une poésie qui se penche sur les hommes et ait le temps de les dire avant qu'ils ne disparaissent.
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Seul le vent

Nous sommes là silencieux depuis de longues heures déjà
Sous le ciel du matin réunis en petits groupes tirant sur une cigarette
Ou jouant du bout du pied avec un caillou.
N’attendez pas de nous que nous parlions.
Nos mots n’ont plus de force contre le monde.
Alors nous les gardons pour nous
Et nous écoutons le vent qui fait trembler la toile de la tente
Quand de bâches blanches en longues colonnes monotones
Le vent qui siffle, s’engouffre partout et nous rend fou.
Nous l’écoutons pour nous habituer à sa présence, à son haleine
Car nous savons, nous avons compris dès les premiers jours de novembre
Où il est apparu qu’il serait notre plus grand ennemi.
Seul le vent est chez lui ici
Qui dévale les pentes,
Fait claquer les drapeaux,
Et vous oblige à rentrer la tête dans les épaules.
N’attendez pas de nous des mots, non.
Soit que nous soyons, côte à côte ou que nous restions dans nos tentes,
Nous sommes têtes basses, échines pliées.
Nous restons penchés sur nos souvenirs
Nous les gardons pour nous,
Qui en voudrait ?
Si nous les disions le vent les emmènerait
Et ils s’éparpilleraient sur la colline
Finiraient à terre comme des cerfs-volants d’enfants, déchirés souillés par la boue
Car il pleut maintenant
Et tout se transforme en terrain marron
Qui colle aux chaussures
Seule la boue est chez elle ici
Flaque brillante qui vous attrape les pieds pour faire glisser
Trou profond qui vous avale jusqu’à la cheville
La boue glaiseuse, argileuse, épaisse et collante
Qui fait de nos chaussures lorsqu’elles sèchent
De vestiges compactes comme fossilisés
Seule la pluie est chez elle ici
Elle tape sur les bâches avec minutie
Et cela semble ne jamais devoir cesser.
Elle nous fait rentrer dans nos tentes
Tête basse, dos plié
Que sommes nous devenus ?
Nous étions hommes forts
Paysans aux mains de pierre
Nous étions pères de famille
Au large sourire, prodiguant les conseils
Et veillant à la chaleur sur la tête de nos enfants.
Nous étions hommes au travail
Courageux à la peine
Nous étions combattants parfois
Pour que notre peuple ne soit pas qu’un nom
Qu’on se transmette de père en fils dans le secret des veillées
Mais une terre aussi.
Nous étions groupe de fête
Danse entre frères et amis.
Que sommes nous devenus ?
Lassitudes des jours qui passent sans travail
Lassitude d’un corps qui se fatigue toujours plus
A ne rien faire.
Nos enfants nous regardent
Qu’ils cessent de le faire, par pitié !
Nous ne sommes plus qu’un dos
Une démarche traînante.
Nous, hommes au travail
Large dans la vie
Au regard clair comme le ciel des montagnes
Nous sommes inutiles
Nous portons nos enfants dans nos bras
Nous les tenons fermement
Est-ce qu’il ne reste que cela de nous ?
Des bras pour enlacer la misère?
Nous, vos femmes, vos sœurs
Nous vous voyons dans votre silence
Nous avons dorénavant des larmes dans la bouche
Vie de bidons qu’il faut remplir d’eau, de kérosène.
Vie de pelles pour creuser les rigoles
Et déjouer les ruses de la pluie
Vie de marmailles, les uns sur les autres
Comme des portées de chiots sous la tente.
Et cette chaleur au moins
Qui donne au matin
Une odeur d’étable à la tente
Personne ne nous l’enlèvera
Vie de linges qui pend entre nos tentes
Ou le long du grillage exhibant notre misère
Nous comptons les pantalons et les pulls que nous n’avons plus.
Nous comptons les affaires laissées dans nos maisons
Dans nos tiroirs de nos armoires
Car nous avions des armoires
Il nous vient à pleurer en y repensant
Nous avons dorénavant
Les larmes dans l’esprit
Nous, vos femmes qui ne pouvons sortir du camp
Nous nous levons chaque matin
Et nous nous regardons
Nous voyons nos enfants mal couverts
Ils seront malades parce que l’hiver viendra
Nous savons certains des plus jeunes que le froid emportera
Dans nos bras déjà, un enfant est gris de mort
Nous l’emmitouflons dans une couverture
Qui ne chauffe plus son corps
Nous avons les lèvres au coin des larmes
Et pourtant le ciel est bleu et vaste
Nous avons les larmes qui coulent au fond de l’âme
Nous regardons nos enfants qui regardent les allées désertes du camp
Ils sont là, ne disent rien
Ont le visage sérieux et se demandent en silence
Quel nom ils porteront maintenant
Qu’ils sont le fils de cette terre qui n’appartient qu’au vent.
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